Un simple accident

Par Dukefleed

Une Palme tout sauf accidentelle

Un des graals du cinéma mondial est l’obtention de la Palme d’Or à Cannes ; mais cela dépend tellement du jury que certaines sont plus que fades et certaines même des sorties de route. Il s’agit là seulement de la seconde Palme d’Or pour le cinéma iranien après « Le gout de la cerise » de Abbas Kiarostami. Avec Juliette Binoche en présidente du Jury et après l’injustice faite au cours des dernières années à de grands réalisateurs iraniens ; Roussolof (« Les graines du figuier sauvage »), Asghar Farhadi (« Un héro » et tant d’autres, mon cinéaste iranien contemporain préféré), Roustace (« Leila et ses frères ») ; Jafar Panahi était le chouchou de 2025 avant même que le festival ne démarre. Tout juste sortie de prison, il retourne dans les rues de Téhéran et dans la campagne pour tourner son film le plus frontal de sa filmographie. Souvent tourné dans la camionnette pour les scènes citadines ; il a l’art de tourner clandestinement, se mettant ainsi que ses équipes en danger.

Là, il conte l’histoire d’un garagiste dépannant un père de famille qu’il reconnait comme son bourreau durant ses années d’incarcération arbitraire. Il le kidnappe, compte se faire justice, mais veut être sûr que c’est bien le tortionnaire de la prison. Seul le grincement de sa prothèse de jambe lui permet de l’identifier. Petit à petit, en mode road movie, il part à la recherche d’autres victimes pour l’identifier avec certitude. Toute cette smala va constituer bien malgré elle une forme de tribunal populaire ; et s’aperçoit de fait comment il est difficile de rendre justice de manière la plus juste possible. Et c’est bien dans ce discours frontal que le film tient toutes ses promesses. Condamner ? Oublier ? Pardonner ? Se faire justice ? Comment dépasser la haine accumulée, traiter le traumatisme, sans répondre à la violence par la violence ? Panahi met donc en garde le régime des mollahs face à la révolte du peuple ; quel sort leur sera réservé lorsqu’ils tomberont après 45 ans de répression. A travers ce groupe de victime, c’est un beau portrait de la société iranienne montrant que tous les milieux sociaux sont concernés sans distinction de rang ou de statut. Comme chaque film iranien, c’est un pamphlet politique tout autant qu’un thriller ; une marque de fabrique pour bien faire ressentir la tension et la pression qu’exerce le régime sur son peuple ; même si là, elle se joue à fond renversé. Les dialogues sont ciselés, les situations limpides ; on est moins dans le second degré que bien souvent dans ce cinéma ; les enjeux sont ici bien énoncés et clairs comme de l’eau de roche ; l’objectif est d’être percutant et il l’est. Jafar Panahi, et c’est aussi sa marque de fabrique, pour alléger l’atmosphère pesante, lorgne du côté de la farce. Quelques scènes d’une drôlerie absolue nous rappellent les belles années de la comédie italienne. Et le film se termine par un plan séquence glaçant qui nous laisse sans voix. Le mal est là, juste derrière toi. Tendez bien l’oreille !!!

Christophe Brangé : « Avec une maîtrise parfaite de sa mise en scène et de l’art du plan séquence, Jafar Panahi nous offre une réflexion exaltante sur l’âme humaine, sur ce qui différencie les bourreaux des victimes, sur la définition de la légalité quand rien ne semble plus légitime et que la corruption a gangrené tous les pans de la société. »

Une belle récompense pour un bon film 2025, qui représentera la France aux Oscars !!!

Sorti en 2025

Ma note: 17/20