La mort remonte à hier soir

Un grand merci à Éléphant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La mort remonte à hier soir » de Duccio Tessari.

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« C’est peut-être le genre d’affaire courante pour vous. Mais cette affaire, c’est ma fille à moi ! Je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur les autres. Les autres, on y pense que lorsque tout va bien. »

Un inspecteur de la police enquête sur la disparition d’une jeune femme de 25 ans, fille d’un veuf solitaire. Lorsqu’elle est retrouvée morte, une course contre la montre commence : le policier doit résoudre le crime avant que le père de la jeune femme se fasse justice lui-même…

« Si elle n’était pas morte, vous ne seriez pas venus chez moi »

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Figure marquante du cinéma de divertissement populaire italien, Duccio Tessari débute sa carrière comme scénariste en participant à l’écriture de nombreux péplums (« Les derniers jours de Pompéi », « Les titans », « La révolte des esclaves » …). Ce qui lui permet de collaborer et de nouer des amitiés avec la jeune garde qui fera les beaux jours du cinéma bis italien au cours des deux décennies suivantes. Il écrit ainsi notamment pour Sergio Leone (« Le colosse de Rhodes », « Pour une poignée de dollars ») ou encore pour Sergio Corbucci (« Romulus et Rémus »), avant de se lancer lui-même dans la réalisation. S’il dirige d’abord Michèle Morgan dans le film historique « Le procès des doges » (1963), c’est par le biais du western spaghetti – et ses succès « Un pistolet pour Ringo » et « Le retour de Ringo » (1965) – qu’il se fait un nom comme cinéaste. Solide artisan, il s’illustrera ensuite dans différents genres au cours des trente années suivantes (« Et viva la révolution ! », « Les enfants de chœur » avec Rod Steiger et Claude Brasseur, ou encore « Les durs » avec Lino Ventura). Mais ce sont pour ses prestigieuses collaborations avec Alain Delon – sur « Big guns (les grands fusils) » (1973) et « Zorro » (1975) – qu’il reste principalement connu, du moins de ce côté-ci des Alpes.

« Je veux vivre pour que vous découvriez qui a tué ma fille. Et s’il vous faut des milliers d’années pour y arriver, et bien je vivrais encore des milliers d’années »

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Jusqu'à quel seuil un homme peut-il subir la violence sans se révolter ? A la vérité, le taux de résilience se détermine par deux variables: le degré d'ignominie de l'acte de violence en lui-même et la faculté (ou non) des pouvoirs publics à y répondre pour rétablir une forme de justice. Mais dans l'Italie des années de plomb, la violence se fait aussi exponentielle (pour ne pas dire explosive et souvent gratuite) que l'incapacité des pouvoirs publics, débordés, à la juguler. Aussi, quand un brave père de famille voit sa fille handicapée mentale violée et assassinée dans des circonstances ignobles, cela constitue pour lui un point de bascule (et de non-retour) vers une folle croisade vengeresse. Avec « La mort remonte à hier soir », adaptation du roman « Les milanais tuent le samedi » du maitre du polar italien Giorgio Scerbanenco, Duccio Tessari s’impose comme l’un des précurseurs du film d’auto-défense (ou « vigilante movie »), qui deviendra très en vogue au cours de la décennie à venir, tant en Italie (« Un citoyen se rebelle », « Colère noire », « Un flic hors-la-loi ») qu’en Amérique (la saga des « Un justicier dans la ville », « Taxi driver », « Coffy la panthère noire de Harlem »). Et de fait, le spectateur suivra l’enquête dans les pas de la police, qui du fait de diverses contraintes (administratives, légales, corruption) se retrouve toujours avec un train de retard sur le patriarche vengeur. Celui-ci fait d’ailleurs preuve de sang-froid et d’une grande sagacité pour remonter une piste toujours plus glauque à mesure que les détails se révèlent, avec au final la sensation que le vice et l’insécurité sont partout, même dans les endroits ou chez les gens les plus anodins (la voisine de l’immeuble qui a participé au rapt crapuleux, les égoutiers qui retrouvent la peluche, la laverie qui sert plaque tournante aux trafics). Une sorte de cauchemar éveillé qui ne pourra trouver d’autre issue que dans l’effusion de sang expiatoire. A l’évidence, Tessari signe là une tragédie sociale et humaine, noire comme la nuit, reflet d’une société italienne en perdition qui semble totalement viciée de toutes parts. Radical, mais magistral.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré en Haute-Définition et proposé en version originale italienne (2.0) ainsi qu’en versions française (2.0) et anglaise (2.0). Des sous-titres français et anglais sont disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation signée par Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele (2023, 23 min.), d’une Bande-annonce et des Bandes-annonces de la collection.

Édité par Éléphant Films, « La mort remonte à hier soir » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD depuis le 31 octobre 2023. Il est également disponible en édition blu-ray depuis le 19 mars 2024.

Le site Internet d’Éléphant Films est ici. Sa page Facebook est ici.