De Dominik Moll
Avec Léa Drucker
Chronique : Après le phénomène La Nuit du 12 qui creusait les origines des féminicides et décryptait les rouages d’un système patriarcal intrinsèquement brutal, Dominik Moll s’empare avec Dossier 137 du sujet hautement inflammable des violences policières, qu’il tente de traiter de la manière la plus impartiale possible (et ce n’est pas une mince affaire…).
Il l’aborde frontalement et lui donne un visage, celui de Stéphanie, une enquêtrice de l’IGPN (la police des police) chargée d’instruire un dossier après qu’un gamin a été gravement blessé par un tir de LBD lors d’une manifestation des gilets jaunes.
L’approche du réalisateur est clinique, fine, précise et très structurée. Sa mise en scène ultradynamique. Le montage alterne énergiquement entre auditions au commissariat, vidéos filmées par les manifestants, procès-verbaux lus à haute voix sur des images d’intervention et reconstituions sur plan des faits ayant eu lieu la nuit du drame. Aucun temps mort, hormis peut-être lors de scènes de filature pas forcément nécessaires.
Très documenté, Dossier 137 nous embarque dans l’enquête, littéralement. On avance avec Stéphanie étape par étape, passant de l’espoir d’une avancée à la frustration provoquée par la lourdeur administrative, au découragement face à un système grippé et bien sûr à la colère en constatant l’impunité dont bénéficient certains membres des forces de l’ordre.
Car Dossier 137 dit beaucoup de l’institution policière et de ses disfonctionnements, ses limites et son manque de moyen, mais aussi de ses dérives violentes et l’ambiguïté qui peut résider dans la mission de protection du citoyen. Heureusement, Moll parvient parfois à désamorcer la tension et la nervosité par quelques touches d’humour (et des chatons). Il fait surtout de Stéphanie la voix de la raison, celle qui cherche à comprendre sans juger, qui mesure, qui recadre, qui contextualise et dépassionne, mais jusqu’à quand ? Moll, grâce à ce personnage à la fois traitre pour ces collègues et complice pour la famille de la victime, échappe au manichéisme et aux jugements hâtifs, ce qui ne l’empêche pas de pointer du doigt cette violence d’état que les manquements humains et matériels facilitent, et le corporatisme et les procédures entretiennent.
Dans la peau de cette enquêtrice tiraillée entre sa loyauté et son humanité, Léa Drucker est une nouvelle fois phénoménale. Elle livre une masterclass lumineuse qu’elle termine par une dernière scène magistrale et poignante, clôturant parfaitement Dossier 137.
Difficile alors, de ne pas être en colère lorsque le film se termine…
Synopsis : Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité… Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro.