Premier long métrage de Roger Vadim acteur et assistant-réalisateur décide de signer son premier film en offrant un rôle sur mesure pour son épouse, une certaine Brigitte Bardot qu'il a rencontré dès 1949 mais épousé seulement en 1952 conformément à la demande des parents de la jeune femme pour attendre ses 18 ans. Réalisateur-scénariste il co-écrit son scénario avec Raoul Levy qui devient officiellement producteur sur ce film qui retrouvera le couple pour "Les Bijoutiers du Clair de Lune" (1958) puis retrouvera Brigitte Bardot entre autre sur les films "En Cas de Malheur" (1958) de Claude Autant-Lara, "Babette s'en va-t-en Guerre" (1959) de Christian-Jaque et "La Vérité" (1960) de Henri-Georges Clouzot. Le film est au départ reçu plutôt discrètement en France, mais dans les pays anglophones le film fait sensation surtout parce que c'est la première fois qu'un personnage féminin assume autant son corps et sa sexualité poussant à des réactions extrêmes de passion ou de rejet, aux Etats-Unis les Ligues de vertu alors très puissantes appellent au boycott et à la censure ce qui crée un fait un énorme buzz et bouste le bouche à oreilles. Le succès du film est assez unique pour une production française (plus de 16 millions de dollars engrangé au box-office américain), et le scandale fait alors écho et revient comme un boomerang et le phénomène BB explose enfin. Le film dépasse les 3,8 millions d'entrées France et surtout fait de l'équipe débutante une génération de stars mais c'est Brigitte Bardot qui devient instantanément un star mondiale, une icône de l'émancipation féminine et un sex-symbol à égalité avec Marylin Monroe. Des années et des films plus tard, pour son ultime film Vadim signera son propre remake américain "And God created Woman" (1988) avec Rebecca De Mornay. Au vu de la réputation qui le précède le film est logiquement interdit au moins de 16 ans lors de sa sortie en salles... Orpheline de 18 ans, Juliette est d'une beauté sensuelle qui attire les convoitises des hommes. Libre jusqu'à une impudeur innocente un entrepreneur riche rêve de la séduire, tandis qu'elle est amoureuse d'un autre homme dont le frère est lui-même fou amoureux d'elle. Finalement sa liberté fait autant peur aux hommes qu'elle les fascine...
Le duo Raoul Levy et Roger Vadim s'octroie chacun un caméo, et Vadim retrouve ainsi devant la caméra après "Les Dents Longues" (1953) de Daniel Gélin et "Futures Vedettes" (1955) de Marc Allégret sa tendre et chère et encore peu connue Brigitte Bardot qui retrouvera, malgré leur séparation, Vadim encore à cinq reprises sur "Les Bijoutiers du Clair de Lune" (1958), "La Bride au Cou" (1961), "Le Repos du Guerrier" (1962), "Histoire Extraordinaires" (1968) et "Don Juan 73 ou si Don Juan était une Femme..." (1973). Parmi ses prétendants il y a le riche Curd Jürgens célèbre acteur allemand vu la même année dans le succès "Michel Strogoff" (1956) de Carmine Gallone et retrouvera Vadim pour "Château en Suède" (1963), puis il y a surtout la fratrie avec Christian Marquand vu dans "Lucrèce Borgia" (1953) de Christian-Jaque, "Senso" (1954) de Luchino Visconti ou "L'Amant de Lady Chatterley" (1955) de Marc Allégret, puis son "frère" qui va devenir son beau-frère à la ville en épousant sa soeur future Nadine Trintingant en 1961 avec Jean-Louis Trintignant dont c'est le premier grand rôle et qui retrouvera Vadim, malgré sa liaison avec Bardot, dans "les Liaisons Dangereuses 1960" (1959) et "Château en Suède" (1963) puis le cadet joué par Georges Poujouly révélation de "Jeux Interdits" (1952) de René Clément, qui retrouvera également Vadim pour "Le Vice et la Vertu" (1963) et "Hellé" (1972), puis retrouve après "Les Diaboliques" (1955) de Henri-Georges Clouzot son partenaire Jean Lefebvre encore méconnu avant de connaître la popularité avec des films comme "La Belle Américaine" (1961) de Robert Dhéry ou "Les Tontons Flingueurs" (1963) de Georges Lautner, puis retrouve Jacqueline Ventura (épouse de Ray Ventura) après "L'Homme et l'Enfant" (1956). Citons ensuite Jane Marken apparue dans les chefs d'oeuvre "Hôtel du Nord" (1938) et "Les Enfants du paradis" (1945) tous deux de Marcel Carné, Paul Faivre vu dans "Orage" (1937) de Marc Allégret ou "Boule de Suif" (1945) de Christian-Jaque, Isabelle Corey qui connue une courte mais fastueuse carrière avec pas moins de 17 films entre "Bob le Flambeur" (1956) de Jean-Pierre Melville et "Vanina Vanini" (1961) de Roberto Rosselini, Jean Tissier vu la même année dans "Si Paris nous était conté" (1956) de Sacha Guitry et "Notre-Dame de Paris" (1956) de Jean Delannoy puis retrouvera une partie de l'équipe pour "La Bride sur le Cou" (1961), Marie Glory aperçue dans "les Amants Terribles" (1936) de Marc Allégret et "Adorables Créatures" (1952) de Christian-Jaque, Lucien Callamand qui aura joué plus de 140 rôles entre "L'Assomoir" (1908) de Albert Capellani et "Les Jeunes Loups" (1968) de Marcel Carné, puis enfi n'oublions pas les musiciens de mambo avec le méis français Léopoldo Francès aperçu auprès de Fernandel dans "Le Mouton à Cinq Pattes" (1954) de Henri Verneuil et "Ali Baba et les Quarante Voleurs" (1954) de Jacques Becker, puis Carlo Valdès alors l'un des percussionniste cubain les plus réputé au monde...
Le film débute comme une carte postale de la Côte d'Azur, une voiture de sport, un homme d'âge mûr qui a la classe, riche sans aucun doute qui vient rendre visite à une jeune femme qui bronze nue et deux remarques se font aussitôt, d'abord une question qui est cet homme, un oncle peut-être ?! Puis une magnifique beauté qui bronze nue à une époque où ça ne se fait pas et qui s'impose alors d'emblée comme une fille légère peut-être mais libre de corps et d'esprit puis on constate surtout que si elle bronze nue on nous le suggère simplement car jamais nous ne voyons plus que ses épaules. Très vite on comprend deux choses, la première est qu'en vérité elle n'est pas libre mais veut le faire croire et surtout veut y croire, la seconde est essentielle au vu du mythe c'est que si le film a fait scandale pour sa sexualité et sa nudité le film en est en vérité complètement dénué ! En effet, jamais nous ne voyons Brigitte Bardot (entièrement) nue et jamais une scène de sexe n'est montrée autrement que hors champs ou simplement suggérée. Ainsi, l'époque des années 50 aussi prude soit-elle a été choqué uniquement par les propres peurs ou fantasmes des spectateurs !
La sensualité ambiante ne doit qu'à la beauté insolente de BB et à une subtile mise en scène de Vadim qui permet de confronter le public à ses propres frustrations sans jamais rien montrer frontalement. On frôle le génie. Pour reprendre le côté "libre de corps et d'esprit" de Juliette/Bardot, c'est ce qui s'impose en premier abord mais en fait elle est au début encore sous l'autorité des services sociaux. Puis ensuite elle doit se marier ce qui la place donc sous l'autorité d'un époux (nous sommes en 1956), tandis que son coeur est d'abord pris par le frère aîné ce qui lui fait faire des "bêtises". Même en 1956 on constate que le film a choqué car c'est sans une des premières fois où une femme assume son corps, exprime ses désirs et en quelque sorte annonce son émancipation... mais qui n'est en vérité qu'une chimère ! Car Vadim fait malicieusement illusion mais Juliette/Bardot reste malgré elle bien soumise aux désirs des hommes jusqu'à en choisir finalement un. Le film est une succession de plans icôniques de BB évidemment, plus ou moins lascive et désirable, mais il y a aussi la naissance en direct de ce que représentera Saint-Tropez, il y a la fameuse scène de mambo effréné, la tension amoureuse du couple Trintignant-Bardot qui s'éveille devant la caméra du mari Roger Vadim bien malgré lui... Ironiquement, Bardot a effectivement choisi son homme... Vadim déclara qu'il voulait "à travers Brigitte, restituer le climat d'une époque, Juliette est une fille de son temps, qui s'est affranchie de tout sentiment de culpabilité, de tout tabou imposé par la société, et dont la sexualité est entièrement libre. Dans la littérature et les films d'avant-guerre, on l'aurait assimilée à une prostituée. C'est dans ce film, une très jeune femme, généreuse, parfois désaxée, et finalement insaisissable, qui n'a d'autre excuse que sa générosité." On constate donc qu'il n'a pourtant pas été au bout de ces idées, finalement Juliette se marie et se soumet. Vadim signe un film visuellement sensuel et solaire, sans aucun doute plus profond qu'on l'imagine au premier abord et qui s'inscrit effectivement dans une époque encore très patriarcale et que l'émancipation féminine est encore balbutiante, le film est ainsi un petit pas pour la femme mais un bond de géant pour le féminisme...
Note :