Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola

La Paramount prévoit de porter à l'écran le best-seller du moment, "Le Parrain" (1969) de Mario Puzo que l'auteur adapte lui-même. Au départ la réalisation est proposée à plusieurs grand réalisateurs, et notamment à un certain Sergio Leone mais celui-ci refuse préférant signer son propre projet qui deviendra plus tard "Il était une fois en Amérique" (1984). La production choisit alors Francis Ford Coppola qui a déjà quelques films derrière lui, remarqué entre autre avec son dernier film "Les Gens de la Pluie" (1969) mais il est surtout auréolé de son Oscar du meilleur scénario pour "Patton" (1970) de Franklin J. Schaffner. Coppola et Puzo co-écrivent le scénario qui fait alors déjà grand bruit et amène les protestations de la Ligue Italo-Américaine des Droits Civils dirigée alors par Joseph Colombo, Parrain d'une des plus grandes familles mafieuses de New-York. Les menaces et les intimidations se font de plus en plus pressantes, le producteur Albert S. Ruddy surtout connu comme créateur de la série TV "Papa Schultz" (1965-1971), rencontre Colombo pour obtenir une entente où il est convenu que les termes "Mafia" et "Cosa Nostra" ne seront pas utilisé ni entendu dans le film. Coppola précise : "J'ai toujours pensé Le Parrain comme l'histoire d'un roi et de ses trois fils. Le plus âgé a reçu la passion et l'agressivité, le deuxième, sa douceur et ses gestes enfantins ; et le troisième, sa ruse et son calme. C'était dans mon intention de faire un film authentique sur des gangsters italiens, sur comment ils vivaient, comment ils se comportaient, la façon dont ils traitaient leurs familles, célébraient leurs rituels." Le projet est ambitieux malgré un budget de 7 millions de dollars, et réunit une équipe de haute volée, d'abord au scénario où le duo Coppola-Puzo fait appel à Robert Towne scénariste alors en vogue après "Bonnie and Clyde" (1967) de Arthur Penn et "Les Flics ne dorment pas la Nuit" (1972) de Richard Fleischer. Citons encore le directeur Photo Gordon Willis futur fidèle de Alan J. Pakula et Woody Allen, le chef Décorateur Dean Tavoularis remarqué sur "Bonnie and Clyde" (1967) et "Little Big Man" (1970) tous deux de Arthur Penn, la costumière Anna Hill Johnstone fidèle collaboratrice de Elia Kazan et Sydney Lumet, le maquilleur Dick Smith qui va devenir un ponte dans son domaine en confirmant avec "L'Exorciste" (1973) de William Friedkin, où encore le compositeur Nino Rota déjà un des plus grands grâce à ses B.O. pour Federico Fellini ou Luchino Visconti. Le film fait un succès mondial retentissant, devenant le premier film à passer la barre symbolique des 100 millions de dollars sur le sol américain our atteindre au total au box-office mondial de 269 millions. En prime le film reçoit les Oscars du Meilleur film, du meilleur scénario et du meilleur acteur pour Marlon Brando qui le refusera par militantisme amérindien. L'accueil critique et public est dithyrambique, le postérité confirmera le statut du film devant l'une des oeuvres les plus influentes du Septième Art avec entre autre la 2ème place des meilleurs films américains derrière "Citizen kane" (1941) de et avec Orson Welles dans le classement de l'American Film Institute (A.F.I.). Le film est à sa sortie classé R aux Etats-Unis soit interdit au moins de 17 ans non accompagné, et interdit au moins de 12 ans en France... 1945, à New-York, alors Don Vito Corleone marie sa fille, Sollozzo, Parrain de la famille Tattaglia lui propose une association dans le trafic de drogues mais le Parrain Corleone refuse ce qui ouvre la porte à une guerre entre clans. Les drames font que le fils cadet, Michael Corleone s'oblige en prendre de plus en plus part aux affaires familiales...

Le Parrain Don Vito Corleone devait être incarné par Laurence Olivier, mais finalement le producteur et Coppola ont imposé le monstre sacré Marlon Brando qui a accepté pour la première fois de passer des essais. La même année il est également remarqué pour "Le Dernier Tango à Paris" (1972) de Bernardo Bertolucci, il retrouve entre "La Poursuite Impitoyable" (1966) de Arthur Penn et "Apocalypse Now" (1979) de Coppola encore son partenaire Robert Duvall qui retrouve aussi entre "Les Gens de la Pluie" (1969) et "Tueur d'Elite" (1975) de Sam Peckinpah son partenaire James Caan alors en pleine ascension. Ces deux derniers sont les fils Corleone aux côtés aussi de John Cazale qui, outre "Le Parrain II" (1974) comme plusieurs autres acteurs, retrouvera Coppola et Robert Duvall dans "Conversation Secrète" (1974) puis retrouvera le frère cadet alias Al Pacino dans "Un Après-Midi de Chien" (1975) de Sydney Lumet. A l'exception des Brando et Caan plusieurs personnages et acteurs se retrouveront avec Pacino dans "Le Parrain II" (1974) et certain dans "Le Parrain III" (1991) dont Abe Vigoda qui était à l'affiche avec son camarade Richard S. Castellano du film français "Trois Chambres à Manhattan" (1965) de Marcel Carné, Richard Bright qui était également avec Pacino dans "Panique à Needle Park" (1970) de Jerry Schatzberg, joue la même année dans "Guet-Apens" (1972) de Sam Peckinpah avec Al Lettieri dont la soeur était l'épouse d'un mafieux de la famille mafieuse Genovese, et surtout Bright jouera aussi dans "Il était une fois en Amérique" (1984), Diane Keaton qui va devenir la muse de Woddy Allen à partir de leur film "Tombe les Filles et Tais-Toi" (1972) de Herbert Ross, Gianni Russo qui retrouvera après la trilogie "Le Parrain" (1972-1991) Pacino pour "L'Enfer du Dimanche" (1999) de Oliver Stone, Talia Shire soeur du réalisateur qui sera surtout connue comme l'épouse de Syvester Stallone dans la saga "Rocky" (1976-1990) où elle retrouvera encore son partenaire Joe Spinell, la même année l'actrice joue aussi dans "Un Homme est Mort" (1972) de Jacques Deray avec Alex Rocco qui nne reviendra pas dans la trilogie "Le Parrain", à l'instar encore de Sterling Hayden star de "L'Ultime Razzia" (1956) et "Docteur Folamour" (1964) tous deux de Stanley Kubrick, John Marley vu dans "Faces" (1968) de John Cassavetes ou "Love Story" (1970) de Arthur Hiller, Richard Conte vu dans "Ceux de Cordura" (1959) de Robert Rossen ou "L'Inconnu de Las Vegas" (1960) de Lewis Milestone, Al Martino décir par certain comme "l'un des grands crooners pop italo-américain" qui incarne Johnny Fontane, Lenny Montana ex-catcheur devenu réellement homme de main de la famille mafieuse Colombo et qui fera encore l'acteur notamment dans "Mélodie pour un Tueur" (1978) de James Toback, Vito Scotti vu dans "Traquenard" (1958) de Nicholas Ray ou "Rio Conchos" (1964) de Gordon Douglas, Angelo Infanti vu la même année dans l'autre film mafieux "Cosa Nostra" (1972) de Terence Young, Rudy Bond qui retrouve Brando après ses débuts dans "Un Tramway nommé Désir" (1951) et "Sur les Quais" (1954) tous deux de Elia Kazan, Franco Citti acteur fétiche de Pier Palo Pasolini sur la plupart des ses films entre "Accatone" (1961) et "Les Mille et Une Nuits" (1974), puis enfin Saro Urzi surtout connu pour apparaître dans le saga "Don Camillo" (1952-1965) initié par Julien Duvivier... 

Le film d'une durée de près de 3h est une fresque à la fois moderne et baroque, qui est plus dans la lignée de "Le Guépard" (1963) de Visconti ou "Il était une fois dans l'Ouest" (1968) de Leone plutôt que dans celle des films mafieux habituels dont les contemporains "Cosa Nostra" (1972) déjà cité, le dyptique français  "Borsalino" (1970-1974) de Jacques Deray, "Mean Streets" (1973) de Martin Scorcese ou encore la trilogie italienne "Milan Calibre 9" (1972), "L'Empire du Crime" (1972) et "Le Boss" (1973) de Fernando Di Leo. En effet Coppola s'éloigne du film d'action pour créer une fresque dantesque, à l'ampleur et à la densité inédite sur le sujet, puis il insiste sur quelques paramètres précis pour instaurer une authenticité autour du mythe mafieux. Par exemple le dialecte sicilien entendu est le vrai dialecte du village de Corleone en Sicile, où encore la tête de cheval est une véritable tête acquise dans un abattoir, où l'assassinat  de Moe Greene/Rocco d'une balle dans l'oeil est en référence directe au véritable assassinat du Parrain Bugsy Siegel.

Malgré tout, le réalisateur a su laisser des libertés à ses acteurs permettant des improvisations particulièrement inspirées, on notera surtout le stress de Luca Brasi/Montana avant d'être présenté à Don Vito Corleone alors qu'il était vraiment anxieux à l'idée de donner la réplique à Marlon Brando, Sonny/Caan qui casse l'appareil photo du journaliste dont la peur soudaine est non feinte, ou encore la réplique "Laisse le flingue, prends les cannelloni". Les personnages sont travaillés comme dans une pièce de Shakespeare et l'excellent casting ne fait que consolider le tout. C'est d'abord l'histoire d'une famille soudée, qui tente de vivre avec des valeurs, certes discutables, mais qui sont les siennes dans un monde en constante évolution. La violence est y est présente aussi bien bien dans sa forme la plus directe que dans sa forme plus fortuite (relation avec les femmes). La mafia montré et monté comme un film politique. Toute famille a sa structure et Coppola nous plonge dans l'une des plus fascinantes. La déchéance du parrain laisse place à l'ascencion du fils, à la volonté et à l'ambition insoupçonnées. Le tout est entrecoupé de scènes marquantes, voire icôniques qui sont à chaque fois un tournant dans le récit et l'évolution de l'intrigue. Le meurtre du fidèle Luca Brasi/Montana, l'exécution assumé par Michael/Pacino, l'exil en Sicile, le meurtre de Sonny/Caan et cette conclusion qui sonne autant comme une victoire que comme une fatalité. Une fresque grandiose qui va encore s'étoffer. Chef d'oeuvre !

Note :  

Parrain (1972) Francis Ford CoppolaParrain (1972) Francis Ford CoppolaParrain (1972) Francis Ford CoppolaParrain (1972) Francis Ford Coppola

20/20