Acclamé dans tous les festivals, de Cannes à Gérardmer en passant par Deauville, It Follows était incontestablement l’un des films les plus attendus de ce début d’année 2015. Deuxième long-métrage de l’américain David Robert Mitchell après The Myth of the American Sleepover en 2010, le film explore le trouble adolescent à travers un fascinant slasher cérébral. Le postulat de départ est simple : Jay, une jeune fille de 19 ans, se retrouve poursuivie par une chose indéfinissable suite à un rapport sexuel en apparence banal. Film de festival(s) ou nouveau maître-étalon  du genre ?

À l’heure où le cinéma fantastique se moque de lui-même, il se fait de plus en plus rare de découvrir des œuvres intègres. C’est le cas de It Follows, qui entreprend à la fois un dialogue avec le genre tout en y apportant une réelle modernité. Dès les premières minutes, David Robert Mitchell instaure une ambiance fascinante et invoque toute une imagerie du cinéma d’horreur des années 1970-80. Musique synthétique, gestion mystérieuse du hors-champ, travellings précis et utilisation minutieuse du cinémascope : le rapprochement avec John Carpenter est immédiat. Ce n’est pas non plus un hasard si la banlieue où prend place l’histoire du film ressemble comme deux gouttes d’eau à celle d’Haddonfield, inoubliable théâtre des massacres de Michael Myers dans Halloween, la nuit des masques. Et enfin, ce qui achève de rapprocher It Follows à Halloween est bien sûr la façon abstraite dont David Robert Mitchell traite le Mal. Là où Michael Myers portait un masque blanc sur lequel  le spectateur était contraint d’y projeter une image, le Mal prend ici diverses formes sans que l’on parvienne à l’identifier. Tour à tour sous la forme d’un enfant, d’un vieillard ou encore d’un ami de Jay, la menace se cache dans chaque recoin du cadre et peut surgir à tout moment. Ces changements d’apparences permettent ainsi au cinéaste d’emprunter aux films de body snatchers, pour manipuler le spectateur avec une maîtrise surprenante. On ne sait jamais d’où va venir la menace, car elle peut être chaque personnage qui entre dans le champ. De plus, la malédiction qui contamine les protagonistes constitue aussi une habile métaphore du difficile passage à l’âge adulte, sur laquelle le réalisateur ne va jamais trop appuyer. Si son pitch pouvait laisser penser à un sous-texte puritain ou moralisateur (sur le sida par exemple), il n’en est rien. Le réalisateur américain pose un regard attachant sur une jeunesse insouciante livrée à elle-même face à ses pires angoisses.

Film purement atmosphérique, It Follows surprend tout d’abord par sa bluffante maîtrise formelle. Bien que chargée de références (on pense aussi fortement à David Cronenberg), la mise en scène de Mitchell ne verse jamais dans la citation simpliste et fait preuve d’une véritable singularité. Sans avoir recours à des jump-scares paresseux ou à des effets de style rabâchés, le cinéaste opte pour une terreur bien plus calme et anxiogène, où l’utilisation de la musique notamment occupe une place importante. De plus, l’intelligente utilisation des ralentis confère au film une ambiance particulière, à la fois troublante et sensuelle. La première rencontre entre Jay et son suiveur en est le parfait exemple. Une scène absolument terrifiante, où l’héroïne se retrouve ligotée dans un parking par son nouveau petit ami, ce dernier lui avouant qu’elle va être à son tour suivie par une chose inextricable qu’elle seule pourra voir. Ainsi, l’une des idées brillantes du film, va être de jouer sur les points de vue des différents personnages pour mieux jouer avec les attentes du spectateur. Hélas, le film souffre d’un manque de renouvellement flagrant et d’une baisse de rythme dans sa deuxième partie. Après une exposition brillante, le film va peu à peu tomber dans la facilité en s’enlisant dans les codes du slasher sans jamais s’en affranchir. Si It Follows demeure d’une efficacité certaine, on regrette de le voir perdre l’inventivité et la folie de son premier acte à mesure que le récit avance. Une fois mis en place, David Robert Mitchell ne semble plus vouloir sortir de son dispositif. Néanmoins, difficile de nier un véritable savoir-faire chez le cinéaste pour faire naître la peur.

It Follows n’est donc pas la révolution annoncée, mais à l’heure actuelle, voir un film d’horreur si sincère et si solide est devenu tellement rare que l’on aurait tort de bouder notre plaisir. David Robert Mitchell est indéniablement un jeune talent à suivre de près.