Cinéma | L’INCONNU DE LA GRANDE ARCHE – 15/20

Par Taibbo

De Stéphane Demoustier
Avec Claes Bang, Sidse Babett Knudsen, Xavier Dolan

Chronique : Le dernier film de Stéphane Demoustier est de ceux dont on ignore avoir envie. On fait en effet difficilement moins sexy que l’origin-story de la Grande Arche de la Défense…. On est bien loin du glamour et des dramas d’Opéra, petite merveille de série sur le ballet dont il assurait la réalisation.
Mais sous ses abords rébarbatifs, l’histoire derrière l’édification de ce monument colossal s’avère passionnante. Le plus surprenant, peut-être, est qu’on comprend que ça aurait pu être beau. Difficile à croire quand on se balade au cœur du quartier d’affaires parisien….
Ce qui intéresse surtout Demoustier (et nous avec), c’est le combat d’Otto von Spreckelsen pour conserver l’intégrité d’une œuvre confrontée aux volte-face des politiques publiques et défendre sa probité d’artiste peu habitué aux chantiers de cette ampleur (avant de gagner l’appel d’offre contre toute attente, l’architecte danois n’avait bâti que deux églises…). Le réalisateur en fait un thriller politique tragi-comique épatant dont on ne voit pas passer les deux heures. Le récit est cadencé par la relation quasi-amoureuse qui lie l’architecte à son projet. Son enthousiasme et son intransigeance vont vite être mis à mal par le goût très français pour la lourdeur administrative et les enjeux politiques majeurs que revêt un tel projet, suscitant les jalousies, déclenchant des luttes d’influence et même un peu de chauvinisme.
Pensant disposer d’un chèque en blanc de la part de Mitterrand, von Spreckelsen se retrouve vite rattrapé par la réalité économique et les conséquences de la cohabitation. Cette instabilité politique associée à son exigence artistique (et à son orgueil) vont littéralement le bouffer. Son refus du compromis va virer à la paranoïa et provoquer de nombreux conflits avec son entourage tandis qu’il voit son œuvre lui échapper.
Dumoustier filme en 4/3, dans style très réaliste, très simple avec une photographie austère et un peu cracra qui rappelle les reportages des années 80. On est parfaitement plongé dans l’ambiance d’alors ! Le Paris de l’époque est reconstitué de manière minutieuse, le gigantisme des chantiers également, que ce soit à La Défense, mais aussi à Palais Royal où la Pyramide du Louvres est en train de sortir de terre.
Pour incarner cette étonnante page de l’histoire architecturale française, Demoustier peut compter sur une distribution brillante. Dans le rôle de conseiller zélé du président, Dolan convainc et étonne.
Le personnage fictionnel de la femme de l’architecte, à la fois agent déguisé et voix de la raison est interprété avec nuance par la toujours parfaite Sidse Babett Knudsen. Elle forme un beau couple avec Claes Bang, qui navigue avec aisance entre 3 langues et traduit avec élégance le dévouement d’un artiste passionné par son métier mais écrasé par les à-côtés d’un projet trop grand pour lui.
L’Inconnu de la Grande Arche interroge intelligemment la place de l’artiste face aux considérations politiques plus prosaïques et rappelle qu’entre un rêve et sa réalisation, il faut du temps, et ce temps-là souvent consume l’artiste…

Synopsis : 1983, François Mitterrand décide de lancer un concours d’architecture international pour le projet phare de sa présidence : la Grande Arche de la Défense, dans l’axe du Louvre et de l’Arc de Triomphe ! A la surprise générale, Otto von Spreckelsen, architecte danois, remporte le concours. Du jour au lendemain, cet homme de 53 ans, inconnu en France, débarque à Paris où il est propulsé à la tête de ce chantier pharaonique. Et si l’architecte entend bâtir la Grande Arche telle qu’il l’a imaginée, ses idées vont très vite se heurter à la complexité du réel et aux aléas de la politique.