Un des monstres sacrés les plus connus et populaires de Hollywood, Kirk Douglas est dans les années 70 en déclin, d'abord parce que son premier film en tant que réalisateur, "Scalawag" (1973) a été un désastre financier et commercial, puis parce qu'il avait un projet qui sera finalement la première production de son film Michael Douglas avec "Vol Au-Dessu d'un Nid de Coucou" (1975) de Milos Forman dont il ne fera pas parti. Mais la star est aussi un producteur audacieux comme il a pu le prouver notamment et surtout par le message militant et politique comme avec "Les Sentiers de la Gloire" (1957) sur les exécutions sommaires durant 14-18 et "Spartacus" (1960) en engageant un certain Dalton Trumbo comme scénariste alors blacklisté sur fond de Maccarthysme, deux chefs d'oeuvre signé Stanley Kubrick. Pour ce nouveau projet il revient à un genre qu'il connaît bien, le western, mais en y injectant un message politique fort anti-politicien. Producteur via sa société Bryna Production, l'acteur réalise son second long métrage sur un scénario signé de Christopher Knopf qui a écrit entre autre "Le Diable dans la Peau" (1960) de George Sherman ou "L'Empereur du Nord" (1973) de Robert Aldrich, puis par William Roberts scénariste de "Les Sept Mercenaires" (1960) de John Sturges ou "Le Pont de Remagen" (1969) de John Guillermin. Le film est présenté au Festival de Berlin 1975 où la critique est plutôt bonne mais malheureusement le film va être un second échec cuisant auprès du public, ce qui détournera définitivement Kirk Douglas de la réalisation par la suite... 1892, au Texas, le shérif Howard Nightingale est bien décidé à devenir sénateur et pour se rendre populaire il mise tout sur la sécurité et forme pour se faire une brigade d'élite afin de capturer le hors-la-loi n°1 du moment, Jack Strawhorn. Tant bien que mal, ce dernier est enfin capturer et Nightingale peut triompher mais Strawhorn parvient à s'échapper et à kidnapper à son tour le shérif pour se venger de façon inattendue...
Le shérif Nightingale est incarné par Kirk Douglas lui-même, dont on peut citer les westerns précédents comme "La Captive aux Yeux Clairs" (1952) de Howard Hawks, "L'Homme qui n'a pas d'Etoile" (1955) de King Vidor ou "Le Reptile" (1970) de J.L.Mankiewicz, sans oublier le plus commun "La Caravane de Feu" (1967) de Burt Kennedy après lequel il retrouve son partenaire et antagoniste Bruce Dern vu au far-west également dans "Pendez-Les Haut et Court" (1968) de Ted Post ou "Les Cowboys" (1972) de Mark Rydell et retrouve aussi après "Will Penny, le Solitaire" (1968) de Tom Gries l'acteur Luke Askew remarqué dans "Easy Rider" (1969) de et avec Dennis Hopper ou "Pat Garrett et Billy the Kid" (1973) de Sam Peckinpah, puis retrouve également après "Tueur de Filles" (1969) de James Neilson l'acteur James Stacy apparu dans "Sayonara" (1957) de Joshua Logan ou "C'est la Guerre" (1958) de William A. Wellman, qui était réellement amputé de deux membres après un accident deux ans auparavant (ce qui ne l'empêchera pas d'être condamné pour le viol d'une fillette des années plus tard), citons encore Bo Hopkins qui retrouve son scénariste de "Le Pont de Remagen" (1969), mais surtout acteur fétiche de Sam Peckinpah sur "La Horde Sauvage" (1969), "Guet-Apens" (1972) et "Tueur d'Elite" (1975) retrouvant après le premier Alfonso Arau vu dans "El Topo" (1970) de Alejandro Jodorowski, David Canary remarqué dans "Hombre" (1957) de Martin Ritt et "L'Affaire Al Capone" (1967) de Roger Corman, Dick O'Neill vu juste avant dans "Les Pirates du Métro" (1974) de Joseph Sargent et "Spéciale Première" (1974) de Billy Wilder, puis enfin n'oublions pas l'unique atout charme Beth Brickell surtout aperçue à la télévision et qui va devenir productrice-réalisatrice-scénariste de ses films juste après avec "Little Boy Blue" (1975), "A Rainy Day" (1978), "Summer's End" (1984) et "To Tell the Truth" (1987)... Notons que la musique est signée du grand Maurice Jarre qui signe la même année les autres B.O. de "Mandingo" (1975) de Richard Fleischer et "L'Homme qui voulut être Roi" (1975) de John Huston, qui s'avère une première déception pourtant, la musique du compositeur s'avère sous-exploitée et passe inaperçue. En bon démocrate militant qu'il est Kirk Douglas s'offre un rôle de tout son contraire en incarnant un ambitieux cynique et aussi légèrement égocentrique, prêt à tout ou presque pour capturer ce qu'il considère son ticket pour le Sénat. Le shérif/Douglas est entouré d'une troupe d'élite, quelques gueules patibulaires comme rangers du Texas (Canary et Askew en premier lieu) loyaux et professionnels. A contrario, l'atout charme Beth Brickell est très sous-exploitée mais surtout, Bruce Dern, bien qu'impeccable manque un peu de présence à l'image ne pouvant tenir la dragée à Kirk Douglas d'autant plus que son personnage est bien moins travaillé que celui du Shérif.
En effet, Strawhorn reste un hors-la-loi classique, sans envergure bien que leader, pas aidé par une tenue en jean sans personnalité comme sortit tout droit d'une étagère Levi's ou Lee Cooper, mais on savoure sa vengeance tout en manipulation malicieuse et culottée, tandis que le Shérif est un leader respecté riche, mais surtout bouffé autant par son ambition que par son égo jusqu'à cette fin où l'ironie cinglante n'a d'égal que la chute pathétique du politique, il faut voir Nightingale/Douglas s'humilier en public pour tenter de retourner la situation ; une séquence qui paraît alors a contrario d'une autre scène où le politique séducteur désire avant tout le vote d'une femme plutôt que pour son coeur ou son corps. Le message est résolument moderne et la portée toujours d'actualité. Malheureusement le film reste dans une dimension de western classique, la faute à une mise en scène sans panache, trop scolaire qui ne permet pas au film d'accentuer une tension ou d'ajouter un peu de souffle sans compter quelques passages réalisée maladroitement comme l'arrestation un peu facile ou la traversée d'une vitre dans un train. En conclusion, un western comme un pamphlet anti-politicien aux dents longues et/ou opportunistes qui a le mérite de la singularité et c'est déjà pas mal même si le fond prend nettement le pas sur la forme. Un film qui mérite qu'on s'y attarde.
Note :