Pusher II : du Sang sur les Mains (2004) de Nicolas Winding Refn

Après le succès et la reconnaissance de son premier long métrage "Pusher" (1996) le danois Nicolas Winding Refn a enchaînée avec "Bleeder" (1999) et "Inside Job" (2003) mais malheureusement avec bien moins de résultat au box-office. Endetté d'un million de dollars le cinéaste se retrouve dans une situation compliquée : "J'avais besoin d'un projet rapide à financer, qui se fasse impérativement au Danemark. Sachant que Pusher avait eu du succès, il paraissait facile de financer Pusher II. D'abord, l'idée m'a révolté. J'avais peur de l'échec artistique. Je pensais seulement le produire. Puis en cours d'écriture, l'idée de faire le troisième est arrivée, et ensuite le projet de financement combiné. On pouvait envisager l'ensemble comme une série. Après tout, la télévision était devenue excellente depuis 1996, et je ne voyais pas de mal à lui emprunter certaines recettes. Avec le recul, je trouve que la trilogie Pusher représente ce que j'ai fait de mieux. Je suis devenu un meilleur cinéaste." Le réalisateur-scénariste est cette fois en solo, avec des moyens plus drastiques mais il précise : "Je suis persuadé que les meilleurs films hollywoodiens ont été réalisés entre les années 30 et 50. A cette époque, la censure était si dure qu'elle incitait les cinéastes à suggérer ce qu'ils n'avaient pas le droit de montrer. Aujourd'hui, les contraintes sont perçues comme négatives, mais il faut en voir le bon côté, savoir les détourner à son profit." Pour façonner sa trilogie il reprend donc les codes du film originel et établi trois règles : 

1- Plutôt que des films sur le crime, ce sont des films sur des gens dans un environnement criminel

2- Chaque film est raconté du point de vue du personnage principal, à travers ses yeux et ses oreilles

3- Chacun est conscient que celui qui vit par l'épée mourra par l'épée. J'utilise ces trois ingrédients dans les trois films.

Après un premier film interdit au moins de 16 ans, cette suite est interdit au moins de 12 ans avec avertissement...

Tonny, un petit criminel de Copenhague, qui avait été gravement blessé par son ex-meilleur ami Frank, avait ensuite été emprisonné. Sortant de prison il revient vers son père, caïd surnommé Le Duc avec qui pourtant les relations n'ont jamais été au beau fixe. Le Duc a refait sa vie et a un tout jeune garçon, petit frère de Tonny. Bien qu'humilié dès que possible par son père, Tonny tente de montre sa bonne volonté pour rester et intégrer son gang. Parallèlement Tonny apprend qu'il a un fils, d'abord dans le déni il finit par se prendre d'affection. Toujours pas accepté par son père, Tonny va multiplier les options pour tenter d'être accepter par le Duc... Tonny est un second rôle dans "Pusher" (1996), et devient ici le rôle principal et toujours incarné par Mads Mikkelsen, qui était au départ inconnu mais qui est devenu un acteur danois connu grâce entre autre à "Lumières Dansantes" (2000) et "Les Bouchers Verts" (2003) tous deux de Anders Thomas Jensen, étant donc un atout bankable pour le réalisateur, tandis qu'il est choisit pour incarner l'ennemi de 007 pour le futur "Casino Royale" (2006) de Martin Campbell, l'acteur retrouve donc son réalisateur mais aussi après "La Nuit des Vampires" (1998) de Shaky Gonzales et "Bleeder" (1999) son partenaire Zlatko Buric alias Milo, vu également dans "Dirty Pretty Things" (2003) de Stephen Frears, il reviendra dans la foulée dans "Pusher III" (2005) à l'instar des acteurs Karsten Schroder qui était aussi dans "Bleeder" (1999), puis Linse Kessler et Kurt Nielsen alias Kurt-le-con qui était alors un réel gangster rencontré par le réalisateur lors de ses recherches pour son scénario. Citons ensuite Leif Sylvester remarqué dans "Casablanca Circus" (1981), "Rocking Silver" (1983) et "Moi et Mamma Mia" (1990) tous trois de Erik Clausen, Maria Erwolter vue plus tard dans "Le Rituel" (2017) de David Bruckner et "Darkland" (2017) de Fenar Ahmad, puis enfin Oyvind Hagen-Traberg qui retrouvera Mads Mikkelsen pour "La Chasse" (2012) de Thomas Vinterberg... Sur cette seconde partie Nicolas Winding Refn a le nez fin, d'abord en choisissant Mads Mikkelsen qui a forcément aidé au financement du film, et ça tombe bien car cela permet de rester cohérent avec le premier film en reprenant un personnage secondaire qui devient cette fois le protagoniste principal. Réalisateur-scénariste, Refn reste cohérent également dans le style, docu-fiction à l'image granuleuse, mais cette fois avec une caméra moins nerveuse, plus calme ce qui est intelligent car correspond à l'aspect plus apaisé de Tonny/Mikkelsen qui cherche à entrer dans "une" famille qui est la sienne sans vraiment l'être.

Ainsi le cinéaste met en avant l'"environnement criminel" plus que le voyou lui-même, il est en quelque sorte emprisonné dans le seul milieu qu'il connaît. Tonny/Mikkelsen tente de s'en sortir et de s'intégrer mais en restant dans le pire des environnements, le crime encore, dans le gang d'un père qui le hait, qui l'humilie, et plus il fait des efforts plus cela semble sans espoir. Tonny fait un choix, agit, mauvais choix ou la faute à pas de chance, l'humiliation semble le résultat dans un shéma répétitif de l'échec. Et pourtant, le récit crée un parallèle qui apporte un brin d'humanité, un soupçon d'espérance, quand Le Duc/Sylvester humilie son fils, Tonny lui se rapproche de plus en plus de son bébé. D'un côté la haine paternelle de l'autre l'amour naissant d'un père. Outre les affaires criminelles du gang, il y a aussi les manipulations, les choix, les malentendus et surtout un Tonny qui reste aussi influençable, un suiveur qui n'a pas les épaules pour un tel milieu mais qui ne sait pas comment s'en sortir, qui ne réfléchit pas au-delà de ce qu'il connaît et on repense alors au passage à tabac du premier opus qui n'a pas dû l'aider non plus, en témoigne ses cicatrices sur le crâne. Une suite judicieuse, à la fois plus intime, plus subtile, où la violence se fait plus intra-familiale. Le scénario est implacable, plus complexe que le premier, moins classique du point de vue purement criminel mais pas moins violent car la dimension familiale se fait plus insidieuse. 

Note :                 

Pusher Sang Mains (2004) Nicolas Winding RefnPusher Sang Mains (2004) Nicolas Winding RefnPusher Sang Mains (2004) Nicolas Winding RefnPusher Sang Mains (2004) Nicolas Winding Refn

17/20