La Condition (2025) de Jérôme Bonnell

Par Seleniecinema @SelenieCinema

8ème long métrage de Jérôme Bonnell après des films comme "Le Chignon d'Olga" (2002), "Le Temps de l'Aventure" (2013) ou "A Trois on y Va" (2021). Pour ce nouveau projet le réalisateur-scénariste choisit d'adapter le roman "Amours" (2015) de Léonor de Récondo. Si cela fait longtemps que le cinéaste avait envie de le porter sur grand écran il ui a fallu un long processus d'écriture parce qu'il voulait développer "une vision personnelle de la résonance entre le roman du début du 20ème et les débats plus contemporains."... 

1908, Céleste est une jeune bonne discrète qui travaille chez Victoire et André. Victoire, l'épouse d'André, est une bourgeoise qui s'interroge sur sa condition et les attentes de son milieu. Malgré tout ce qui les oppose les deux femmes vont tisser un lien inattendu, bravant ainsi les conventions et les non-dits d'une société austère et patriarcale... Le couple de bourgeois est joué par Swan Arlaud vu cette même année dans "L'Etranger" (2025) de François Ozon et "L'Inconnu de la Grande Arche" (2025) de Stephane Demoustier, et Louise Chevillotte vue dernièrement dans "Un Silence" (2024) de Joachim Lafosse et "Le Tableau Volé" (2024) de Pascal Bonitzer. La bonne Céleste est incarnée par Galatéa Bellugi vue dans "Gloria" (2024) de Margherita Vicario ou "Cinque Secondi" (2025) de Paolo Virzi. Citons ensuite Emmanuelle Devos qui retrouve son réalisateur de  "Le Temps de l'Aventure" (2013) et vue récemment dans "Un Ours dans le Jura" (2025) de et avec Franck Dubosc et "Six Jours, ce Printemps-Là" (2025) de Joachim Lafosse, François Chattot apparu dans "A l'Ancienne" (2024) de Hervé Mimran ou "La Venue de l'Avenir" (2025) de Cédric Klapisch, puis Camille Rutherford vue dans "Pourquoi tu Souris ?" (2024) de Chad Chenouga et Christine Paillard ou "Jane Austen a gâché ma Vie" (2024) de Laura Piani... Malgré l'adaptation, le réalisateur-scénariste a ajouté deux personnages dans son histoire qui enrichissent vraiment le récit et l'évolution dramatique intra-familiale. Il s'agit de la mère de André/Arlaud jouée par une Emmanuelle Devos indigne et abjecte à souhait, et du personnage de Alphonse Lajardie joué par François Chattot en vieux monsieur bien plus important qu'il n'y paraît au premier abord. Ces deux personnages sont une vraie riche idée, car il permet aussi d'éviter un huis clos trop théâtral en comité d'une simple triangulaire. Les premières minutes sont classiques, mais essentielles et parfaitement mises en place pour comprendre la place de chacun dans la maison d'un notable, le notaire et son épouse, les domestiques, le mésamour du couple comme le travail des employés de maison. Si dans un premier temps on peut trouver la reconstitution soignée comme il sa doit pour un film historique on perçoit des bribes d'une certaine modernité, d'abord dans quelques nuances dans les dialogues, puis surtout ensuite dans les efforts d'émancipation de l'épouse à une époque où le mari à tous les pouvoirs ; d'ailleurs comme il le dit, il pourrait tout à fait la prendre de force.

Le cinéaste est pourtant assez intelligent pour ne pas tomber dans le piège du féminisme facile et/ou dans un manichéïsme à charge anti-patriarcal. En effet, l'époux André/Arlaud est un homme de son temps avant tout, sa position sociale s'impose à lui et ce malgré un lourd secret, mais il se bat contre lui-même pour ne pas devenir un monstre mené par de bas instinct même si sa position s'éveille quand il faut "compenser" le devoir conjugal. Il aime finalement sincèrement son épouse dont on apprend qu'elle a dit oui de plein choix mais dont on sait aussi une pression sociale qui la pousse à dire oui un jour ou l'autre avant de devenir vieille fille. Jérôme Bonnell a déclaré vouloir montrer aussi une époque "marquée par un retour brutal de la morale de la religion", cependant sur ce point le film demeure pourtant plutôt mesuré, tout juste suffisamment abordé car au final le plus intéressant reste la maternité, l'envie de devenir mère, la filiation avec deux femmes dans des positions différentes mais qui restent liées par l'instinct maternelle. Le trio fonctionne très bien, autant dans l'intimité que dans le conflit, les interactions avec la mère sont tout aussi passionnante, on s'imagine parfaitement aigrie par une vie passée qu'elle a dû subir. Jérôme Bonnell signe un drame social réaliste et cohérent, merveilleusement dirigé, avec sa petite tension insidieuse et des émotions justes. Un très bon et très beau film.

Note :                 

16/20