[CRITIQUE] : Jurassic World

Plus de 20 ans après le film mythique de Steven Spielberg, le parc rouvre (ou plutôt « ouvre ») enfin ses portes avec un quatrième opus pour le moins attendu. Beaucoup de temps s’est écoulé depuis le troisième opus, et les producteurs ont vu en ce projet le potentiel de s’adresser à la fois à un jeune public non-familier de la franchise et aux grands nostalgiques désireux de retrouver la magie de Jurassic Park. Était-ce la bonne solution pour ressusciter cette franchise en hibernation depuis presque quinze ans ? Verdict…

Poster2Après un deuxième volet inégal et un troisième carrément grotesque, Jurassic World se pose comme une suite directe du premier film. Une décision qui, dans l’absolu, n’était pas si incongrue en vue de justifier un nouvel opus. Ainsi, l’intrigue de Jurassic World se situe quelques années après celle du premier, imaginant un monde dans lequel le parc aurait finalement ouvert ses portes. Tout se passe pour le mieux, lorsque l’Indominus Rex, un dinosaure génétiquement modifié, décide de sortir de sa cage pour saccager (une nouvelle fois) le rêve de ce bon vieux John Hammond, duquel un riche homme d’affaires (interprété par Irrfan Khan) a pris la succession. Malgré son casting fort sympathique (Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Omar Sy…), ce nouvel opus ne parvient pas à faire illusion. Le scénario, monument d’indigence et d’incompétence, passe plus d’une heure à nous expliquer ce que l’on sait déjà, multipliant les sous-intrigues inintéressantes entre des personnages aussi caricaturaux qu’inconsistants. Aussi impressionnants soient-ils, jamais des CGI n’ont su combler un manque d’enjeux émotionnels. L’évolution radicale des personnages, leurs relations bâclées et la finesse pachydermique de leur caractérisation participent au désintérêt total provoqué par les séquences d’action. Ni la musique du fabuleux Michael Giacchino ni le joli minois de Bryce Dallas Howard ne parviennent à nous arracher le moindre frisson. Les scènes convenues s’enchaînent, et la mise en scène soporifique et quasi-télévisuelle de Colin Trevorrow n’aide franchement pas beaucoup plus, ne parvenant jamais à recréer la sidération qui faisait le sel de Jurassic Park. Mais ce qui par dessus tout témoigne de l’inénarrable paresse du projet, est sa volonté de ne proposer aucune image nouvelle à l’œil du spectateur, jouant constamment la carte de la nostalgie pour ne surtout pas le bousculer.

Une nouvelle fois, le film contracte l’un des principaux virus qui contaminent Hollywood à l’heure actuelle : la nostalgie. Un virus qui annihile lentement toute énergie, où l’hommage inoffensif prend le pas sur la créativité. Ainsi, Jurassic World reprend les grands motifs du premier film, sans jamais chercher à les réactualiser ou à en proposer une relecture intéressante. Vous comprenez, ça risquerait de vexer les fans du film original ! Le film passe son temps à citer son aîné, allant même jusqu’à calquer quelques plans ou à réutiliser certains archétypes des personnages. Là où Mad Max : Fury Road réinvente la mythologie d’une célèbre licence cinématographique pour proposer un spectacle brillamment moderne, Jurassic World lui, ne fait que surfer sur le succès de la franchise et se limite finalement à un simple produit fan-service de bas étage. En ne s’émancipant jamais de son modèle, Colin Trevorrow se retrouve complètement écrasé sous le poids de son héritage, et évidemment, son film ne supporte jamais la comparaison avec ce dernier. De plus, Trevorrow se prend les pieds dans le tapis, en essayant par moments de renouveler son propos (en montrant que l’homme peut dominer son environnement) tout en collant à la thématique centrale du premier film, la théorie du docteur Ian Malcolm selon laquelle l’homme ne peut aller à l’encontre du sens de la nature. Le plan final, que l’on ne dévoilera pas ici, résume à lui seul tout l’aspect contradictoire du film. La magie, l’énergie et l’émerveillement du film de Spielberg ont laissé place à un objet sans âme, dont la seule ambition semble réduite à nourrir la nostalgie de son spectateur, à grands coups de clins d’œil complices et de « plans-hommages » douteux. C’est à se demander si Steven Spielberg et Frank Marshall ont vu le film qu’ils ont produit…

Résulte de cette mascarade un remake à peine déguisé de Jurassic Park, d’une paresse et d’un cynisme proprement terrifiants. Un objet insignifiant et désincarné de plus dans le paysage hollywoodien…