Après l'énorme succès mondial et la reconnaissance public et critique du film "le Parrain" (1972) et ses 3 Oscars, le studio Paramount pousse Francis Ford Coppola à faire une suite qui n'était au préalable pas prévue. Le cinéaste n'y tenait pas, d'abord parce qu'il ne voyait pas l'utilité mais surtout parce que l'entente avec le studio lors du tournage du film original avait été compliqué, ainsi Coppola en profite et accepte à la condition d'avoir le contrôle artistique total. Réalisateur-scénariste il retrouve à l'écriture l'auteur lui-même, Mario Puzo qui adapte donc à nouveau son roman "Le Parrain" (1969) dont il tire toute la partie "préquelle", à savoir l'enfance sicilienne et la jeunesse de Vito Corleone avant les événements du premier film. Par contre, toute l'intrigue principale des années 1958-1958 est inventée pour les besoins du film. Deux époques différentes et qui voyagent dans d'autres contrées que New-York (Nevada, Floride, Cuba, Sicile), une durée de 3h20, une ambition artistique du cinéaste et une ambition commerciale pour Paramount permet de monter le budget à près de 15 millions de dollars soir deux fois plus que le premier film. Le tournage s'avère une fois de plus difficile, et cette fois pas de Paramount en cause mais la star du film, Al Pacino qui exige des changements de script vis à vis de son personnage. Néanmoins, le film est un nouveau succès amassant plus de 92 millions de dollars au box-office monde, ce qui reste deux fois inférieur au score du premier film mais compensé par une razzia aux Oscars avec pas moins de 6 statuettes dont Meilleur Meilleur réalisateur et meilleur scénario adapté. Plus tard, certain qualifieront même cette suite supérieure à l'originale. Le film est interdit en salles à l'époque au moins de 17 ans non accompagné aux Etats-Unis et au moins de 12 ans en France... 1958, depuis la mort de Don Vito Corleone, son fils Michael règne sur la famille. Il s'associe avec la mafia juive pour s'implanter à Cuba mais ce n'est pas au goût de tous et il perd le soutien d'un de ses lieutenants. Peu de temps après il échappe avec son épouse à un attentat. Michael décide alors de laisser les rênes de la famille à son demi-frère Tom Hagen pour se faire discret et tenter de confondre celui qui tire les ficelles. Dans le même temps, une enquête parlementaire est ouverte contre la famille Corleone et la révolution cubaine change les perspectives d'avenir...
Parmi les fidèles présents sur toute la trilogie il y a les femmes Diane Keaton et Talia Shire, mais aussi Carmine Caridi et Richard Bright, ce dernier retrouve aussi après "Panique à Needle Park" (1971) de Jerry Schatzberg le Parrain n°2 Michael Corleone toujours incarné par Al Pacino qui retrouvera dans "Un Après-Midi de Chien" (1975) de Sidney Lumet son ami John Cazale qui joue la même année pour Coppola encore dans "Conversation Secrète" (1974) avec son partenaire Robert Duvall déjà dans "Les Gens de la Pluie" (1969) du réalisateur avec aussi James Caan qu'il retrouvera dans "Tueur d'Elite" (1975) de Sam Peckinpah, tandis que Caan retrouvera également Pacino des années plus tard dans "Dick Tracy" (1990) de et avec Warren Beatty, puis retrouve la même année l'acteur Frank Sivero dans "Le Flambeur" (1974) de Karel Reisz. Il y a ceux qui étaient dans le film original mais qui ne seront pas dans le troisième comme Morgana King, Joe Spinell qui retrouvera Talia Shire dans la saga "Rocky" (1976-1990) et qui retrouvera Pacino dans "La Chasse - Cruising" (1980) de William Friedkin, comme Gianni Russo qui retrouvera encore Pacino dans "L'Enfer du Dimanche" (1999) de Oliver Stone, puis il y a les acteurs Abe Vigoda, Joe Spinell, John Cazale, Richard Bright, Frank Sivero qui retrouve ou retrouveront respectivement après "Trois Chambres à Manhattan" (1965) de Marcel Carné, ou dans "Taxi Driver" (1976) de Martin Scorcese, "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) de Michael Cimino, "Il était une Fois en Amérique" (1984) de Sergio Leone et "Les Affranchis" (1990) de Martin Scorcese l'acteur Robert De Niro, qui avait passé des essais pour le premier film et qui joue là Vito Corleone/Marlon Brando jeune, et surtout l'acteur encore méconnu retrouvera Al Pacino des années plus tard dans "Heat" (1995) de Michael Mann, "La Loi et l'Ordre" (2008) de Jon Avnet et "The Irishman" (2019) de Martin Scorcese. De Niro et Pacino retrouve devant la caméra leur mentor, Lee Strasberg, directeur du fameux Actors Studio avant de créer sa propre école d'art dramatique le Lee Strasberg Theatre Institute, ici dans un de ses rares rôles qui lui vaudra tout de même une nomination à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Dans les nouveaux arrivés dans l'univers citons Bruno Kirby qui retrouvera Gianni Russo après "Premiers Pas dans la Mafia" (1990) de Andrew Bergman, retrouvera De Niro dans "Sleepers" (1996) de Barry Levinson puis Pacino dans "La Chasse" (1980) et "Donnie Brasco" (1997) de Mike Newell, Marianna Hill vue dans "L'Homme des Hautes Plaines" (1973) de et avec Clint Eastwood et qui retrouve James Caan après "Ligne Rouge 7000" (1965) de Howard Hawks, Harry Dean Stanton qui retrouve Richard Bright après "Pat Garrett et Billy le Kid" (1973) de Sam Peckinpah puis retrouve son partenaire Troy Donahue après "Cockfighter" (1974) de Monte Hellman, Michael V. Gazzo qui croisa Marlon Brando dans "Sur les Quais" (1954) de Elia Kazan et retrouvera dans "Mélodie pour un Tueur" (1978) de James Toback l'acteur Dominic Chianese qui retrouvera Pacino et Cazale dans "Un Après-Midi de Chien" (1975), Danny Aiello qui retrouvera deux de ses partenaires dans "Mélodie pour un Tueur" (1978) et "Il était une Fois en Amérique" (1984), citons encore G.D. Spradlin vu dans "Zabriskie Point" (1970) de Michelangelo Antonioni ou "Monte Walsh" (1970) de William A. Fraser, Gastone Moschin vu dans "Le Conformiste" (1970) de Bernardo Bertolucci ou "Milan Calibre 9" (1972) de Fernando Di Leo, Leopoldo Trieste apparu dans "Le Clan des Siciliens" (1969) de Henri Verneuil ou "La Baie Sanglante" (1971) de Mario Bava, Fay Spain vue dans "Le Petit Arpent du Bon Dieu" (1958) de Anthony Mann et qui retrouve après "Teenage Doll" (1957) son réalisateur Roger Corman qui effectue un caméo sénatorial pour Coppola qu'il a lancé et dont il a produit le premier film "Dementia 13" (1963)...
Précisons que pour le casting, au départ Coppola désirait reprendre Brando et le rajeunir mais il n'y a pas pu avoir d'accord, c'est après d'âpres recherches que le cinéaste a remarqué De Niro dans "Mean Streets" (1973) de Scorcese et qui se rappela l'avoir auditionné pour "Le Parrain" (1972). Pour le rôle De Niro a étudié la gestuelle de Brando, et surtout il est parti vivre trois mois en Sicile pour apprendre la langue. De son côté Pacino fera réécrire plusieurs passages, avec d'ailleurs l'aide de Mario Puzo car ils ne voulaient pas que Michael Corleone soit trop antipathique auprès du public comme l'explique Pacino lui-même : "Je voulais que les gens aiment Michael, l'aiment dans le sens où je voulais qu'ils le voient, le comprennent, lui et son dilemme, sans leur demander de s'identifier à lui." D'ailleurs c'est aussi dans ce sens que Puzo demanda à Coppola de faire tuer Fredo/Cazale après la mort de la mère et pas avant. Malgré le travail impressionnant des acteurs, on notera une petite incohérence dans le récit, en effet, le film se déroule en deux histoires en parallèle, avec Vito jeune/De Niro entre 1901 et les années 20, puis Michael/Pacino à la fin des années 50. Mais il est précisé que Vito a 8 ans en 1901, donc seulement entre 53 ans et 63 ans dans le film "Le Parrain" (1972) alors qu'il en paraît largement plus. Un détail mais gênant, alors qu'il suffisait d'en faire plutôt un jeune ado pour 1901. En tous cas le film débute avec les origines de 1901, l'immersion dans la Sicile sèche et pauvre est parfaite et s'impose d'emblée dans l'iconographie et le mythe du Parrain. La vendetta s'inscrit aussitôt dans les gênes de la famille. Pour la période 1958-1959 on pourrait sans doute chipoter aussi sur la posture de Michael Corleone, seulement 38 ans et on se souvient qu'il était encore "timoré" à la mort de son père seulement trois ans auparavant, son changement est un peu trop brusque et définitif. Dans la suite du récit, sa "mise à l'ombre" est tout aussi trop grossière et peu discrète et donc peu crédible vis à vis des ennemis. Ce sont des ressentis, sans sévérité, mais qui font que cette suite est un léger cran en-deçà de la perfection de l'original.
La période Vito est la plus passionnante, la reconstitution historique est bluffante, le V.O. apporte une authenticité certaine avec le dialecte sicilien et l'italien, on peut juste être insatisfait de madame Corleone qui est complètement sous-exploitée voir même occultée alors qu'au départ on imagine mal qu'elle soit si effacée. La période Michael reste prenante et efficace, grâce surtout à l'utilisation géo-politique et la reprise des grandes évolutions de la mafia américaine, reprenant à son compte la création et l'essor de Las Vegas comme les conséquences de la révolution cubaine. Et enfin on savoure la superbe séquence finale qui se déroule à une troisième époque, comme une mise en abîme intime et réconfortante où l'idée géniale (même si c'est surtout dû à un refus de Brando !) de ne pas faire apparaître Vito Corleone car comme Coppola s'en satisfaisait, son absence accentuait la fantasmagorie autour du Parrain originel. La force de cet opus est un scénario d'une précision étonnante qui suit l'évolution en parallèle du père et de son fils à deux époques distinctes. Michael joué par Pacino qui prend en main la Famille et doit apprendre à devenir le Parrain qu'ils se doit d'être avec, par des flash-backs, Don Corleone jeune joué par De Niro qui commence comme simple ouvrier immigrant italien et qui gravit petit à petit les échelons. Le plus intéressant est que Don Corleone jeune est tout aussi impitoyable que Michael. Don Corleone deviendra plus sage avec l'âge ; en sera-t-il autant pour Michael ? Une oeuvre riche et foisonnante, qui nous plonge encore plus dans le système familial Corleone en jouxtant les deux époques. Grand film.
Note :
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