[Rétrospective] Le début d’année 2015 au cinéma – Chapitre I: Janvier

Par Kevin Halgand @CineCinephile

En France, les personnes qui passent virtuellement sous silence sont considérées comme particulièrement étranges ou portées disparus. Ils deviennent recherchés, on les traque jusqu’à ce qu’un léger signe de vie apparaisse, on leur envoie des messages privés en permanence ou des SMS pour savoir s’ils sont toujours vivants, et on les blague et/ou on les motive pour réécrire à nouveau – s’ils sont encore vivants, évidemment. Et derrière, d’autres, plus minutieux et soucieux, s’inquiètent et enquêtent sur tous les facteurs possibles de la disparition de ces individus. L’équipe complète de CinéCinéphile fait partie de ces gens-là. Voici leur histoire.

*TUMDUM*

Nom.

 Bosselli.

Prénom.

 Tanguy.

Date de disparition des blogs.

 25 mars 2015.

Les faits.

-Une critique assassine de Waste Land se terminant par un violent sarcasme. C’est la dernière fois que l’on a par ailleurs entendu parler de lui dans la blogosphère ciné. C’est à se demander si Chrysalis Films n’est pas dans le coup.

-Un court-métrage co-écrit, co-réalisé, co-co-co-co-co-co-co (x28)…. coproduit, monté et projeté début juin. Il sera bientôt en ligne, on vous enverra le lien en fin de cet article une fois paru (si vous êtes sages). La fatigue peut être coupable de cette disparition. Tout comme le manque de temps. Nos inspecteurs sont sur le coup.

-En parallèle de ce court, une espérance de passer en BTS montage l’année suivante dans l’école de cinéma. Espérance qui s’est positivement concrétisé. Des jaloux auraient-ils pu commettre l’irréparable? Rien n’est encore officiel, mais cette piste n’est pas prioritaire dans l’enquête.

-Un agacement général sur ce qu’on pourrait se permettre d’appeler les « ouins-ouins » de la blogosphère, qui pleurent parce qu’ils ne sont pas invités par les distributeurs pour quelques projections privées. Ils hurlent au scandale mais ne remettent jamais en question leur ego surdimensionné et préfèrent écrire 5000 mots sur les réseaux sociaux ou leurs blogs respectifs pour exprimer leur dégoût alors qu’ils n’intéressent personne et que eux aussi ont peut-être des choses qui les concernent qui sont bien plus graves à résoudre en priorité. L’Agacement, ce tueur en série qui dégoûte et ne donne plus envie d’écrire. Ses associés de toujours, la Prétention et le Délire De Persécution, l’auraient-ils accompagné dans ce délit de la page blanche? Rien n’est moins sûr.

Les armes du crime.

-Une page blanche. Rien de plus logique pour justifier une absence sur des blogs.

-Un réveil qui sonne. Cinq heures de sommeil par nuit et treize heures de montage par jour, voilà quelque chose de bien douloureux. Puis ça rend les yeux carrés. Entre autres.

-Une légère dépression nerveuse dûe à un isolement, provoqué par les deux armes précédentes, plus un appartement que l’on pourrait aisément comparer au placard de la chambre de Harry Potter. Oui oui, je parle de sa chambre sous l’escalier, lorsqu’il vivait chez son oncle et sa tante. Depuis avoir posé mes valises là-dedans, je parle involontairement comme Dobby d’ailleurs, que ce soit dans la posture, la tournure des phrases ou encore la voix. Si ça c’est pas beau.

-Twitter. Réseau « social » maladif où les gens t’assènent à coups de morale et dont seulement 10% acceptent le débat sur des films, et surtout écoutent autrui avec un profond respect. Les autres ne pensent qu’à leur « moi », partagent sans cesse leurs écrits dans l’espoir d’être un jour remarqués ou, s’ils échouent dans cette quête, jouent encore une fois les petits brimés, comme dit plus haut. Et en plus ils le jouent mal. Leur malhonnêteté crève les yeux.

Dix. Petits. Pourcents. Soit rien du tout en gros. Soyez témoins.

-A MILKY WAY.

-Des mauvais films? Oui mais non. Après un début janvier cauchemardesque, la qualité cinématographique a su relever la tête au fil des mois en proposant un spectacle de qualité dans les salles obscures, et ma foi, c’était pas trop tôt.

Mais heureusement, on doit dire que tout va plutôt bien aujourd’hui. Après être rentré au bercail, avoir arrêté définitivement Twitter, avoir projeté le court-métrage en question et réussi à accéder au BTS, je peux enfin vous annoncer que oui, messieurs-dames, je suis bel et bien de retour. L’équipe de CinéCinéphile, intègre, prête à débattre et donner son point de vue sur tout sans concession mais avec passion, a donc bien effectué son travail, et ont retrouvé leur rédacteur dilettant. Tout va donc bien… dans le meilleur des mondes possibles.

*TUMDUM*

Et si on parlait un peu cinéma maintenant? Comme j’ai pu le dire plus haut, cette année cinématographique a assez mal démarré, offrant purge sur purge en janvier avant de se redresser positivement quitte à offrir quelques oeuvres monumentales et des agréables divertissements. Mais je ne spoile pas pour l’instant et vous laisse la surprise sur ces films en question.

 Chaque semaine, un mois de cinéma sera décortiqué sur CinéCinéphile, de janvier à juin, afin de proposer une première véritable rétrospective de ce début d’année. Nous démarrerons l’année par… le mois de janvier. Logique, si l’on en croit le calendrier. Allez, découvrons ensemble et avec le sourire, les films vus en 2015!

Captives, d’Atom Egoyan: si au départ le postulat semble intéressant (compétition cannoise, le retour de Egoyan au premier plan, Ryan Reynolds en quête de rédemption), le film devient très vite lassant et ennuyeux. L’histoire originale (une fille se fait kidnapper, laissant ses parents et la police dans le doute sur sa possible mort durant de nombreuses années jusqu’à ce qu’elle redonne signe de vie) est une base solide pou un thriller efficace à défaut d’être novateur, mais le récit perd tout intérêt lorsqu’il multiplie les points de vue, donnant lieu à des ambiances différentes voie risibles par moments  et propose un schéma narratif dédalique sans queue ni tête et n’offrant aucune réflexion qui en vaut vraiment le coup. Deux pauvres heures sans originalité propre, où seul Ryan Reynolds semble survoler. Ce qui est déjà pas mal, quand on connait l’acteur.

L’Interview Qui Tue !, de Seth Rogen et Evan Goldberg: Le film a le mérite de soulever les barrières du politiquement correct et de les déplacer un petit peu plus loin parfois, lorsqu’il parodie sans tabou le dictateur nord-coréen Kim Jong-Un. En ce mois de crise de la liberté d’expression, où la France entière se mit à scander un valeureux « Je Suis Charlie » sans même avoir lu parfois un traître mot de l’hebdomadaire ou sans même savoir s’ils seraient prêts à cautionner ne serait-ce qu’un seul article d’eux, cette caricature du dictateur le plus célèbre du monde est une bouffée d’air frais dans le paysage parodique potache. Seulement voilà: les gags homophobes et sexistes s’enchaînent péniblement, les situations et le cadrages sont complètement hors du temps, et James Franco étale sa lourdeur en cabotinant durant deux heures de supplice cinématographique. Finalement, l’interdire n’aurait pas été cinématographique, au vu de sa qualité finale…

Les Nouveaux Sauvages, de Damian Szifron: Alors soit, c’est loin d’être un chef-d’oeuvre de comédie, les sketchs s’enchaînent sans grande réflexion (sauf le dernier, qui semble avoir sa place en fin de film) n’ont pas de véritable connexion entre eux, et la mise en scène semble parfois pataude, mais Relatos Salvajes reste une comédie qui sait toucher aisément aux zygomatiques de par un humour noir dévastateur, des situations très bien rythmées, et une véritable réflexion sur la mécanique humaine proche du burn-out. Ce fut la vraie première réussite de l’année 2015, et je pense que c’était pas trop tôt!

Wild, de Jean-Marc Vallée: Mon film préféré de l’année pour l’instant. Scènes absolument toutes interchangeables, d’un didactisme détestable, avec un réalisateur qui semble plus se préoccuper de sa montagne en arrière-plan plutôt que de son actrice principale (que je sauve un petit peu du naufrage qu’est ce film), Wild est un film qui tire sur chaque corde de l’académisme sans jamais se poser de questions quant à la perversité paradoxale de ce projet (un film qui parle d’envie de liberté mais agissant en permanence sur le principe du systématisme et de la sur-signification symbolique? Mouais mouais mouais…). Et ne jouez pas sur le fait que c’est tiré d’une histoire vraie, je pense que la transition du medium littéraire à celui cinématographique aurait pu offrir d’autres perspectives à cette piteuse adaptation. A oublier et à jeter au fin fond des oubliettes.

The Smell of Us, de Larry Clark: c’était l’un des films que j’attendais le plus en ce début d’année. C’est l’un des films qui m’a le plus déçu également. D’un premier quart d’heure intéressant à analyser tant dans sa logique du cadrage que dans ses choix de mise en scène, crues mais pas inintéressants, le film s’embourbe dans du n’importe quoi ambiant. Sans scénario ni véritable réalisateur à la barre, The Smell of Us est un film en totale roue libre, qui ne parle de rien de spécial et se contente de filmer les fantasmes presque pédophiles de Larry Clark sans jamais ne donner une quelconque direction émotionnelle dans ses choix artistiques. Tout est froid, plat, jamais drôle, jamais rebutant, et surtout interminable malgré ses 88 petites minutes. Une très cruelle déception.

Foxcatcher, de Bennett Miller: Foxcatcher est devenu, en 2h15, la sensation de ce mois de janvier. Il est difficile encore de parler de ce film de la manière la plus intelligible possible, mais il concentre tout ce dont le cinéma classiquea pu offrir au fil des années. Véritable antithèse de l’académisme (le film sait se réinventer à chaque plan dans sa mise en scène), doté d’une lenteur lancinante voire dérangeante au milieu de ce ballet d’écorchés vifs, et accompagné d’un casting qui se donne quitte à offrir les meilleures partitions de leurs vies (Channing Tatum se révèle aux yeux de tous; Steve Carrell jusqu’au-boutiste; Mark Ruffalo exceptionnel), Bennett Miller a su faire de la lutte un moyen d’extérioriser sa haine pour autrui et un moyen de se questionner sur l’amitié et la confiance malgré la brume qui règne sur chacun d’eux. Un film bouleversant, à ne pas manquer.

Charlie Mortdecai, de David Koepp: Une catastrophe! Si le film aurait pu être un gentil plaisir coupable, teinté d’un humour un peu lourdingue et sauvé par son casting ou sa réalisation, il n’en est rien. Mortdecai est une compilation de scènes où Johnny Depp est en roue libre et le reste des acteurs à la ramasse, où la réalisation semble complètement désintéressée, où le scénario part dans tous les sens et ne provoque aucun rire ni sourire. C’est plus un sentiment de malaise qui se dégage de ce film, plutôt que de l’amusement. Un malaise de voir tout le monde se vautrer aussi lamentablement.

L’Affaire SK1, de Frédéric Tellier: Si tout n’est pas à jeter dans L’Affaire SK1, il reste en deçà de son potentiel monstre. L’histoire de Guy George reste un fait divers passionnant à décortiquer, et Adama Niane – tout comme Raphaël Personnaz et Olivier Gourmet – sont de très bons acteurs, mais cela ne suffit pas: la réalisation télévisuelle est aussi inspirée qu’un mauvais épisode de PJ, la narration alternant les scènes de procès et celles d’enquête perd de l’intérêt au fil des minutes; plombant le film d’un rythme bâtard, et le reste du casting semble beaucoup moins convaincant. Cela reste, cependant, un film audacieux pour un cinéma français en berne dans l’univers du film policier.

Imitation Game, de Morten Tyldum: Pur plaisir coupable de ce début d’année, Imitation Game ne manque pas de bons acteurs et c’est justement ce qui force sa réussite. Parce que oui, la réalisation est d’une paresse effarante et son scénario déborde de toutes la facilités possibles et imaginables, à un tel point qu’il en devient évident de découvrir la fin de l’affaire « Enigma ». Mais son casting garantie sans fausse note sauve le film du naufrage, Benedict Cumberbatch en tête, qui insuffle à son personnage un charme étrange, fait de dégoût et d’empathie, dans un entre-deux fascinant. Quelques répliques aussi font mouche, notamment lorsqu’elles sortent de la bouche de Tyw… pardon Charles Dance. Allez, c’est pas si mal que ça quand même.

Cops, Les Forces du Désordre, de Luke Greenfield: Ok, je vais me faire taper sur les doigts, mais… j’ai pas mal ri devant ce film. En toute objectivité, oui, c’est affreusement mauvais: les situations enfilent les clichés, la direction artistique et technique sont extrêmement paresseuses et les acteurs semblent tellement perdus qu’il jouent soit des personnages archétypés, soit des personnages qu’ils interprètent ou qu’ils ont déjà inteprété autre part. Mais en toute subjectivité… j’aimais beaucoup les deux premières saison de New Girl. Et je suis un grand fan de Jake Johnson dans ces deux saisons de New Girl. Et le voir transposer son rôle de Nick Miller, alias le loser indécis qui gaffe en permanence, au cinéma m’a bêtement fait rire à plusieurs endroits. De plus, son alchimie avec Damon Wayans Jr. a quelque chose de rafraîchissant. Et Nina Dobrev. Et Nina Dobrev beeeeeen… ben Nina Dobrev.

Toute Première Fois, de Noémie Saglio et Maxime Govare: Une comédie française dans tout ce qu’il y a de plus détestable. Moralement infect, jamais drôle, hautaine au possible et sans le moindre intérêt cinématographique, Toute Première Fois ne recèle d’aucun point véritablement positif qui lui donne un semblant d’intérêt de continuer à s’intéresser aux aventures d’un Pio Marmaï exécrable. Bon, allez, y a bien une petite scène avec Franck Gastambide et Camille Cottin qui fait sourire. Mais deux minutes sur 98… Espérons simplement que Toute Première Fois… sera la dernière.

En conclusion de ce mois de janvier, on peut donc classer les films de cette sorte:

-Exceptionnel: Foxcatcher;

-Divertissant: Les Nouveaux Sauvages; Imitation Game;

-Plaisir coupable honteux et je me demande encore pourquoi j’en ai parlé j’ai honte: Cops, Les Forces du Désordre;

-Décevant: Captives; L’Interview qui Tue!; L’Affaire SK1;

-Nul: Charlie Mortdecai; Toute Première Fois;

-Irregardable: Wild.

On se retrouve la semaine prochaine pour décortiquer le mois de février! Des indices pour le prochain numéro? Bon, d’accord. En quatre briques. Kubrick, Abrasax, plug, has-been. Si vous réussissez à trouver de quels films je parle, vous gagnez… le droit d’être heureux. Soyez beau, allez au cinéma, et surtout, à la semaine prochaine.

Chivers.

P.S: si vous ne savez pas quoi faire, je vous laisse le lien des deux courts-métrages de la section 3D de l’Ecole Supérieure des Métiers de l’Image, à Bordeaux. Deux courts-métrages efficaces et bluffants en terme d’animation qui font leur effet bien qu’ils soient radicalement différents. Have fun!

Chamelot, réalisé par Florian Guilbault, Claire Magnier, Tristan Meuzeret et Pierre-Alexandre Renou.

http://www.youtube.com/watch?v=Urj4VyWBov0

Pink Sword of The Bibu, réalisé par Vincent Guillaume, Clément Dubois et Honoré Jaussoin.

http://www.youtube.com/watch?v=Gg3YirGTRoU