Une décennie de musiques extrême – Bilan Hellfest 2015

Le festival de musique Hellfest souffle sa 10ème bougie. Devenu l'un des festivals incontournables français, il n'en a pas toujours été ainsi. Avec des débuts très houleux : annulations et entraves extérieurs, le est maintenant une référence. Un sans-faute?

Clisson est maintenant la nouvelle Rock city. Détrônant Détroit (référence à Detroit Rock City - Kiss), la petite ville de de 6000 habitants de Loire-Atlantique accueille depuis 10 ans l'un des plus gros festivals de musique métal - rock d'Europe, le Hellfest. Cette année, à l'occasion de sa 10ème édition, le festival a fait les choses en grand. Faisons un retour sur cet évènement et un bilan depuis ses débuts.

Présentation du festival

Des infos et des chiffres

Le Hellfest est un festival de musiques dites " extrêmes " puisqu'il est vise un public amateur de hard rock ou de metal, mais pouvant aller dans des directions moins accessibles comme le stoner metal, le punk hardcore, le doom metal, le black metal ou le death metal. Débuté en 2006, le festival commençait quand même sur une base de festivaliers conséquente, celle du Furyfest. Prédécesseur du Hellfest, celui-ci n'a pas été prolongé en raison de difficultés financières et matérielles.

Alors que le festival accueillait 22 000 personnes en 2006, 10 ans après, c'est 150 000 personnes qui fouleront le sol du Hellfest, faisant de ce festival, le troisième plus gros de France derrière le festival des Vieilles Charrues et Solidays. Maintenant réparti sur six différentes scènes thématiques (dont deux pour les " main stages "), ce sont chaque année plus de 150 groupes qui foulent les planches du Hellfest. Slayer, Motörhead, Megadeth, Marilyn Manson, KISS, Deftones, Alice Cooper, Iron Maiden, Aerosmith, Deep Purple, ZZ Top, Guns N' Roses et bien d'autres feront partie des têtes d'affiches du festival et contribueront à asseoir la notoriété de l'évènement.

Une organisation auto financée.

L'organisation du Hellfest emploie 10 personnes à l'année, auxquelles viennent s'ajouter plus de 2000 bénévoles sans compter les centaines d'employés d'entreprises privées pour le son et lumière, la restauration, la sécurité, etc. Avec un budget de 8 million d'euros en 2013, les recettes du festival proviennent principalement de la billetterie (65 %) et des bars (16%), le reste provenant du merchandising ou sponsoring. Il est à noter que seul 1% du budget provient des subventions publiques.
Suite à l'énorme pression à l'arrivée du festival, le Hellfest a dû à ses débuts, montrer patte blanche. Une longue et difficile relation de confiance a dû s'établir entre l'organisation et la localité qui voyait d'un mauvais œil l'arrivée massive de festivaliers aux cheveux longs. Dès le début, le Hellfest s'est montre extrêmement organisé, propre et sécurisé pour garantir une qualité à ses adhérents d'une part mais aussi afin de prouver la sérieux qu'a le festival dans son organisation. Avec des points de tris, de la sensibilisation, des partenariats avec la SNCF et des sociétés de cars, c'est maintenant un énorme réseau de partenaires qui gravite autour de l'évènement.

L'édition 2015

L'édition Hellfest 2015 était placée sous le signe de la célébration. 10 ans d'ancienneté, une reconnaissance nationale et internationale du festival et une réelle coopération avec des centaines de partenaires sont des bonnes raisons de commémoration. C'est donc un énorme feu d'artifice qui anima le ciel de Clisson le samedi 20 juin dernier. Mais c'est aussi qui se joignit aux festivités et proposa un stand au centre du Hellfest city, une nouvelle zone, un quartier dédié aux partenaires : le covoiturage - Blablacar.fr, les instruments - Marshall ... En plus des maintenant habituelles superbes décorations, c'est une nouvelle entrée et de nouveaux chapiteaux pour les scènes.

Vendredi 19 Juin - Jour 1

Après un jeudi soir arrosé, il est temps de commencer la matinée en musique. 14h20, Truckfighter ouvre les festivités. Energique et assez déjanté, le groupe forma une bonne mise en jambe. Skyforger et Orchid continuèrent ma journée. L'arrivée de Billy Idol, avec les classiques Rebel Yell, Dancing with myself et White Wedding, n'arriveront pas à me convaincre plus que ça. Motörhead, habitué du Hellfest fera sa prestation classique : un incontournable du heavy metal, bien qu'on ne comprenne rien de ce que Lemmy " god " Kilmister raconte au micro. sera là, bien sûr sans Mikael Åkerfeldt. Du bon death metal qui tâche et qui fait du bien. Alice Cooper, comme à son habitude, sort un florilège de costumes et de jeu de scène, une vraie pièce de théâtre. Judas Priest dans leur 4ème année de tournée d'adieux, pardon, leur tournée pour leur nouvel album avant leur tournée d'adieux ; continuent avec " Breaking the Law ". Slipknot ne sera pour moi qu'un show à l'américaine sans saveur, j'espère qu'ils ont au moins contenté les fans.

Samedi 20 juin - Jour 2

Après une nuit courte et animée de références à Kaamelott, on y retourne d'entrée avec ASG, groupe sympathique mais que je ne retiendrais pas. Je passe Onslaught et le power metal pour re-découvrir Airbourne. Les Australiens confirment leur place de " nouvel " et sera l'une des grosses réussites de ce festival à mon avis. L'incontournable nous gâte une fois de plus avec son jeu de guitare et ses reprises des Guns N' Roses. mettra l'ambiance comme à son habitude. Alors que le feu d'artifice d'introduit Scorpions, je quitte après quelques minutes la main stage pour la Valley. Car oui, ce soir, pour les amateurs de bon rock, il ne se trouvait pas avec nos papys allemands, mais bien avec Triggerfinger. Ces Belges ont littéralement soufflé Scorpions dans le créneau : papy du rock. Alors que leur dernier album n'a pas vraiment conquis la rédaction, leur prestation était molle comme dans leurs précédents shows en 2011 pendant leur tournée d'adieux, pardon, leur tournée pour leur nouvel album avant leur tournée d'adieux. Triggerfinger sera la grosse révélation de cette journée qui se clôturera avec Marilyn Manson, qui contrairement à son dernier album, ne s'est pas calmé et reste un superbe spectacle.

Dimanche 21 juin - jour 3

Je commence la dernière journée du festival par la grosse découverte de cette journée : Russion Circle ou 40 min de prog metal sans parole, qui me rappelle certains vieux albums d' Opeth. Bonne surprise également sur Grave Pleasures, qui montre encore une facette différente du métal finlandais. Arrive Alestorm et le pirate metal. Oui ça existe et rien de tel pour mettre l'une des plus grosses ambiances de foule du festival. S'enchaineront Epica, Samael et Triptykon qui restent toujours sympathiques à voir ou revoir en concert. J'esquivais sans peine Limp Bizkit et Korn qui me laisseront plus que froid pour clôturer ce Hellfest avec . Alors que le groupe donne sa prestation, une joie sur scène réelle et partagée, Floor Jansen n'arrivera pas à me convaincre. Malgré un charisme et une énergie indéniables, elle ne trouvera pas mon approbation pour les reprises des chansons de Tarja Turunen. Alors que j'apprécie la découverte d'un de leur ancien tube, " Stargazers" , mon cœur se fend quand la chanteuse pousse à moitié toutes les portées de voix. Beaucoup plus à l'aise sur les dernier albums, Nightwish fut quand même un excellent show de clôture.

Le Hellfest peut-il être considéré comme une réussite totale ?

Si cette question est posée, c'est bien sûr qu'il y a une certaine réticence de ma part à entériner cette idée. La réponse va aussi dépendre de votre définition de réussite.

Une réussite économique

Elle est indéniable. En 10 ans, le Hellfest a su créer des partenariats solides avec des centaines d'entreprises ou d'associations. Une cuvée spéciale, un stand spécifique aux vignobles de la région, des restaurateurs locaux, la sécurité, le tri sélectif ne sont qu'une partie de l'iceberg. Le supermarché Leclerc réalise 1/3 de son chiffre d'affaires annuel pendant le Hellfest. Arte, la chaîne de télévision, retransmet en direct le festival et donne accès à certains concerts sur sa plateforme web. Les chambres d'hôtels sont réservées un an à l'avance. Alors que la ville de Clisson et ses habitants freinaient des quatre fers l'arrivée du festival, les voilà pieds et poings liés dans une activité florissante de la région. N'y a-t-il donc aucune critique à faire ?

Une réussite culturelle et sociale

Le Hellfest a démocratisé auprès des pouvoir publics la musique metal. Alors que les politiques voyaient d'un très mauvais œil l'implantation de ce genre de festival, une décennie de réussite en termes de propreté et de sécurité a réussi à faire changer les mentalités. A part des fanatiques religieux qui, pas plus tard que cette édition, ont saccagé le festival, aucun incident majeur n'est à déplorer. Alors que ce dernier point est assurément à porter au crédit de l'excellent niveau d'organisation du Hellfest, il ne faut pas oublier un point important.

Le festival a pu se développer grâce à un public de fans, des " métaleux " qui ont su rester fidèles pendant les premières années difficiles du festival. Le Hellfest est passé de festival pour extrémistes à festival populaire, et bien que cette idée puisse paraître absurde, elle reste pourtant vraie. Un fan de metal n'a cure d'avoir son genre de musique à la mode ou populaire. Bien au contraire, il recherche non pas le conventionnel mais bien la différence et la capacité de pouvoir revendiquer son domaine, ses goûts non communs. J'ai la sensation que le Hellfest a vu son public changer. Après quelques discussions rapides, je n'ai quasi pas rencontré d' " anciens " festivaliers comme moi (les statistiques pourront peut-être me donner tort). Alors qu'on reconnaît sans contrainte la propreté, les superbes décors ou la sécurité, est-ce que l'arrivé d'un stand Quick ou d'une grande roue est nécessaire ? Les plaisirs maintenant dépassés de poser sans tente où bon nous semble, d'apprécier une certaine spontanéité dans l'organisation et une place pour l'imprévu, tout en gardant pour but final la découverte de nouveaux groupes / genres musicaux semblent maintenant appartenir au passé. Alors que je me rappelle 2007, les pieds dans la boue, Ben Barbaud, le programmateur du Hellfest, affirmant que Korn ne remettra plus les pieds sur le site après être parti avec le chèque sans jouer, les revoir à l'affiche en 2013 et 2015 semble bien confirmer que de l'eau a coulé sous les ponts. Le Hellfest devient maintenant un évènement lucratif à l'ampleur de plus en plus grande, mais les amateurs de " retour aux sources " trouveront peut-être plus de réconfort dans les festivals naissants comme le Motocultor.

Le Hellfest reste une réussite, mais peut-être pas dans sa totalité puisqu'il verra partir une partie de son auditoire. Cette critique mise à part, le festival reste un excellent moment pour tous les amateurs de musique extrême ou plus conventionnelle. Que nous réserve 2016 ? Rendez-vous l'année prochaine !

Si vous voulez en savoir plus sur le Hellfest, je vous propose les liens suivants:
http://www.hellfest.fr/
http://concert.arte.tv/fr/collections/hellfest
http://www.lesinrocks.com/2015/06/23/musique/concerts/on-y-etait-le-hellfest-2015-11755938/
http://www.lemonde.fr/culture/visuel/2015/06/22/papes-du-neo-metal-et-sono-capricieuse-au-hellfest_4658951_3246.html