Une Bataille après l'Autre (2025) de Paul Thomas Anderson

1àème long métrage pour l'un des 4-5 plus grands réalisateurs américains de ces 30 dernières années avec quelques grands films comme "Boogie Nights" (1997), son chef d'oeuvre "There Will Be Blood" (2007) ou le récent "Licorice Pizza" (2021). Il adapte très librement de son propre aveu le roman "Vineland" (1990) de Thomas Pynchon dont il avait déjà porté à l'écran un des romans avec "Inherent Vice" (2014). Le Producteur-réalisateur-scénariste-Directeur Photo assume n'avoir gardé que le "squelette narratif" pour en faire ce que la star du film qualifie de "fable politique mais avec l'énergie d'un cartoon" ; d'ailleurs cette star, Leonardo Di Caprio a failli déjà tourné avec le réalisateur pour "Boogie Nights" mais l'acteur déclina alors pour "Titanic" (1997) de James Cameron. Cette fois l'acteur a aussi permis au cinéaste d'obtenir un budget record pour lui, pour la première fois son budget atteint les 140 millions de dollars soit près de trois fois plus que son précédent. Un budget permis grâce au statut bankable de Di Caprio, et nécessaire aussi parce que le cinéaste a voulu tourné en caméra Vistavision, format créé dans les années 50 qui permet une netteté idéal pour le Imax, mais en pellicule et donc très onéreux, caméra comme le développement qui suit. On devine que la Warner, derrière le film, a dû en profiter pour faire raccourcir le film, car après un premier montage de 3h le cinéaste a accepté de raccourcir de plus de 20mn alors qu'il est connu pour avoir le director's cut et être intransigeant à ce sujet. L'effort au budget de la Warner a semble-t-il été déterminant et Paul Thomas Anderson semble lui avoir favorisé les choix techniques... 

Ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, Bob vit en large de la société avec sa fille Willa, indépendante et pleine de ressource. Quand son ennemi juré refait surface après 16 ans et Willa disparaît dans le même temps, Bob remue ciel et terre pour la retrouver, affrontant pour la première fois les conséquences de son passé... Bob est donc incarné par la star Leonardo Di Caprio qui semble choisir ses projets avec plus de parcimonie qu'auparavant, il s'agit en effet seulement de son 5ème film en dix ans aès "The Revenant" (2015) de Alejandro Gonzales Inarritu, "Once Upon a Time in Hollywood" (2019) de Quentin Tarantino, "Don't Look Up" (2021) de Adam McKay et "Killers of the Flower Moon" (2023) de Martin Scorcese. Citons ensuite Benicio Del Toro qui retrouve son réalisateur après "Inherent Vice" (2014), puis retrouve après "The Indian Runner" (1991), "The Pledge" (2001) et "21 Grams" (2003) de Alejandro Gonzales Inarritu son partenaire Sean Penn qui retrouve aussi le réalisateur comme l'actrice Alana Haïm après "Licorice Pizza" (2021), Penn retrouve aussi après son film "Flag Day" (2021) l'actrice Regina Hall qui a fait du chemin depuis ses débuts dans la franchise "Scary Movie" (2000-2006) initiée par Keenen Ivory Wayans. Citons encore Teyana Taylor aperçue dans "Un Prince à New-York 2" (2020) de Craig Brewer ou "Le Livre de Clarence" (2024) de Jeymes Samuel, Wood Harris qui retrouve Di Caprio après "Celibrity" (1998) de Woody Allen et vu dernièrement surtout dans la trilogie "Creed" (2015-2023) initié par Ryan Coogler, puis en fin n'oublions pas la fille disparue jouée par Chase Infiniti révélée dans la série TV "Présumé Innocent" (2024)... Un groupe de terroriste marxo-anarchiste lutte pour les plus défavorisés contre un système qui se polarise de plus en plus, comme si on était dans aux Etats-Unis dans un futur très proche, style Donald Trump réélu 2-3 fois pour être aux portes d'un monde pré-apocalyptique. Une dystopie se profile à l'horizon mais on y est pas encore, on est aux portes de la dictature où les suprémacistes blancs seraient en train de biaiser les chances dans l'ombre tandis que les membres du French 75 n'ont rien d'un groupuscule limité et/ou amateurs mais sont bel et bien une organisation structurée qui aurait presque les moyens de ses ambitions. En parallèle, les deux organisations antagonistes sont pourtant parasiter par les mêmes soucis, avec leurs parias, leurs extrêmes intra-communautaires... etc... Le récit se déroule sur seize ans, ou plutôt une première partie (entre un quart et un tiers du film environ) se déroule il y a seize ans, le groupe French 75 connaît un revers et un événement qui change tout. Une première partie révolutionnaire façon pot de terre contre pot de fer comme débute toutes les révolutions. Ceux qui paraissent fort-e-s ne le sont pas forcément, la lutte sera de toute façon de longue haleine.

Puis la seconde partie s'ouvre après une ellipse de seize ans, on connaît les tenants et aboutissants, mais un père est passé de révolutionnaire aux aguets à paranoïaque endormi, les affres du passé refont surface brutalement à cause d'une ambition où le pouvoir et le reconnaissance des pairs dépasse toutes les autres envies ou émotions. Le scénario est génial, dans les grandes lignes reprend un canevas logique mais parsemé d'idées, de trouvailles, de rebondissements qui valent surtout par leur détail, notamment et surtout au niveau du jeu des acteurs en état de grâce. Leonardo Di Caprio évidemment, qui s'est entraîné intensivement ce qui a dû lui rappeler à moindre mesure son apprentissage pour "The Revenant" (2016), Sean Penn en militaire de carrière aussi stricte qu'implacable comme sa balai dans le c.. littéralement mais dont les tics et le regard dévoilent bien des émotions complexes et ambigües cachées, la mère révolutionnaire est jouée par une Teyana Taylor guerrière, tigresse aussi mais finalement avec des failles plutôt inattendues, puis la révélation du film, Chase Infiniti qu'on reverra assurément. Le film dénonce logiquement le pouvoir contre les pauvres gens, comme toujours même si on évite pas clichés et manichéïsme facile et démago, mais ça fonctionne, les révolutionnaires sont ici sincères et plein d'espérance bien aidés par la performance de ses interprètes, tandis que la bêtise primaire des nantis du white power est assez pathétique pour être presque risible. Le personnage de Di Caprio, apporte une fantaisie bien venue, même si évidemment la drogue et l'alcool ce n'est pas bien, au risque de perdre sa fille justement. Paul Thomas Anderson signe un thriller paranoïaque rythmé, efficace de bout en bout, avec une mise en scène créative (magnifique course poursuite dans le désert), qui allie tragédie et action avec des instants plus décalés (incroyable sang froid du Senseï Del Toro). Un des meilleurs films de l'année.

Note :                 

Bataille après l'Autre (2025) Paul Thomas AndersonBataille après l'Autre (2025) Paul Thomas AndersonBataille après l'Autre (2025) Paul Thomas Anderson

17/20