
Police partout, justice… à de rares endroits
Sélectionné à Cannes, ce film de Dominik Moll ayant pour sujet les violences policières durant la séquence « Gilets jaunes » avait tout du film soit casse gueule, soit partisan (côté Police ou côté manifestants), soit dossier ; soit tout à la fois. Après s’être plongé dans les rouages de la Police Judiciaire avec une affaire de féminicide dans « La nuit du 12 », Moll analyse ici le mode de fonctionnement de la police des polices dans ce thriller à la mécanique bien huilée. On va donc suivre l’enquête d’une inspectrice de l’IGPN saisie pour violence policière. Au travers de son travail, on comprend la lourdeur de la procédure, la pression de son propre corps la voyant comme une traitre, et comme complice passive pour les victimes, … Mais aussi et surtout la doctrine du maintien de l’ordre imposée par ce et d’autres gouvernements. Leur mission n’est banale quand on leur dit qu’ils doivent « sauver la République » (dixit les paroles du Président de la République et du Ministre de l’Intérieur) ; et ce dans une impréparation totale, sans formation mais avec du matériel de guerre dans les mains !!! Quelle pression et objectif de résultat on fait peser sur leurs épaules !!!
Traité comme les grands polars politiques américains des 70’s, ce film sait rester sur le fil du rasoir. Il est honnête, hyper documenté et passionnant. Gilles Marchand co écrit le scénario avec Dominik Moll ; partant de cas concrets, leur scénario est béton ; tout en amenant une touche fictionnelle maline ; la victime des faits réside dans la ville d’où est originaire l’enquêtrice de l’IGPN. Ce qui permet d’amener des rencontres, un positionnement de chacun d’entre eux servant le film. Dans ce récit à la ligne claire, ce film reste sobre et s’interroge sur le rapport de la Nation avec ses citoyens, sur le mépris de classe et la doctrine du maintien de l’ordre. Il a le mérite de poser les bases d’une réflexion nuancée et engagée sur la brutalité d’une répression et la désorganisation d’une institution ; et en montrant du doigt une société fracturée.
Par une mise en scène efficace, on est accroché de la première à la dernière minute. La prestation millimétrée de Léa Drucker dans le rôle de l’enquêtrice y est aussi pour beaucoup.
Nathalie Chifflet : « Dominik Moll refuse le manichéisme facile ; il préfère la zone grise, là où la violence d’État devient systémique parce qu’elle est banalisée, normalisée, inscrite dans la langue même de la procédure. Un grand film nécessaire. Qui fait mal sans jamais élever la voix. »
Et aussi un film qui permet de rappeler que le mouvement des « Gilets Jaunes » était très atypique par sa forme, ses revendications, et les gens qui en furent les acteurs. Un film marquant sur un mouvement qui convoque déjà et convoquera sociologues et autres penseurs dans l’avenir et qui donc pose les bases d’autres films sur ce sujet.
Un très bon film 2025… à voir absolument pour son intelligence captivante.
Sorti en 2025
Ma note: 18/20