Victoria

Par Cinealain

André Hennicke, Max Mauff, Philipp Kubitza, Ernst Stötzner

Plus qu'un film, Victoria est devenu un phénomène lors de la dernière cérémonie des German Film Awards, l'équivalent des César en Allemagne.

Le long métrage a obtenu, entre autres, les récompenses les plus prestigieuses.

Quatrième film de Sebastian Schipper, Victoria est également le premier film qu'il produit grâce à sa société de production MonkeyBoy qu'il a fondée avec Jan Dressler en 2013. Comme pour ses trois précédents longs-métrages, le cinéaste signe également le scénario de son film.

il n'a duré en tout et pour tout que... 2h14 !

Le réalisateur Sebastian Schipper a en effet tourné l'ensemble du film en un seul plan séquence, en temps réel, un matin à l'aube.

Afin que les lieux de tournage soient proches les uns des autres, le décor de la boîte de nuit fut spécialement construit pour les besoins du film.

Une grande part des dialogues furent également le résultat de l'improvisation des comédiens.

se voit comme un objet cinématographique singulier qui a fait dire au réalisateur américain Darren Aronofsky, président du jury de la Berlinale où le film fut présenté, qu'il avait "bouleversé son monde".

La gageure d'un film tourné en un seul plan séquence et en temps réel ne supportait pas de refaire les prises. Il fallait, malgré l'aspect pour le moins singulier du projet, laisser supposer une certaine fluidité, comme le déclare le metteur en scène : "Il fallait que je réalise un film maîtrisé, j'ai donc appris à m'exprimer comme un entraîneur."

Emportée par la fête et l'alcool, elle décide de les suivre dans leur virée nocturne.

Elle réalise soudain que la soirée est en train de sérieusement déraper...

L'action du film se déroule à Berlin. La capitale allemande est figurée ici comme un véritable personnage.

Pour , le film ne pouvait être tourné nulle part ailleurs : "Pour moi Berlin est la meilleur ville du monde car elle incarne le "ici et maintenant" de cette fureur de vivre."

Même si les dialogues du film furent improvisés par les acteurs, Sebastian Schipper avait tout de même un scénario d'une douzaine de pages sur lequel figuraient les scènes, les lieux et les actions des personnages.

Le personnage principal du film, Victoria, est espagnol. Pour le réalisateur, placer un personnage de cette origine au sein de la jeunesse berlinoise se justifie : "La rencontre d'une jeunesse allemande, élève bien-pensante dans une Europe des inégalités, et d'une jeunesse espagnole moins riche et en proie à de grandes difficultés, m'intéressait. Les deux se retrouvent sur une absence d'avenir programmée. Dans cette inquiétude de la jeunesse, j'aimais cette solidarité du "qui es-tu, d'où viens-tu"? Cette vérité va plus loin que les bonnes intentions."

Sebastian Schipper n'a pas souhaité se référer à des films qui existaient déjà car Victoria devait justement ressembler à quelque chose d'inédit.

Le réalisateur déclare : "Nous voulions absolument créer de toute pièce une véritable expérience pour le spectateur, pour cela il fallait que c'en soit une pour nous, pour l'équipe technique, pour les acteurs, pour tous ceux qui y participaient. Nous avons envisagé le film comme le résultat de cette expérience, et nous savions que pour réaliser cela nous devions nous éloigner des codes du cinéma, pour créer quelque chose d'unique, de nouveau, avec sa propre saveur, sa propre odeur, sa propre épaisseur."

"La rencontre d'une jeunesse allemande, élève bien pensante dans une Europe des inégalités, et d'une jeunesse espagnole moins riche et en proie à de grandes difficultés, m'intéressait." a déclaré le réalisateur.

Le temps de tournage de ce long-métrage correspond exactement à la durée du film. Un seul plan séquence, d'un peu plus de deux heures, au petit matin, dans le Berlin d'aujourd'hui.

Le scénario est minimal, peut-être trop. Caméra à l'épaule, le réalisateur suit ses acteurs, dans leur périple. Une première partie avec une musique envahissante et cette jeunesse qui veut vivre ou oublier sa solitude et ses peurs avec, semble-t-il, l'alcool et la drogue comme seuls remèdes. Le film vire rapidement au polar.

L'exploit technique est bien réel. Le rythme effréné de la mise en scène est parfaitement maîtrisé de bout en bout. La photographie, la musique participent amplement à l'intérêt de ce film novateur et haletant.

L'insouciance du début plongera les principaux protagonistes dans un drame irréversible. Les acteurs, tous excellents, n'ont pas le droit à l'erreur. Dans le rôle de Victoria, Laia Costa est remarquable. Une très belle révélation.

Un film coup de poing. Je suis sorti assommé mais avec la satisfaction d'avoir vu une œuvre inoubliable et à nulle autre pareille.