Un grand merci à Carlotta Films ainsi qu’à Arcadès pour m’avoir permis de découvrir le 4k UHD blu-ray du film « L’empire des sens » de Nagisa Oshima.
« Des mains comme les tiennes ont mieux à faire qu’à brandir un couteau »
1936, dans les quartiers bourgeois de Tokyo. Sada, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maîtres. Kichizo, son irréfrénable patron, l’entraîne bientôt dans une escalade sexuelle sans bornes…
« Dans une union comme la nôtre, on doit mettre de l’amour dans tous nos actes »
Il est des films qui ont irrémédiablement marqué leur époque. Et même au-delà. Parce que leur sujet est entré en résonnance avec les préoccupations de leur temps. Ou pour le scandale retentissant qu’ils ont déclenché. A l’évidence, « L’empire des sens » est de ceux-là. Il flotte en effet sur le début des années 70 un doux parfum de contestation et de révolution sexuelle, dont l’industrie cinématographique s’empare progressivement en faisant fi de la censure et avec une réelle volonté de bousculer la morale et les mœurs. Bernardo Bertolucci danse ainsi son « Dernier tango à Paris » tandis que Paul Verhoeven savoure ses « Turkish délices » et que Blier filme ses « Valseuses ». Et si l’iconique « Emmanuelle » et son éveil au plaisir sexuel fascine les spectateurs, c’est sans doute « Gorge profonde », premier film porno distribué dans des salles traditionnelles, qui fait le plus sensation. C’est dans ce contexte que le producteur français Anatole Dauman décide de produire un film interrogeant le désir où le sexe serait montré de façon explicite. Profitant de son passage à Paris, il propose son projet à Nagisa Oshima, chef de film de la nouvelle vague japonaise et célèbre pour son cinéma politiquement engagé et transgressif.C’est de leur rencontre et de leur collaboration que naitra « L’empire des sens », célèbre encore aujourd’hui pour le scandale qu’il déclencha à sa sortie.
« Tu ne trouves pas normal qu’une femme aime le sexe de l’homme qu’elle aime ? »
Inspiré d’un authentique et tragique fait divers qui défraya la chronique japonaise à la fin des années 30, « L’empire des sens » nous narre la passion destructrice entretenue par Kichizo, un ancien samouraï devenu libertin, et Sada, ancienne prostituée devenue sa domestique. Une relation hors normes, de par la différence sociale des deux protagonistes, mais aussi de par sa nature fusionnelle et intensément charnelle. Et de fait, Oshima répond parfaitement à la commande en signant un film sur l’exploration du désir où la représentation du sexe se veut résolument frontale et crue. Mais au-delà de sa dimension proprement pornographique et de certaines scènes particulièrement troublantes (celle de l’œuf, ou encore le coït final), la transgression au fond est ailleurs, dans ce que le cinéaste dit de la société japonaise. Tout d’abord, « L’empire des sens » brille par sa dimension féministe. Le personnage féminin n’est ainsi pas une simple courtisane arriviste ni un simple objet de désir : au contraire, elle laisse libre cours à son désir, revendiquant librement sa sexualité, prenant l’ascendant sur son amant et le conduisant in fine à une totale dévotion, allant à l’encontre des mœurs traditionnellement misogynes. La sexualité devenant alors un moyen d’émancipation et de pouvoir. Mais la passion sexuelle revêt aussi un caractère politique : par leur quête purement hédoniste, Kichizo et Sada se placent en marge d’une société japonaise alors militariste et impérialiste qui marche d’un seul pas (de l’oie) vers une guerre radicale et impitoyable qui conduira le pays à sa propre perte. La sexualité devenant alors une sorte de refuge intime et presque un acte de résistance. Mais cette quête effrénée de plaisir se mue peu à peu en une folie nihiliste et autodestructrice, les deux amants se consumant peu à peu et basculant dans la déraison. Oshima signe là une œuvre radicale, qui tient presque de l’expérience, et dans laquelle le spectateur placé dans un rôle tantôt complice tantôt voyeur assiste à un affrontement de forces contraires (l’amour et la mort, la modernité et la tradition, l’individu et la société, le plaisir et la souffrance, l’érotisme et la pornographie) sans autre issue que la tragédie. Rarement film pornographique aura été aussi élégiaque et cérébral.
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Le 4K UHD blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 4K et proposé en version originale japonaise (1.0) ainsi qu’en version française (1.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côte bonus, le film est accompagné de « L’Histoire du film » (2003, 40 min.), de « La Passion selon Eiko Matsuda » : Entretien avec Tomuya Endo, chanteur et historien du cinéma (2024, 26 min.), de 6 scènes coupées (12 min.), de « Il était une fois… L’Empire des sens » de David Thompson et Serge July (2010, 54 min.), ainsi que d’une Bande-annonce originale (3 min.).
Édité par Carlotta Films, « L’empire des sens » est disponible en blu-ray, 4K UHD blu-ray ainsi qu’en édition coffret ultra collector (blu-ray + 4K UHD blu-ray + livre) depuis le 18 juin 2024.
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