10 conseils d’écriture signés Joss Whedon

conseil Whedon

Il est l’un des rares scénaristes hollywoodiens à être aussi culte que ses œuvres. Il faut dire qu’il a donné ses lettres d’or à la culture geek, en étant lui-même un parfait représentant. On lui doit notamment la franchise Buffy The Vampire Slayer, la très décriée série Dollhouse et une poignée de block-busters sur grand écran.

Si toutes ses œuvres ne présentent pas forcément le même intérêt, Joss Whedon n’en demeure pas moins un excellent scénariste. Voici ses dix conseils concernant l’écriture de scénario.

Né en 1964, au sein d’une lignée de scénaristes de télévision, Joss Whedon fait comme il se doit ses débuts sur quelques séries (dont Roseanne), mais rêve surtout de cinéma.

En 1992, il écrit une comédie-horrifico-adolescente intitulée Buffy, the Vampire Slayer, qui, passé à la moulinette des studios, fait un flop. Joss Whedon se sent trahi dans son écriture, il demeure persuadé du potentiel de son concept. Après avoir signé quelques gros succès au box-office, Toy Story (1995), Alien: Resurrection (1997), ou encore Titan A.E. (2000), il propose à la chaîne WB une série intitulée… Buffy, the Vampire Slayer qui fera les beaux jours de la chaîne de 1997 à 2003. Ce véritable bijou qui mêle horreur, humour et émotion, remporte un succès phénoménal dans divers pays (notamment sur notre sol). Moult fois rediffusé, le show devient une véritable référence et donne naissance, en 1999, à un spin-off destiné à un public plus âgé, Angel (1999-2004).

L’infatigable Joss Whedon rêve toujours de grand écran, il écrit et réalise en 2005 le très oubliable Serenity. Le film fait un flop, ce qui pousse le cinéaste à se replonger dans le Buffyverse. A la grande joie de leurs nombreux fans, il décide de ressusciter Buffy et Angel sous forme de comics books (éditions Dark Horse Comics), conçus comme de nouvelles saisons à part entière des séries télévisées éponymes.

En 2008, le scénariste crée la décevante série Dollhouse, qui, après maintes guerres intestines avec la Fox, sera finalement annulée au bout de deux saisons. Après avoir juré ne plus jamais travailler pour le petit écran et s’être grandement investi dans la web-fiction, Joss Whedon a été au cœur d’un buzz dont il se serait bien passé: l’annonce par la Warner Bros de la mise en chantier d’un reboot sous forme de long-métrage de la franchise Buffy the vampire slayer, projet dont est écarté son créateur et qui fort heureusement pour les fans, ne verra finalement pas le jour.

Malgré les gros creux de sa carrière, et quelques frictions avec les grands studios, Joss Whedon est revenu au premier plan grâce à la franchise cinématographique Avengers et à la (décevante) série Agents of S.H.I.E.L.D. A ses heures perdues il s’amuse à tourner à l’arrache des films indé, comme une version jazz en NB de Much Ado About Nothing tournée chez lui avec ses potes comédiens.

Qu’il connaisse des hauts ou des bas créatifs, il bénéficie d’une énorme cote d’amour auprès de ses fans, tant il les a toujours placés au cœur de la création de ses œuvres, comme l’illustre à merveille son site Whedonesque.

Voici quelques uns de ses préceptes d’écriture:

1. Terminer le script. Selon Joss Whedon, pour devenir un bon scénariste il faut se forcer à écrire ses scénarios in extenso AVANT de songer à une quelconque réécriture, même et surtout si l’on rencontre des problèmes en cours de route. Terminer le premier jet d’un script est parfois « difficile mais libérateur ». Ce n’est qu’ensuite, et après une pause, que l’on peut réécrire efficacement.

2. Soigner sa structure. Il faut savoir où l’on va, tout au long de l’écriture, sous peine de créer une intrigue décousue. Bref, il faut connaitre et appliquer les règles de la dramaturgie, même si certains grands auteurs comme Terrence Malick et Robert Altman ont su s’en affranchir. Joss Whedon, qui se définit lui-même comme un « dinguo de la structure » dresse des inventaires: où se trouvent les éléments drôles, effrayants, romantiques? Quel personnage sait telle ou telle chose et à quel moment? Une fois qu’il a déterminé tous ces éléments, il bâtit sa structure autour, sachant pas à pas ce qu’il veut faire ressentir au spectateur au fil de l’intrigue. Il recommande d’utiliser tous les outils possibles afin d’avoir une vue claire, synthétique, du projet en construction: listes, graphiques, fiches, encres de diverses couleurs, tableaux

3. Avoir quelque chose à dire. Même lorsque l’on écrit un film de genre ultra calibré, il faut avoir une vision personnelle, une manière unique et originale de traiter l’intrigue afin de toucher le spectateur en plus de le divertir. En bref, un film ne doit pas avoir seulement un (ou plusieurs) genre(s) mais aussi traiter d’un thème.

4. Tout le monde a une raison d’exister. Chaque personnage doit avoir une perspective, un objectif, une raison d’agir de telle ou telle manière, une façon de s’exprimer qui lui est propre, une histoire personnelle. L’auteur se doit de soigner la caractérisation de chaque personnage, sinon il va se trouver en difficulté lors de l’écriture du scénario.

5. Couper ce qu’on aime. Si un passage, une scène, une idée ne fonctionne pas, il faut le/la couper sans état d’âme, même si on l’adore. C’est peut-être douloureux mais inévitable pour la  cohérence de l’ensemble et selon Joss Whedon, c’est même « libérateur » pour le scénariste.

6. Écouter ses divers collaborateurs, surtout au cours des brainstormings, écouter l’avis de tous ses lecteurs et prendre le temps d’y réfléchir car, même si l’on est en désaccord sur certains points, il y en a peut-être, sans doute même, d’autres qui méritent d’être reconsidérés.

7. Suivre l’humeur de l’audience. Le rôle du scénariste est de rester connecté avec les sentiments de son public, c’est à dire qu’il doit comprendre ce qu’il va ressentir, expérimenter, à chaque étape de l’intrigue. Il faut savoir captiver l’attention des spectateurs et s’assurer que tous les éléments de l’intrigue lui sont compréhensibles. Et Joss Whedon de critiquer au passage « la stupidité des Studios avec leur politique de projections tests« .

8. Écrire avec le futur film en tête. Le rôle du scénario est de suggérer à chaque intervenant du film, notamment le réalisateur et le producteur ce que donnera le résultat à l’écran, tout doit être écrit de façon visuelle. Chaque description doit-être certes brève mais efficace.

9. Ne pas écouter. Ce qui va à l’encontre du conseil numéro six, mais il faut aussi savoir à quel moment suivre son propre instinct, sa propre vision d’un projet. J’ajouterai à titre personnel que si ce conseil est pertinent sur le fond, il est très difficile à appliquer, surtout sur nôtre sol, sur la forme, à moins de mettre soi-même le script en images.

10. Ne pas vendre son âme. C’est à dire n’écrire que pour l’argent, ce qui revient, selon lui, à « de la prostitution ». Ce conseil suscite bien évidemment le débat. Tous les scénaristes sont d’accord sur le fond… mais doivent aussi payer leurs factures! Il me semble que tout le problème consiste justement à préserver un sain équilibre…

J’entends déjà des voix s’élever dans la salle pour remarquer, à juste titre, qu’il n’y a rien de révolutionnaire dans ces conseils mais, d’une part, il est toujours intéressant d’écouter un auteur expérimenté, et, d’autres part, ces préceptes ont le mérite de nous faire réfléchir, de nous confronter à notre propre modus operandi d’écriture.

Voici d’ailleurs un petit bonus pour mes lecteurs anglophones, il s’agit d’une interview, qui date de la promotion de Dollhouse, au cours de laquelle Joss Whedon évoque sa routine et son rapport à l’écriture:

Envie de quelques savoureuses whedoneries sous le sapin?

Copyright©Nathalie Lenoir 2014

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