Valeur sentimantale

Par Dukefleed

Cannes 2025 : Grand Prix du Jury

Le festival de Cannes et moi-même avions découvert Joachim Trier avec le superbe drame « Oslo 31 aout » ; il y était revenu avec un film plus léger au destin international (nommé aux Oscars), « Julie en 12 chapitres ».

Une standing ovation cannoise est venue consacrée à nouveau le réalisateur danois auteur de ce drame familial, très psycho, et profond contrebalancé par des bulles de légèreté bienvenue adoucissant la dureté de certains pans de cette histoire familiale. Ce film débute d’une manière virtuose dans un pré-générique de génie, comme rarement vu, mis en scène à la manière d’un Wes Anderson avec des plans frontaux et très cadrés. L’ouverture se fait au travers d’une voix off qui n’est autre que celle de la fille ainée de la famille. Elle relit une vieille rédaction dans laquelle elle personnifie la magnifique maison de son enfance. On retrace alors un siècle d’histoire familiale par la rétine d’une demeure qui serait la mémoire du passé et de l’histoire des trois générations passées. Cette dernière, aux failles profondes et apparentes, est le réceptacle des joies et tristesses de toute l’histoire familiale. La belle bâtisse de tradition norvégienne est donc un personnage à part entière dès le début et le restera jusqu’au plan final ; sans être un huis clos. Et c’est ici un des nombreux accents bergmanien de ce long métrage. Maladie mentale, dépression, suicide hantent la maison, et pèsent sur ses habitants depuis trois générations. Tchekov ne renierait pas le rôle de cette maison familiale comme décor des conflits tus. La fille ainée (la voix off du début et le personnage central du film), est celle qui porte les héritages tragiques de la famille, sans le savoir, et qui voit sa vie personnelle à l’arrêt ; elle incarne l’impossibilité de s’extraire de sa lignée. C’est l’histoire donc d’une reconstruction et d’une réconciliation avec son histoire, l’histoire de la famille et les siens. La relation entre elle et un père absent sera une partie de la thérapie permise par la médiation de sa sœur. Ce père que l’on pourrait aussi limité à un enfant gâté du baby-boom et auto centré est plus profond que cela ; la maison témoignant aussi des raisons de sa fuite en avant, de sa fuite géographique d’un lieu portant une charge émotionnelle trop forte. Et pour mettre en image ce scénario, Trier fait preuve d’une fluidité limpide pour rendre digeste et accessible la complexité des relations humaines. Mais dans ce film, il prouve encore une fois ses immenses qualités de directeur d’acteurs avec un casting hors pair : Elle Fanning, Inga Ibsdotter Lilleaas, Stellan Skarsgard et surtout Renate Reinsve son actrice fétiche et lauréate du Prix d’interprétation féminine pour « Julie en 12 chapitres ». Comme l’écrit Christophe Grangé : « elle emporte tout sur son passage ». Trier n’hésite pas à allonger le temps, la longueur ne lui fait pas peur pour poser les enjeux ; j’ai malgré tout trouver la seconde moitié du film un peu trop étirée.

Un bon film du cru 2025 par un réalisateur à suivre encore et encore.

Sorti en 2025

Ma note: 15/20