Summer of Sam (1999) de Spike Lee

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Devenu un ponte du cinéma, et surtout du cinéma afro-américain avec des films comme "Jungle Fever" (1991), "Malcolm X" (1992) ou "He Got Game" (1998), Spike Lee surprend son monde avec ce projet qui s'éloigne (enfin) de l'unique communauté afro-américaine comme il l'explique lui-même : "Summer of Sam évoque l'été 77 tel que les New-Yorkais l'ont vécu. Un été si chaud qu'il a entraîné une gigantesque panne d'électricité qui, elle-même, a entraîné le pillage des magasins (...). A cette époque, les Yankees volaient de victoire en victoire (...). 1977, c'était aussi le premier été du disco. La musique punk marchait fort aussi. Il existait alors des endroits comme le Studio 54 et le Plato's Retreat qui synthétisait tout ce qui se passait alors. Vraiment, de quoi nourrir une histoire géniale." Le producteur-réalisateur-scénariste co-signe son scénario avec deux acteurs qui se sont rencontrés sur le chef d'oeuvre "Les Affranchis" (1990) de Martin Scorcese, Michael Imperioli, également co-producteur, qui a joué dans quasi tous les premiers films de Spike Lee et Victor Colicchio qui retrouvera Spike Lee plus tard et notamment pour "BlacKkKlansman" (2018). Les auteurs ont choisi comme ligne directrice l'affaire David Berkowitz (Tout savoir ICI !) et se focalise sur le quartier du Bronx. En tous cas, la réussite du film a démontré à Spike Lee qu'il n'y avait pas que sa communauté afro-américaine à New-York ni ailleurs, et signera d'ailleurs ses meilleurs films hors de cette communauté avec les futurs "La 25ème Heure" (2002) et "Inside Man" (2006). Film interdit au moins de 12 ans... New-York, été 1977, sous une canicule historique le Bronx vit sous la psychose d'un tueur en série baptisé "Fils de Sam". Dans le même temps, dans le quartier italien, le disco est au centre de la relation entre Vinny et Dionna, tandis que leur ami Richie est devenu un punk entraînant bientôt Ruby dont il tombe amoureux. Leur bande rejette Richie dont il ne comprenne ni la musique ni le look, et quand ils apprennent son mode de vie la parano s'installe tandis que la mafia organise la traque contre le "Fils de Sam"... 

Au départ, c'est le personnage de Richie qui devait être l'unique rôle principal, mais la performance en improvisation de John Leguizamo ayant impressionné le réalisateur le personnage de Vinny est devenu le premier rôle. Ainsi Vinny est incarné par John Leguizamo vu dans "L'Impasse" (1993) de Brian De Palma ou "Roméo + Juliette" (1996) de Baz Luhrmann et retrouvera Spike Lee dans "Miracle à Santa Anna" (2007), son épouse est jouée par Mira Sorvino (fille de Paul Sorvino) alors en pleine ascension après "Maudite Aphrodite" (1995) de et avec Woody Allen, "Mimic" (1997) de Guillermo Del Toro ou "Lulu on the Bridge" (1998) de Paul Auster. Son ami punk Richie est interprété par Adrien Brody également en plein boom après "La Ligne Rouge" (1998) de Terrence Malick et "Liberty Heights" (1999) de Barry Levinson puis Ruby est jouée par Jennifer Esposito aperçue dans "Quitte ou Double" (1998) de Edward Burns et "Souviens-toi... l'Eté Dernier 2" (1998) de Danny Cannon et retrouvera Spike Lee aussitôt après dans "He Got game" (2000), elle retrouvera dans "Collision" (2005) de Paul Haggis l'acteur Ken Garito vu chez Spike Lee dans "Clockers" (1995) et plus tard dans "BlacKkKlansman" (2018) à l'instar du scénariste Victor Colicchio qui s'offre un petit rôle (le gérant de la cafeteria) et retrouve son camarade Michael Imperioli qui retrouvent aussi Mike Starr qui était dans "Les Affranchis" (1990) et dans "Clockers" (1995), et retrouve après "Snake Eyes" (1998) de Brian de Palma son partenaire Michael Rispoli vu à la même période dans "Les Joueurs" (1998) de John Dahl. Citons ensuite Joe Lisi vu dans "Kiss of Death" (1995) de Barbet Schroeder et qui retrouvera Jennifer Esposito dans "New-York Taxi" (2004) de Tim Story, Bebe Neuwirth aperçue dans "Jumanji" (1995) de Joe Johnston ou "The Faculty" (1998) de Robert Rodriguez et retrouve Victor Colicchio qu'il a croisé sur "Celebrity" (1998) de Woody Allen, Patti LuPone aperçu dans "Witness" (1985) de Peter Weir ou "Miss Daisy et son Chauffeur" (1989) de Bruce Beresford, Anthony LaPaglia vu dans "Le Client" (1994) de Joel Schumacher ou "Accords et Désaccords" (1999) de Woody Allen, Roger Guenveur Smith acteur fidèle de Spike Lee sur plusieurs films entre "School Daze" (1988) et "He Got Game" (1998), Peter Maloney apparu dans JFK" (1991) de Oliver Stone ou "La Chasse aux Sorcières" (1996) de Nicholas Hytner, John Savage vu dans "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) de Michael Cimino ou "Salvador" (1986) de Oliver Stone et qui retrouve Spike Lee après "Do the Right Thing" (1989) puis Adrien Brody après "La Ligne Rouge" (1998), puis n'oublions pas la caméo de Spike Lee en journaliste, le Parrain incarné par Ben Gazzara acteur fétiche de John Cassavetes alors dans un sursaut de carrière après entre autre "Buffalo 66" (1998) de et avec Vincent Gallo et "The Big Lebowski" (1998) des frères Coen, et enfin n'oublions le "Fils de Sam" incarné par Michael Badalucco apparu dans "Raging Bull" (1980) de Martin Scorcese ou "Miller's Crossing" (1990) des frères Coen et déjà vu chez Spike Lee dans "Jungle Fever" (1991) et "Clockers" (1995)...

La musique est signée de Terence Blanchard fidèle compositeur de Spike Lee depuis "Jungle Fever" (1991), mais faut avouer que ce n'est pas sa musique qu'on retient mais la B.O. additionnelle qui mixe les tubes de l'époque et surtout qui montre le décalage entre disco et punk et on retient surtout les tubes du groupe The Who qui rythme le film tout le long du film et imprime cette rage ambiante. Le début du film nous renvoie à "La Fièvre du Samedi Soir" (1977) de John Badham mais on a aussi un passage qui nous renverrai plus à "La Chasse - Cruising" (1980) de William Freidkin, deux mondes de la nuit pourtant si différents et qui vont exacerber la peur de l'autre.

Et c'est vrai que le contexte de l'été 1977 n'est pas anodin, la canicule record, les préjugés raciaux sont encore une cicatrice béante, et l'intolérance va jusqu'aux styles musicaux et modes de vie, sans compter la mort du King Elvis seulement quelques jours après l'arrestation du "Fils de Sam", ainsi la bêtise humaine n'attend qu'à exploser entre le soleil qui tape fort et la paranoïa autour du "Fils de Sam". Spike Lee a l'intelligence pour une fois d'éviter tout manichéïsme sans pour autant occulter ses thèmes de prédilection comme l'amitié, la tolérance, les tensions sociales et/ou communautaires (qui sont ici pas que raciales), l'étude des moeurs... etc... Rarement on aura vu un scénario aussi dense dans ses rebondissements et dans les sujets abordés et être aussi solide, lucide et cohérent. On aime aussi les intermèdes symboliques ("Faites taire ce chien !", le journaliste dans les émeutes) entre les différents niveaux de lecture, et on aime le réalisme de ces quelques jours racontés qui jouent aussi avec les faits avérés ou supposés (la police qui demande l'aide de la mafia, on pense soudain à "M le maudit" en 1931 de Fritz Lang !). Un très grand film.

Note :                 

19/20