Un citoyen se rebelle

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Artus Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Un citoyen se rebelle » d’Enzo G. Castellari.

« Je les retrouverai. Je les tuerai. Ils me le paieront. »

L’ingénieur Carlo Antonelli se fait passer à tabac par des voyous en tentant d’intervenir lors d’un braquage. Voyant que sa plainte a peu de chances d’aboutir, et que la Justice ne fait rien pour l’aider, il décide de retrouver lui-même ses agresseurs. Il infiltre alors le milieu et parvient à se faire aider par Tommy, une petite frappe.

« Si tu ne te défends pas toi-même, personne ne te défendra. »

Fils du réalisateur Marino Girolami et neveu du réalisateur Romolo Guerrieri, Enzo G. Castellari suit l’exemple de ses glorieux ainés et entame à son tour une carrière cinématographique. S’il s’impose rapidement comme l’un des solides artisans du cinéma bis italien, il apparait aussi comme un réalisateur opportuniste, qui s’essayera à tous les genres au gré des modes. Si son nom reste ainsi principalement associé au western spaghetti (« Je vais, je tire et je reviens », « Sept Winchester pour un massacre », « Quelques dollars pour Django » et, surtout, l’iconique « Keoma »), il est aussi celui dont le film de guerre « Une poignée de salopards » inspira à Quentin Tarantino son célèbre « Inglorious bastards ». Mais c’est dans le registre du poliziottesco – et plus largement du polar urbain et violent – qu’il s’épanouit sans doute le plus, signant des films solides comme « Le témoin à abattre » (1973), « Big racket » (1976) ou encore « Action immédiate » (1977). C’est à cette même période qu’il réalise « Un citoyen se rebelle » (1974), considéré comme l’un des meilleurs films de sa filmographie.

« Si tu veux être un homme libre, il faut savoir résister. Et si la loi est injuste, c’est ton devoir de désobéir. »

Réaction l’explosion de l’insécurité et de la violence urbaine ainsi qu’à l’impuissance des pouvoirs publics à la juguler, le polar des années 70 se passionne pour les thématiques de l’auto-défense et de l’auto-justice, communément appelé « vigilante movies ». Si en Amérique, cela donne lieu aux succès de « L’inspecteur Harry » et d’un « Justicier dans la ville », le genre connait un réel engouement en Italie avec des films comme « La mort remonte à hier soir » (Tessari, 1970), « La poursuite implacable » (Sollima, 1973) ou encore « Colère noire » (Di Leo, 1975). Pour sa première incursion dans le sous-genre du vigilante, Castellari reprend à son compte un postulat scénaristique classique, à savoir la confrontation d’un personnage ordinaire (ici un ingénieur issu de la petite bourgeoisie) face à une situation de violence et d’injustice extraordinaire (même si on nous fait explicitement comprendre qu’elle tend à se banaliser). Ce qui servira de point de départ à une croisade vengeresse, par laquelle le héros espère obtenir par ses propres moyens une justice que les pouvoirs publics ne sont pas en mesure de lui assurer. Tout cela aurait pu ne donner lieu qu’à un petit polar classique de plus. Mais Castellari parvient à transcender son sujet en lui donnant une patte particulière. Tout d’abord, avec son savoir-faire et sa cinéphilie (on le sait grand fan du cinéma de Peckinpah et cela se sent), il insuffle à son film une véritable énergie doublée d’une tension dramatique, ponctuée par de nombreuses scènes d’action, à l’image de l’ouverture du film, aussi géniale que violente. Ou encore cet affrontement final dans l’usine largement inspiré des codes du western. Surtout, à la différence de la plupart des films du genre, Castellari fait preuve d’une véritable subtilité dans la manière de traiter son sujet : non seulement en montrant véritablement le traumatisme du héros causé par cet évènement violent et le processus de rébellion qu’il génère, mais en réfutant une certaine forme de manichéisme à mesure que le récit avant et qu’il se trouve un allié en la personne d’un jeune truand, tendant ainsi questionner la morale de l’auto-justice en montrant la frontière ténue entre l’ordre et le chaos. « Un citoyen se rebelle » s’impose ainsi comme un film complet, étant tout à la fois un film spectaculaire et prenant et un questionnement moral nuancé et complexe. Un sommet du genre. 

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Le blu-ray : Le film est présenté en version intégrale dans un master restauré 2K et proposé en version originale italienne (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Rues barbares » : présentation du film par Curd Ridel (2022, 29 min.), d’un diaporama d’affiches ainsi que d’une bande-annonce originale.

Édité par Artus Films, « Un citoyen se rebelle » est disponible en blu-ray depuis le 6 mai 2025.

Le site Internet d’Artus Films est ici. Sa page Facebook est ici.