Astérix & Le Domaine des Dieux

Par Boustoune

Au premier abord, voir le nom d’Alexandre Astier associé à l’adaptation d’un album des aventures d’Astérix n’inspirait pas que de l’optimisme, l’homme s’étant hélas compromis dans le pathétique Astérix & Obélix aux Jeux Olympiques de Frédéric Forestier, il y a quelques années. Mais nos doutes ont vite été balayés.

Déjà par le parti-pris du recours au cinéma d’animation plutôt qu’à un film avec des acteurs en chair et en os, qui ne rend généralement pas justice au trait de crayon d’Uderzo. Avec cette fois une innovation de taille : l’utilisation d’images de synthèse 3D, donnant à l’animation une nouvelle dimension.
Pour la technique, les producteurs ont choisi de faire confiance à Louis Clichy, réalisateur du sympathique court-métrage A quoi ça sert l’amour? et animateur chez Pixar sur WALL-E et Là-haut. Bonne idée! Visuellement parlant,  Astérix & Le Domaine des Dieux est le plus beau des films mettant en vedette le personnage. On est à des années-lumières d’Astérix le Gaulois, réalisé par Ray Goossens en 1967. C’est aussi celui où l’animation est la plus fluide. Par Toutatis, c’est du bon travail!

Ensuite le film bénéficie de la qualité de scénariste d’Alexandre Astier, qui réussit à retrouver l’esprit de René Goscinny tout en imprimant sa propre patte au récit. Il use du même type d’humour, fondé sur des calembours et des références piochées dans la culture populaire, tout en les modernisant un peu. Exit le clin d’oeil à Guy Lux, l’animateur-vedette de la télé de l’époque, via les traits du commentateur des jeux du cirque Guilus, place à d’autres références plus récentes, comme King Kong, Superman, Le Seigneur des anneaux ou… Kaamelott, la série télévisée écrite et dirigée par Astier. Il apporte aussi son propre style et son amour des mots, qui transparait dans les dialogues, finement ciselés.
Pour les restituer à l’écran, les cinéastes ont su s’entourer d’un joli casting vocal, réunissant Alain Chabat, Lorant Deutsch, Laurent Lafitte, Elie Semoun, Florence Foresti, des membres des Deschiens, des acteurs de Kaamelott et bien d’autres talents. Sans oublier Roger Carel, la voix historique d’Astérix, qui a accepté de doubler une dernière fois le personnage avant de prendre sa retraite… à 87 ans!

Enfin le choix de l’album, “Le Domaine des Dieux”, finit de nous convaincre. Son intrigue est différente des habituelles aventures du plus célèbre des irréductibles Gaulois. Ici, pas de voyage chez les Ibères, les Bretons, les Vikings ou les Romains, pas question d’aller se faire voir chez les Grecs. L’action reste concentrée autour du village d’Abraracourcix. Jules César, agacé de voir cette enclave armoricaine résister à son autorité, a pour projet d’encercler le village avec d’imposants complexes immobiliers peuplés de Romains. Ainsi, il entend priver les Gaulois de leur principale ressource, la forêt, et d’imposer à ces barbares le contact avec la civilisation. Une fois que ceux-ci auront découvert la dolce vita à la romaine, ils seront heureux de s’intégrer à l’Empire.

Bon, encore faut-il pouvoir construire les immeubles sans risquer de se faire pilonner par les menhirs d’Obélix ou de voir débouler une cohorte de villageois dotés d’une force surhumaine après avoir bu la fameuse potion magique. Evidemment, les Gaulois font tout pour faire enrager l’architecte Romain et ses ouvriers. Mais les choses se compliquent quand le sort des esclaves utilisés sur le chantier est en jeu, et que débarquent les premiers civils Romains. Les Gaulois ont pour principe d’épargner les innocents. Plus question d’user de foncer dans le tas et de distribuer les beignes aveuglément, il va leur falloir trouver un moyen de faire déguerpir pacifiquement les intrus. Et vite, car cet afflux de Romains dans le voisinage a des conséquences inattendues, mettant sérieusement en péril les irréductibles Gaulois. Le village devient une attraction touristique pour les nouveaux arrivants, qui sont heureux d’y dépenser leurs sesterces pour acheter des vivres – tellement moins cher qu’à la ville – et des objets pittoresques censés avoir appartenu à Vercingétorix. Les commerçants y trouvent leur compte, à commencer par Ordralphabétix, le poissonnier, heureux de voir des gens louer la fraîcheur de sa marchandise.
Peu à peu, les Gaulois se laissent griser par cette réussite économique et sont attirés par le confort moderne des habitations du Domaine des Dieux. Seuls Panoramix, le druide, Astérix et Obélix semblent se désoler de la situation. La forêt étant réduite à sa plus simple expression, on n’y trouve plus de sangliers, ni les herbes servant à faire la potion magique, laissant le village à la merci d’une attaque. Pour une fois le plan de César est tout près de fonctionner,

Cette intrigue est donc un peu plus riche en rebondissements et en suspense que les habituelles aventures d’Astérix. Et les thèmes abordés dans cet album, paru en 1971, semblent aujourd’hui d’une étonnante modernité : opposition entre les modes de vie urbain et rural, intégration des cultures différentes sans renier ses origines et ses spécificités, conséquences de la déforestation et de l’habitat de masse, effets pervers de la société de consommation et de l’ultralibéralisme… Oui, oui, il y a tout cela dans Astérix & Le Domaine des Dieux. Par petites touches, évidemment, pour ne pas prendre le pas sur l’action et l’humour, mais on salue l’intelligence du propos, plutôt rare dans un film ciblant le jeune public.

Indéniablement, ce nouvel opus des aventures d’Astérix est une franche réussite. Louis Clichy et Alexandre Astier ont su dépoussiérer le mythe et faire entrer les irréductibles Gaulois dans l’ère de l’animation digitale sans renier l’héritage d’Uderzo et Goscinny.
Par Belenos, souhaitons que cet Asterix & Le Domaine des Dieux rencontre le succès escompté et permette à ses producteurs de mettre en chantier l’adaptation d’autres albums de la série, qui raviront encore petits et grands pour les années à venir.

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Astérix & Le Domaine des Dieux
Astérix & Le Domaine des Dieux

Réalisateurs : Louis Clichy, Alexandre Astier
Avec les voix de : Roger Carel, Guillaume Briat, Lorant Deutsch, Laurent Lafitte, Alexandre Astier, Alain Chabat, Geraldine Nakache
Origine : France, Belgique
Genre : animation dopée à la potion magique
Durée : 1h25
date de sortie France : 26/11/2014
Note :
Contrepoint critique : TF1 News

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