Après des films remarqués comme "Leto" (2018), "La Femme de Tchaïkovski" (2022) ou "Limonov, la Ballade" (2024) le réalisateur-scénariste russe Kirill Serebrennikov a cherché un projet en réaction à une forme de négationnisme dont il a été témoin, à savoir qu'il a rencontré des personnes qualifiées, des intellectuels qui remettaient pourtant en question l'existence de la Shoah. Après ce constat, le cinéaste a porté son choix sur le destin hors norme du médecin tortionnaire nazi Josef Mengele (Tout savoir ICI !) en adaptant le livre éponyme (2017) de Olivier Guez, Prix Renaudot 2017. Le réalisateur-scénariste a tout de même fait relire son scénario à l'auteur du livre afin de valider le projet. Le cinéaste a construit son récit avec une mise en abyme dans le dernier tiers du film, il s'est inspiré du roman "Les Bienveillantes" (2006 - Prix Goncourt) de Jonathan Littell sur les mémoires d'un personnage fictif, un nazi ayant participé aux massacres nazis. Rappelons que le seul film valable sur le monstre de Auschwitz reste "Ces Garçons qui venaient du Brésil" (1978) de Franklin J. Schaffner, et ce même si le film reste une fiction fantastique... Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Josef Mengele, médecin nazi du camp de Auschwitz, parvient à s'enfuir en Amérique du Sud pour refaire sa vie. De l'Argentine au Brésil en passant par le Paraguay, celui qui a été baptisé "L'Ange de la Mort" va organisersa méthodique disparition pour échapper à toute forme de procès...
Mengele dit "L'Ange de la Mort" est incarné par August Diehl vu dans "Inglourious Basterds" (2009) de Quentin Tarantino, "Une Vie Cachée" (2019) de Terrence Malick ou "L'Espion de Dieu" (2024) de Todd Komarnicki, il retrouve après "Stalingrad" (2013) de Fiodor Bondartchouk son partenaire Christoph Gawenda vu dernièrement dans "Ladybitch" (2023) de Paula Knüpling, il retrouve aussi après la série TV "Bauhaus - un Temps Nouveau" (2019) l'acteur Sven Schelker apparu dans le film "Bruno Manser - la Voix de la Forêt Tropicale" (2019) de Niklaus Helber, citons ensuite Burghart Klaubner vu dans "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke ou "La Révolution Silencieuse" (2018) de Lars Kraume et retrouve après "The Reader" (2008) de Stephen Daldry l'actrice Friederike Bechet aperçue dans "Hannah Arendt" (2013) de Margarethe Von Trotta, David Ruland apparu dans "Berlin Boys" (2023) de David Wnendt, Dana Herfurth apparu dans "Universal Theory" (2024) de Timm Kröger, Johannes Hegemann apparu dans "Berlin Eté 42" (2025) de Andreas Dresen, Carlos Kaspar aperçu dans "Lucky Luke" (2009) de James Huth ou "El Amigo Aleman" (2012) de Jeanine Meerapfel, Heinz K. Krattiger vu dans "Les Colons" (2023) de Felipe Galvez Haberle et Antonia Girardi... Evidemment, le premier constat est ce choix du Noir et Blanc, légèrement plus granuleux et sépia que celui plus net et contrastant de "Le Ruban Blanc" (2009) de Michael Haneke ou de "The Artist" (2011) de Michael Hazanavicius par exemple. Mais il va y avoir des surprises, dont une qu'on peut situer en 1944 pas franchement très bonnes, ni judicieuses ni vraiment utiles... ATTENTION SPOILERS !... des passages en couleurs, dont une en version vidéo de vacances qui montrent de façon très crues et malsaines des séances d'expériences et tortures dans un labo de Auschwitz (qu'on suppose aisément), une scène longue et démonstrative qui arrive sans crier gare, qui semble complètement gratuites et qui s'avère franchement superflues car hors narration et que notre imagination nous travaille déjà aisément sur ces horreurs... FIN SPOILERS !... Des passages donc dommageables, qui font comme un segment hors ligne directrice qui s'organise déjà en chapitrage divisé en quatre époques mais dans une chronologie aléatoire entre elles. Ainsi il y a la période 1956-1959 en Argentine-Paraguay-Uruguay, celle qui est la plus résumé 1960-1974 au Brésil, une plus précise avec son fils en 1977 et l'épilogue en 1979. Outre ce long intermède couleur en 1944, On constate donc deux paramètres importants, d'abord qu'il existe de nombreuses périodes méconnues ce qui expliquent les ellipses (l'après-guerre) ou les résumés (fin des années 60), le film reste donc focalisé sur les périodes les plus connues historiquement parlant ce qui est un très bon point, puis il y a le chapitrage qui insinue que Josef Mengele avait constamment des faux papiers et des alias ce qui est par contre faux, le film arase donc la problématique inouïe que justement, Mengele utilisait la plupart du temps son véritable nom et qu'il était presque toujours constamment connu des autorités locales.
Si le scénario s'attache à reconstituer sa fuite et son quotidien de façon aussi réaliste et crédible, on apprécie aussi et surtout ce qui entoure le réseau d'entraide nazi, la partie authentique et logique du film est passionnante. Ensuite il y la côté plus subjectif, la dimension psychologique de Mengele qui se partage entre ce qu'on sait (son anti-sémitisme aveugle, ses certitudes sur l'eugénisme et ses expériences, le fait qu'il ne se remette jamais en question, son quotidien de plus en plus difficile en cavale...), puis ce qu'on ne peut que deviner ou imaginer ce que Serebrennikov n'hésite pas à faire mais de façon inégale, parfois trop laborieuse ou redondante. Ainsi le face à face avec son fils Rolf en 1977 est trop bavarde, trop rébarbative tandis que la partie où les vieux démons s'éveillent s'avère la seule à laquelle on ne croit pas ; en effet comment croire qu'un tel individu aussi abject puisse avoir une conscience capable même a minima de ça ?! N'oublions pas évidemment la performance de August Diehl qui s'efface complètement derrière ce personnage, l'acteur y trouve là sans aucun doute un de ses meilleurs rôles. Le film est donc inégal, parfois maladroit (1944 n'aurait pas dû être si frontal) mais historiquement le film reste d'une valeur certaine, avec un choix de mise en scène qui permet un parallèle qui se confond entre le monstre et l'homme. A voir.
Note :