Tabou, critique

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Après avoir fait sensation à Berlin, Tabou était présenté au Festival Paris Cinéma. Revue d’un film romanesque d’antan qui n’a plus sa place dans le cinéma d’aujourd’hui, ce qui le rend d’autant plus intéressant.

Tabou, critiqueLes premières images peuvent déconcerter. Avec Tabou, Miguel Gomes utilise un format que l’on n’avait plus vu depuis belle lurette au cinéma : le 4/3 noir et blanc presque muet. Vous allez me dire qu’il y a eu The Artist l’année dernière. C’est vrai mais Gomes utilise ces contraintes et ces choix artistiques d’une toute autre manière. L’action commence de nos jours à Lisbonne, Pilar et une femme de ménage doivent subir le caractère infernal d’Aurora. Au moment où celle-ci décède, elles vont en apprendre plus sur son passé en Afrique Coloniale.

Cette longue introduction a de quoi plomber l’ambiance, d’autant plus que le personnage de Pilar développer ici est complètement inintéressant et n’aura aucun impact sur la suite du récit. Nous allons ainsi connaitre tout le quotidien de cette vieille femme pour finalement le jeter aux oubliettes et ne plus s’en soucier quelques minutes plus tard. Car ce que Miguel Gomes va raconter, c’est une grande, belle et tragique histoire d’amour comme on n’en fait plus.

Tabou, critique

C’est à ce moment là que la forme (qui correspondait vraiment très peu à l’introduction et donnait l’impression d’un exercice de style sans intérêt) prend toute sa cohérence. Clairement inconsciemment bercé par certaines des plus belles histoires romanesques du cinéma, Miguel Gomes nous raconte donc la rencontre entre Aurora et Ventura. Une histoire difficile, une romance qui n’aurait pas du avoir lieu entre une femme mariée et un musicien enquête de gloire, le tout dans le contexte exotique de l’Afrique coloniale. Comme une histoire d’amour oubliée dans une période historique elle aussi oubliée, nous nous retrouvons dans des souvenirs d’une époque perdue. Et le format particulier utilisé par le réalisateur, rendant son film proche du style documentaire ou du roman photo avec narrateur ne fait qu’ajouter au devoir de mémoire que provoque le film tout en lui conférant une sensibilité rare.

Tabou, critique

Tabou est ainsi l’œuvre témoin d’une conception perdue de l’amour. Une histoire intense entre deux personnages forts traités avec distance par le réalisateur, une histoire tragique qui nous fait ensuite réfléchir sur l’introduction que l’on croyait inutile. Bien, sûr, il sera possible de rester hermétique à Tabou qui n’est pas spécialement facile d’accès si l’on n’est pas préparé ou si l’on n’est pas spécialement dans l’humeur que le film provoque et l’ennui peut arriver dès la première partie pour ne pas en sortir (on pourra même rire quand le réalisateur dit que cette histoire d’amour signe le début d’une révolution coloniale, fait qui arrive comme un cheveu sur la soupe). Mais avec le recul on se rend bien compte que Miguel Gomes délivre un très beau film, un superbe témoignage sur l’amour mais aussi la liberté d’une époque révolue sans jamais être complaisant avec le colonialisme qui reste seulement une toile de fond.

Tabou, critique

Selon sa sensibilité, il faudra donc apprivoiser Tabou mais quoi qu’il arrive, Miguel Gomes touche une corde sensible qui nous touchera et nous fera réfléchir sur l’amour et les souvenirs qu’il provoque.