De Paul Thomas Anderson
Avec Leonardo DiCaprio, Benicio Del Toro, Teyana Taylor

Chronique : Thriller explosif mené tambour battant, Une Bataille après l’autre est un divertissement sophistiqué autant qu’une saillie incisive à l’encontre de l’Amérique trumpiste.
Mais plus que le brûlot politique, c’est le fait révolutionnaire qui intéresse le réalisateur. Son film débute d’ailleurs dans les années 2000, comme pour mieux affirmer que Trump est le symptôme, pas la maladie. Paul Thomas Anderson raconte en 30 minutes et sur un rythme effréné les actions du groupuscule French 75 et de son couple de leaders fiévreux et passionné. Sur ce court laps de temps, il expose leurs motivations, leur modus operandi, la dynamique de groupe mais aussi les dévoiements et le reniement des idéaux. Jusqu’à l’ultime trahison.
Le récit récupère ses personnages 16 ans plus tard. Rien n’a vraiment changé, si ce n’est que le fossé s’est encore creusé entre deux camps irréconciliables d’une Amérique plus polarisée que jamais. La révolution a désormais des airs de résistance. Et pour le coup, PT Anderson cible clairement Trump et ses troupes, en particulier les exactions et les intimidations des milices armées, répliques assez évidentes de la police fédéral de l’immigration (ICE). Certaines scènes pourraient paraitre grotesques et exagérées si la réalité de que ce qu’on voit sur les chaines infos américaines avec ces déploiements de militaires masqués n’était pas au moins aussi effrayante.
Voilà pour le contexte général. Le scénario lui, se concentre sur Bob, qui vit désormais à l’écart du monde sous une nouvelle identité avec sa fille Willa, à qui il a qui a caché son passé et l’histoire de sa mère. Lorsque le militaire qui avait coincé sa femme les retrouve, Bob et Willa doivent fuir au plus vite.
Ce pan de l’histoire, trépidant, est sans doute le plus satisfaisant. Il expose la dimension burlesque du personnage joué par DiCaprio, s’aventurant autant dans le loufoque que la satire. L’intrigue n’est pas outrageusement originale, elle enfonce même quelques portes ouvertes, mais peut se montrer audacieuse, comme dans la démythification en règle de la figure maternelle ou le détournement de certains codes (religieux, amicaux), certains personnages ne s’offusquant pas trop du principe de délation. PT Anderson maîtrise parfaitement sa mise en scène, sait filmer les courses-poursuites — parfois même avec inventivité (la scène finale, évidemment) — ou les fusillades, confirme son goût pour les grands espaces, et maintient un rythme soutenu tout du long grâce à un montage précis, appuyé par un choix musical très sûr. On ne s’ennuie pas.
Mais Une Bataille après l’Autre a beau être dense et habité, je suis à nouveau resté un peu trop à distance de la mécanique PTA (cette tendance à l’excès, au trop), pour y voir le chef-d’œuvre annoncé un peu partout. Le réalisateur créé souvent des personnages over the top qui incitent ses acteurs à en faire des caisses. Et un acteur moyen en roue libre, c’est souvent très fatigant (Paul Dano dans There will be blood, Adam Sandler dans Punch, Drunk Love ou Tom Cruise dans Magnolia). Au moins ici, il peut compter sur des acteurs qui apportent de la nuance à l’outrance. DiCaprio, évidemment, solide, joueur, parfois touchant, mais c’est surtout Sean Penn qui impressionne en suprématiste wanabee aussi glaçant que pathétique. Deux grandes performances, un peu grand-guignolesques, certes, mais suffisamment tenues pour éviter le cabotinage gratuit.
Oui, Une Bataille après l’autre reste un film de Paul Thomas Anderson, avec ce que cela suppose de maniérisme, de lyrisme contrôlé, de recherche de l’effet. Mais il est prenant, formellement généreux et accessible, et livre un sous-texte politique et satirique assez réjouissant.

Synopsis : Ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, Bob vit en marge de la société, avec sa fille Willa, indépendante et pleine de ressources. Quand son ennemi juré refait surface après 16 ans et que Willa disparaît, Bob remue ciel et terre pour la retrouver, affrontant pour la première fois les conséquences de son passé…