Les trois jours du crabe
Nino, 28 ans, apprend brutalement lors d’un RV à l’hôpital qu’il est atteint d’un cancer du larynx. Nous sommes vendredi après-midi, la chimio démarre dès lundi. L’oncologue lui fixe deux missions dans le délai qui le sépare du début de son traitement : prévenir un de ses proches pour venir au RV du lundi accompagné ; faire un prélèvement de sperme en cas d’infertilité suite au traitement. Sonné, ce célibataire va errer dans Paris durant près de 72 heures, allant de rencontres en rencontres toutes plus riches les unes que les autres pour cet homme doux et rêveur : son ex, sa mère, son meilleur pote, une ancienne camarade de classe, un homme décalé aux Bains douches,… Autant de rencontres, dans ce moment critique qui vont l’obliger à renouer les fils décousus de son existence pour lui permettre de se préparer à affronter les rudes épreuves qui l’attendent. Rares sont les films qui se concentrent ainsi sur les quelques journées en apesanteur entre le coup de massue de la nouvelle et le début du combat. Pauline Loquès, pour son premier long métrage, et un des meilleurs premiers films de 2025, écrit un scénario riche et sans fausse note ni pathos, incarné car biographique ; en atteste la dédicace finale à son ami Romain décédé. Mais là pas de drame, ce récit d’errance est poignant tout autant qu’il est ponctué de moments joyeux voire désopilants parfois car faite de rencontres incongrues voire rocambolesques. Elle porte un regard plein de délicatesse et de sensibilité sur ce drame et en cela elle est aidée par l’interprétation de son premier rôle masculin, le québécois Thomas Pellerin. Cette immersion au plus profond de l’intimité de Nino est touchante car ce dernier nous émeut autant qu’il nous charme avec ses faux airs de Buster Keaton. Voilà un film dont on ne sort pas plomber par la dureté du propos, un film qui fait société et qui met la vie, la solidarité et l’amour au centre de l’existence. On sent Nino dans une forme d’urgence s’ouvrir à nouveau sur l’avenir ; quel paradoxe de se sentir aussi vivant que lorsque la vie s’apprête à vous jouer un sale tour !
Un sans faute sur un sujet si complexe. Un film taillé pour le César du Premier Long.
Sorti en 2025
Ma note: 17/20