Deux Procureurs (2025) de Sergei Loznitsa

Nouveau film pour le russe Sergei Losnitsa remarqué dernièrement pour ses documentaires "Le Procès de Kiev" (2022) et "L'Invasion" (2024), mais qui revient à la fiction  avec des films comme "My Joy" (2010), "Une Femme Douce" (2017) ou "Donbass" (2018). Pour ce nouveau projet le réalisateur-scénariste adapte une nouvelle (1969) de Georgy Demidov, physicien envoyé au goulag en 1938, dont les écrits furent saisis par le KGB en 1980 et qui n'ont pu être publié qu'en 2009 : "Dans un pays où des dizaines de millions de personnes ont été déplacées ou sont passées par le goulag, et où des millions sont mortes de faim ou dans des conditions inhumaines - la mémoire de ces tragédies vit encore dans presque chaque famille et nous hante toujours aujourd'hui. Quelques années plus tard, j'ai écrit le scénario..." Le cinéaste s'est inspiré des univers grotesque et tragique des écrivains Gogol et Kafka, précisant que le personnage du capitaine Kopeikin est une référence directe à Gogol, et que l'absurde selon Kafka "s'est invité tout seul" dans le récit... Union Soviétique, 1937, des milliers de lettres de détenus accusés à tort par le régime sont brûlées dans une cellule de prison. Contre toute attente, l'une d'entre elles arrive à destination, sur le bureau du procureur local fraîchement nommé, Alexander Kornev. Il se démène pour rencontrer le prisonnier, victime d'agents de la police secrète, le NKVD. Bolchévique intègre et chevronné le jeune procureur croit d'abord à un simple dysfonctionnement administratif. Par acquis de conscience il effectue tout de même quelques recherches qui vont le conduire jusqu'au procureur général à Moscou. Bientôt, il va plonger dans les méandres des grandes purges staliniennes... 

Le jeune procureur est incarné par Alexandre Kouznetsov vu entre autre dans "Leto" (2018) de Kirill Serebrennikov, "Why Don't you Just Die !" (2018) de Kirill Sokolov, "Mon Légionnaire" (2021) de Rachel lang ou "Les Animaux Domestiques : les Secrets de Dumbledore" (2022) de David Yates. Citons ensuite Alexandre Filippenko vu dans "Les Yeux Noirs" (1987) de Nikita Mikhalkov, "Le Cercle des Intimes" (1991) de Andrei Kontchalovski ou "Attaque sur Leningrad" (2009) de Alexandre Bouravski, Anatoli Bely vu dans "Wolfhound : l'Ultime Guerrier" (2006) de Nikolai Lebedev, "Ici les Aubes sont Calmes..." (2015) de Renat Davletiarov ou "Firefall" (2022) de Dmitri Kesseliov, Andris Keiss vu dans "Faute d'Amour" (2017) de Andrey Zvyagintsev ou "The Pagan King" (2019) de Aigars Grauba et retrouvera dans "Le Mage du Kremlin" (2025) de Olivier Assayas son partenaire Valentin Novopolskij, Vytautas Kaniusonis aperçu dans "Vanishing Waves" (2012) de Kristina Buozyte ou "The Gambler" (2013) de Ignas Jonynas, puis Ivgeny Terletsky vu dans "Oleg" (2019) de Juris Kursietis ou "Under the Grey Sky" (2024) de Mara Tamkovich... Le film nous plonge dans les Purges Staliniennes (Tout savoir ICI !) via le regard d'un tout jeune procureur tout juste sorti d'école et qui ne sait rien et qui va apprendre trop vite, beaucoup trop vite, que la machine pour laquelle il travaille n'est pas celle qu'il croyait. Le réalisateur a tourné dans une prison abandonnée à Riga (Lettonie) plus vraie que nature, on sent le poids du voisin soviétique sans hésitation et on croit sans peine à ce que le cinéaste voulait : "L'odeur de souffrance y flotte encore." Le cinéaste fait aussi des choix de mise en scène et visuel précis qu'on remarque très vite, un format "carré", des plans fixes ou du moins une utilisation de la caméra très statique, et les couleurs et teintes très gris-bleu.

Pour les couleurs on est dans un classique du genre pour bien insister sur la tristesse et l'austérité ambiante, le choix d'une caméra la moins mobile que possible impose un climax où on doit ressentir le côté anxiogène et oppressif. Par contre, le scénario est très découpé, en mode chapitrage qui ne dit pas son nom, qui n'est pas spécialement gênant ou inhabituel d'habitude mais qui ici, ajouté à une caméra immobile, accentue l'ennui et la monotonie. On le comprend vis à vis des personnages d'autant plus quand on se met à la place des victimes, mais du point de vue du spectateur il y a a trop de longueurs et de passages étirés pour rien... ATTENTION SPOILERS !... première partie visite du procureur à la prison, 45 minutes très longues trop longues pour arriver à la rencontre qui va lancer le procureur dans sa recherche de justice, puis une salle d'attente tout aussi longue c'est sûr qu'on ressent l'attente du procureur mais il existe bien plus de possibilité dans ce domaine, puis le face à face des deux procureurs et l'épilogue... FIN SPOILERS !... On constate surtout que le film aurait pu aisément faire 20-25mn de moins, être tout aussi efficace et probant dans son propos et notamment, peut-être, à être plus précis ou direct sur les mécanismes à broyer du régime stalinien. Néanmoins, le film est prenant, comme si Aki Kaurismaki avait perdu sa fantaisie. A conseiller.

Note :                 

Deux Procureurs (2025) Sergei LoznitsaDeux Procureurs (2025) Sergei Loznitsa

14/20