Portrait de la Roumanie juste avant la chute de Ceausescu
Ce premier film du roumain Bogdan Muresanu a fait le tour des festivals et n’en est pas rentré bredouille. Dans ce récit haletant où tragique se mêle à un humour noir savoureux, dans une forme chorale, il conte la vie de six personnages dans les quatre jours précédant la chute de Ceausescu. Comme « Good bye Lenine » est le film qui incarne la chute du régime est allemand, celui-ci pourrait bien être le chainon manquant de la révolution roumaine.
Plongé dans ce moment où une dictature vacille, prête à s’effondrer ; nous, spectateurs, connaissons l’issue imminente a contrario du peuple ; le spectateur, sachant, est placé devant ce moment crucial de l’histoire roumaine avec beaucoup d’intelligence. Traité sous forme de farce, c’est truculent et absurde. Deux scènes vont rester graver longtemps dans ma mémoire comme de grand moment d’écriture : l’actrice prête à tout pour éviter de chanter les éloges du dictateur pour la télé nationale ; et la lettre du père Noël du petit, une lettre sous forme de bombe.
Ce film dit au combien une dictature s’immisce dans chaque interstice du quotidien de ces six personnages et infuse le privé, le professionnel et l’intime. Il raconte de manière très précise et chirurgicale tous les aspects d’une vie sous la dictature. Porté par un gros travail sur l’esthétisme ; l’image, le son et la musique ; puis le montage alterné montre bien que toutes ces existences sont imbriquées. Par contre la mise en scène reste assez académique. Muresanu a voulu reproduire l’image de l’époque ; donc on est en 4 :3 jusqu’au final passant en 16 :9, symbole d’enfermement dans un premier temps et de liberté et d’ouverture des horizons dans son final. Cependant, j’ai eu beaucoup de mal avec le grain d’un autre temps, la colorisation en vue de coller à une époque, et pire que tout, cette caméra épaule souvent tremblotantes aux cadres approximatifs. Musicalement, le film se termine par le « Boléro » de Ravel, classique qui a inspiré le metteur en scène. Et c’est vrai que lorsque le célèbre morceau arrive dans les 20 dernières minutes ; c’est une révélation, la structure du film est construite comme un crescendo orchestral et livre un vrai feu d’artifice final.
Dans un film choral, quelques histoires prennent toujours le dessus ; dans cette cocotte-minute prérévolutionnaire, sans conteste, le personnage de l’actrice est le plus ample et le plus intéressant.
Un vrai bon moment qui met l’accent sur la difficulté de se soustraire de ceux qui sont à la botte des dictateurs en place.
Sorti en 2025
Ma note: 16/20