L'Homme des foules "O Homem das Multidões"

L'Homme des foules "O Homem das Multidões"

Adaptation libre d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe, L'Homme des foules.

Dans ce texte, complexe et malgré sa brièveté et sa naïveté apparente, s'interroge sur nos capacités de percevoir et de connaître le monde et les êtres humains, et soumet la modernité à l'épreuve de ses paradoxes. La place accordée à la psychologie y est considérable, et les réflexions que l'auteur soulève à cet égard ne seront explorées expérimentalement que plus d'un siècle après sa mort. Ses conclusions, en revanche, sont plus pessimistes que ce qu'aucun psychologue ou neuroscientifique ne serait prêt à admettre.

Edgar Allan Poe né à Boston le 19/01/1809, décédé à Baltimore le 07/10/1849

L'Homme des foules "O Homem das Multidões"Il passe une enfance tumultueuse marquée par la disparition de ses parents. Il est adopté par un négociant de Richmond puis reçoit une éducation britannique dès 1815. Après une brève tentative pour rejoindre l'armée, il décide de se consacrer à l'écriture. Ses premiers poèmes ne remportant pas de succès particulier, il s'installe chez une tante, à Baltimore, dont il épouse la fille. Il occupe alors un poste de critique littéraire et commence à boire. Il publie en 1838 les Aventures d'Arthur Gordon Pym et les Histoires extraordinaires en 1839, considérées comme le succès de son oeuvre. Il rencontre de grandes difficultés pour s'intégrer en tant qu'écrivain à New York. Il publie toutefois le Corbeau (1845), poème le plus marquant de sa carrière.

La mort de sa femme, en 1847, le plonge encore davantage dans l'alcoolisme, qui finira par le tuer en 1849. Ses oeuvres, traduites en France par Baudelaire, remportent un succès retentissant dans le pays et en influencent grandement la littérature.

Pour cette libre adaptation trois prix ont été décernés au film L'Homme des foules.

est conducteur de métro à Belo Horizonte. Un homme sans famille ni ami, mais il n'est jamais seul. Bercé par les remous des passants comme un enfant dans les bras de sa mère, c'est au sein de la foule qu'il se sent bien.

Dans la ville anonyme, ils se regardent, se parlent, devinant l'un chez l'autre l'éblouissement d'une rencontre entre deux solitudes. Un jour, demande à Juvenal d'être le témoin de son mariage, conclu avec un homme inconnu, mystérieux, perdu lui aussi dans la foule silencieuse.

L'Homme des foules "O Homem das Multidões"

Les deux réalisateurs et scénaristes Cao Guimarães et Marcelo Gomes ont fait beaucoup de recherches avant de se lancer dans la rédaction de l'histoire qu'ils projetaient de réaliser. Le film traitant de la solitude, les créateurs se sont penchés sur les écrits de Walter Benjamin (célèbre historien de l'art et philosophe) et Charles Baudelaire pour y puiser des idées.

De ces recherches, des débats philosophiques sont nés entre Cao Guimarães et Marcelo Gomes. Ainsi, la première version du scénario a été écrite en deux mois, mais elle a continué d'évoluer au fil du temps et même lors du tournage.

L'Homme des foules est la conclusion d'une "trilogie de la solitude", que le réalisateur Cao Guimarães a débuté avec deux films, en 2004, A Alma do Osso et en 2006, Drifter.

Les metteurs en scène Marcelo Gomes et Cao Guimarães ont deux approches spécifiques du tournage. Le premier s'occupe plutôt de la partie technique et est en contact avec les techniciens dont le directeur de la photographie, alors que le second travaille davantage avec les acteurs. Par ailleurs, avant le début du tournage, les comédiens se sont réunis de nombreuses fois dans le but de répéter les scènes qu'ils avaient à jouer, même s'ils ont par la suite de temps en temps improvisé au moment des prises de vue.

L'Homme des foules "O Homem das Multidões"

Le tournage a eu lieu directement dans les rues de la ville de Belo Horizonte, à l'Est du Brésil, c'est pourquoi, les directeurs de casting n'ont pas pu choisir un acteur principal célèbre, afin d'éviter de provoquer des émeutes.

À la place, ils ont choisi un comédien relativement connu au théâtre, avec une carrière longue de plus de 30 ans, mais qui n'avait encore jamais participé à un tournage pour le cinéma.

Enserrée dans le format restreint et étouffant de l'image, la photographie de Ivo Lopes Araújo est magnifique, et très justement récompensée au festival du film Mexicain de Guadalajara. Celle-ci favorise des flous dans lesquels les tons "pastels délavés" sont loin de faire penser aux éclatantes couleurs d'un Brésil que tout le monde connaît. Il en va de même pour la musique,

Pas ou de rares dialogues cantonnés à quelques phrases marmonnées à voix basse. D'autres, comme autant de bruitages, quand, par exemple, le principal protagoniste lave le sol de son triste appartement pour se croire ailleurs, et pris dans des rêves de grandeur, conduire un TGV.

Cet homme solitaire, étouffé dans un enfermement sur soi total, et qui semble irrémédiable, traîne sa silhouette dans des rues bondées ou enfermé dans une cabine de pilotage. Celle d'un train, son seul véritable "ami".

Une rencontre avec une femme, elle aussi emprisonnée dans un autre monde, celui d'internet et ses nombreuses connaissances virtuelles. Faute de vrais amis, elle proposera à cet homme solitaire, qu'elle connaît à peine grâce à leur milieu professionnel identique, d'être le témoin de son mariage. Un évènement qui semble hasardeux, avec un homme rencontré via un site de rencontres. Ce qui devrait être une fête arrachera un sourire à cet homme, ce témoin impromptu interprété par un acteur de théâtre reconnu au Brésil et qui tient ici son premier rôle au cinéma.

Paulo André. Une prestation incroyable de finesse et de précision dans chaque instant du film. Que ce soit un repas, quelques mouvements de gymnastique sur son balcon, ou sa démarche lasse et pourtant alerte entre les rails d'une voie de chemin de fer. Avec toujours ce même regard vide de toute émotion.

Un film très librement adapté d'une nouvelle d'Edgar Poe qu'il est difficile de commenter. Encore plus difficile de conseiller. En sortant de la salle j'étais heureux de respirer un grand coup, de marcher dans la rue et de rencontrer des connaissances. Une sacrée "expérience" comme le définissait l'une des collaboratrices du cinéma dans lequel je me trouvais.

Mais quel talent pour les deux réalisateurs de captiver notre attention pendant la durée de ce long-métrage qui reste plombant de bout en bout mais fascinant à la fois.