Un réalisateur: Pascal Laugier

Dans le cinéma de genre, on ne présente plus Pascal Laugier, réalisateur. Dans le monde du cinéma (et surtout français), on se doit de le présenter. Vous avez peut être vu Saint Ange (2004), Martyrs (2008), ou The Secret (2012). Ces derniers sont les oeuvres de Pascal Laugier, et ce sont trois films radicalement différents, tous avec une genèse particulière. A l’image de son créateur.
(A titre indicatif et rigolo, veuillez noter que ce n’est absolument pas Pascal Laugier qui apparaît en photo quand vous tapez son nom dans Google. Les italiens ne voient apparemment pas de différences entre deux gars avec la même coupe de cheveux et une barbe mal rasée).

Pascal Laugier

Pascal Laugier, rapidement passionné de cinéma de genre (horreur, thriller, fantastique, SF, etc…), tourne plusieurs courts métrages, avant que son ami Christophe Gans (oui on peut dire qu’il a de la chance), remarque un vrai potentiel chez l’un d’eux.
Il lui propose de tourner le making of du Pacte des Loups (2001). Tournage difficile, qui s’étala et qui représenta un enjeu énorme, notamment pour le producteur Richard Grandpierre, Pascal Laugier est témoin d’une grande expérience de tournage (18 mois), et a l’occasion de créer un document intéressant.
Aidé de Christophe Gans, il monte le projet de Saint Ange avec Virginie Ledoyen et Lou Douillon. Heureux de pouvoir monter son 1er gros projet, bénéficiant de la confiance des producteurs (notamment Gans et GrandPierre), Pascal Laugier dispose de 5 millions d’euros pour son 1er long métrage. Une somme énorme, surtout pour un film fantastique français.
Visuellement, le film est réussi, on ressent bien une ambiance étrange, oppressante, mais Saint Ange manque de rythme et d’originalité. On reste dans un divertissement sympathique.

Les avis de la presse et du public sont mitigés à la sortie du film. Il réalise presque 250 000 entrées (pour 180 copies. Pour se donner une idée, une comédie française "grand public" sort entre 500 et 1000 copies), ce qui est insuffisant par rapport au budget, mais honorable pour ce genre de film. Pour autant, Pascal Laugier reçoit un coup de massue, étant presque dénigré des distributeurs (ARP), face à l’échec financier et critique du film. Toute la grande passion qu’il avait mis dans le film est aussi importante que la blessure face à ce rejet.

Il part sur le projet de Martyrs, tourné à Montréal. Le tournage sera éprouvant autant pour lui que pour son équipe, et notamment ses actrices Morjana Alaoui et Mylène Jampanoi.Blessé par son expérience sur Saint Ange, touché par le rejet de la profession sur le cinéma de genre, Pascal Laugier livre un film noir, brutal, sans concession. Il s’attend à être lynché à la sortie du film, ça sera finalement un pont vers Hollywood (Martyrs sera cependant effectivement lynché en France, et évite de justesse une interdiction aux moins de 18 ans). Sorti en France sur 70 copies, le film réalisera à peine 40 000 entrées.
Présenté dans de nombreux festivals, dont le festival international de Toronto, Martyrs fait pour le moins sensation. Pascal Laugier est entraîné dans le cercle des réalisateurs français de films de genre à qui les USA font les yeux doux (pour le pire: Babylon AD de Matthieu Kassovitz, 2008, et pour le meilleur: La colline a des yeux d’Alexandre Aja, 2006).

Après avoir eu la chance de rencontrer le gratin (Spielberg, Tarantino…), il se rend compte qu’il ne pourra pas réaliser un film qui lui correspond. Par hasard, il est contacté par un producteur français, Clément Miserez, bluffé par Martyrs, qui veut monter un film avec lui. Pascal Laugier proposer son projet The tall man (qui sera appelé en France The secret).
Clément Miserez convainc la société de production SND de se lancer. Ils s’associeront à des sociétés de production américaines et canadiennes. Jessica Biel arrivera en tout simplicité sur le projet, et elle sera tellement passionnée par le film qu’elle deviendra elle même productrice, au moment où l’avenir du film était compromis pour des raisons de budget.
The secret dépassera les 600 000 entrées en France; ça sera sans doute son film qui aura le moins d’impact, étant le moins étrange. C’est pourtant un bon thriller, bien joué, avec des beaux décors mais un peu plombé par les rebondissements finaux et une conclusion bancale.

Ce qu’il y a de fascinant chez Pascal Laugier, c’est sa grande capacité à savoir expliquer ses passions: d’où elles viennent, pourquoi, ce que ça lui apporte, ce qu’il recherche. Mais aussi ce qui le rebute, et il n’hésite pas à parler franchement de ses défauts, mais aussi d’affirmer avec aplomb que son point de vue est le bon (Christophe Honoré si tu lis ces lignes..)

Sans compter sa détermination à réaliser un film comme Martyrs (c‘est sans doute la seule fois dans l’histoire du cinéma de genre français qu’un film passe à côté de l’interdiction aux moins de 18 ans): aimer ce genre de film est parfois difficile à expliquer, je pense que réaliser un film si violent sans passer pour un fou ou un dérangé, demande un aplomb considérable.
Au delà de ça, il dénonce le fait que le cinéma français manque cruellement de diversité, mais surtout que la profession n’encourage pas voire empêche des cinéastes de proposer autre chose. Pour vous faire une idée, il est facile de trouver sur le net des interview; je vous encourage vivement à regarder ce documentaire sur le cinéma de genre français, où Pascal Laugier intervient largement.

Bonus:

Interview croisé avec Fabrice de Welz (Vinyan, Calvaire)

Interview de Pascal Laugier avec le réalisateur du making of de The Secret, Louis Thévenon