De Jafar Panahi
Avec Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi
Chronique : Ce qui impressionne dans Un Simple Accident, c’est l’acuité de sa mise en scène et la limpidité de son propos. Tout ce que filme Jafar Panahi est utile, essentielle même, pour faire progresser le récit, développer les personnages et augmenter l’intensité dramatique de ce thriller moral imparable. Formellement, c’est de la dentelle. Le montage est d’une rare fluidité et met en valeur l’ambition créative de son réalisateur. Elle s’exprime notamment lors de longs plans séquences impressionnants, dont les deux derniers vous scotchent à votre siège, sidérants chacun à sa manière, l’un bouillonnant, l’autre quasi-mutique.
Panahi aime aussi fixer sa caméra, quitte à ce que le jeu déborde du cadre, donnant une grande importance au hors-champ. Ce parti pris stylistique lui permet d’insister sur ce qu’il veut montrer, de mettre l’accent sur ce qu’il souhaite transmettre. Il permet aussi de souligner les performances magistrales de ses acteurs, prodigieux d’aisance, de force et de naturel alors qu’ils ont dû tourner dans la clandestinité.
Ce dispositif sert le sujet et le propos du film en accompagnant la quête (l’enquête ?) de Vahid.
L’homme tombé en panne à côté de chez lui est-il son bourreau, celui qui l’a torturé dans les geôles iraniennes ? Sa démarche et le son de sa prothèse semblent le confirmer, mais pris d’un doute après l’avoir assommé (il n’a jamais vu son visage), Vahid va chercher validation auprès d’autres victimes de « la guibole ». La dynamique qui s’installe alors entre ces personnages eux insuffle le rythme au film, les dialogues sont à la fois violents et teintés d’autodérision, souvent même d’humour.
Car le ton est au départ un peu badin, presque léger, avant de progressivement prendre un tour plus sombre alors que le suspense s’intensifie et que le dilemme moral prend de plus en plus de place. Doit-on se faire justice soit même, répondre œil pour œil, dent pour dent à ses tortionnaires lorsqu’on a été injustement emprisonné ? Ou est-on en capacité de pardonner ? Cette question éthique traverse le film de Jafar Panahi en fil rouge, tout comme le constat social et politique qu’il livre sur son pays, condamnant le régime des Mollah et défendant inlassablement la liberté d’expression au risque de se voir à nouveau enfermé.
Alliant le courage politique, la force de l’engagement, l’intelligence et l’excellence formelle, Un Simple Accident avait tout de la parfaite Palme d’Or cannoise. Le Jury ne s’y est pas trompé.
Synopsis : Iran, de nos jours. Un homme croise par hasard celui qu’il croit être son ancien tortionnaire. Mais face à ce père de famille qui nie farouchement avoir été son bourreau, le doute s’installe.