Critique : Lucy (2014)

Lucy 1

Luc Besson roule les Malick.

Définitivement, rien ne semble arrêter Luc Besson, que cela soit en terme de rythme de production que de bon goût. Après avoir dépouillé l’héritage de Martin Scorsese avec le sympathique et parfaitement oubliable Malavita, il s’attaque désormais à l’arbre de vie de Terrence Malick afin d’en croiser le génome avec celui d’un film d’action techno pop mené tambour battant par la très bankable Scarlett Johansson. Her, c’est Lucy, une américaine étudiant à Taïwan, sapée comme une prostituée de relais routier, malheureusement contrainte de faire la mule pour la mafia Coréenne dirigée par ce diable de Choi Min-Sik, dont le personnage jouit d’une superbe entrée en scène. Après une bonne rouste infligée par ses geôliers, le sachet de CPH4 chirurgicalement déposé dans son abdomen implose et se répand comme une trainée de poudre dans son organisme, la faisant se convulser comme Regan sous l’effet de l’eau bénite. C’est alors qu’elle parvient à maitriser l’ensemble de ses capacités cérébrales, dépassant ainsi d’une bonne année lumière les théories du professeur Morgan Freeman, le monsieur science de Discovery Channel qui vient présenter pour l’occasion son exposé sur la puissance du cerveau humain aux étudiants de la Sorbonne. On savait le cinéaste ne pas être un amoureux de la casuistique, bien qu’il s’attache aujourd’hui à ausculter la puissance dormante de nos esprits. Sa mise en scène ne demande ainsi donc pas à son public un effort cérébral particulier pour saisir le message qu’il tente lourdement de nous transmettre, avec cette fois, une large préférence pour les inserts : une souris approchant d’un piège, un léopard fondant sur sa proie. Dis donc, c’est qu’on se serait presque revenu à l’ère du cinéma soviétique de Lev Koulechov ! Malgré tout, on se prend au jeu de cette scarlett qui, sous sa chair, ne rêve que de virtualisation afin de nous prouver que c’est une femme d’un autre monde. La sculpturale Johansson rejoint ainsi le rang de ces héroïnes à poigne du système Besson, cherchant à dépasser les limites que leur impose leur corps et leur sexe pour s’imposer dans l’espace et le temps. Pas si différente de Leeloo, Jeanne d’Arc, Aung San Suu Kyi ou de la blanc sec Adèle, Lucy ne connait aucune frontière, les matérialisant et les effaçant en un battement de cil. Luc Besson tente, lui aussi, de briser celles qu’il a lui-même défini avec l’empire EuropaCorp lors d’une première demie-heure de très grande tenue… pour finalement les recréer lors d’une ultime virée à Paris, où il reprend l’indigent code dans lequel s’est enfermé son cinéma, sans pour autant s’empêcher de rêver d’un ailleurs et d’un retour aux sources en perçant de manière abracadabrante les mystères de nos origines. (2.5/5)

Lucy 2

Lucy (France, 2014). Durée : 1h29. Réalisation : Luc Besson. Scénario : Luc Besson. Image : Thierry Arbogast. Montage : Julien Rey. Musique : Eric Serra. Distribution : Scarlett Johansson (Lucy), Morgan Freeman (le professeur Norman), Choi Min-Sik (Mr. Chang), Amr Waked (l’inspecteur Pierre Del Rio), Pilou Asbaek (Richard), Analeigh Tipton (Caroline).