“Libre échange” de Michael Angelo Covino

Par Boustoune

– Madame Michu, échangeriez vous quatre barils de bonne vieille comédie franchouillarde contre votre baril de Libre échange? Nous vous offrons de la comédie de référence, avec des comédiens vus à la téloche, élevés au jus de navet, biberonnés aux Charlots, aux films de Max Pécas, contre votre petite comédie de moeurs américaine. Vous gagnez au change, non?

– Ah ben c’est pas vrai, ça! Jamais !

– Mais Madame, vu le titre de votre comédie vous êtes pour l’échange, non?

– Ecoutez moi bien : hors de question que je lâche un film qui a été l’une des meilleures surprises de Cannes 2025, surtout contre des bouffonneries lourdingues et graveleuses, soit tout l’inverse du long-métrage de Michael Angelo Covino. Libre échange (Splitsville lors de sa présentation sur la Croisette) est une comédie enlevée qui parle sans tabou et sans vulgarité des relations de couple, de la fidélité, des notions de  « couple libre » et de “polyamour”.
L’intrigue suit les tribulations sentimentalo-sexuelles de quatre personnages, initialement deux couples amis. D’un côté Carey (Kyle Marvin, coauteur du film) et Ashley (Adria Arjona), de l’autre Paul (Michael Angelo Covino lui-même) et Julie (Dakota Johnson, probablement dans son meilleur rôle).
En route pour rejoindre la maison de vacances de leurs amis, une superbe villa au bord d’un lac, Carey et Ashley évoquent les activités qu’ils vont pratiquer pendant leurs congés. Première sortie de piste de Carey : il les a inscrits à un cours de poterie alors que Madame pensait à des activités plus coquines, pour pimenter leur couple après un an de lune de miel. Elle tente de lui expliquer en lui astiquant la boîte de vitesse pendant qu’il conduit, ce qui perturbe la circulation. Deuxième sortie de piste, mais pour un autre automobiliste inconnu, victime d’un malaise au volant.
L’incident secoue Ashley, qui voit en lui un mauvais présage. Plutôt que de voir son couple finir dans le fossé à moyen terme, elle préfère quitter Carey sur le champ. Dépité, en miettes, le quadragénaire est accueilli à bras ouverts par Paul et Julie, qui, pour lui remonter le moral, lui expliquent que leur couple est solide parce qu’ils ont opté pour une relation libre. Chacun peut coucher avec qui il veut, tant que les règles du jeu sont bien admises. D’ailleurs, le soir même, Paul s’absente, prétextant un dossier professionnel à boucler. Carey et Julie en profitent pour coucher ensemble. Puisque cela ne gêne pas Paul… Mais sont-ils tous si libres que cela ? La situation rebat complètement les cartes entre les personnages, qui voient tous leurs vies chamboulées par ce vaudeville en grand format.

– Oulah, mais ca m’a l’air compliqué, tout ça ! Franchement, vous ne préférez pas quelque chose de plus simple, de plus léger ? Ce pack de quatre barils de vaudeville, par exemple? Non, soyons fous ! Ce pack de cinq barils !

– Pwah ! Même si vous montiez à dix, je refuserais. Les comédies réussies – drôles, intelligentes et rythmées à la perfection – sont suffisamment rares pour que l’on passe à côté. Les comédies stéréotypées, en revanche, on en subit des dizaines chaque année…

– Excusez-moi, Madame Michu, mais vous êtes dure en affaire. Vous jugez, mais vous n’êtes pas critique, que je sache !

– Arrête, gamin. J’ai lu la critique de Boustoune sur www.anglesdevue.com, publiée pendant le Festival de Cannes. Et il a adoré. Ouvre tes esgourdes : “Le côté bavard, aux dialogues ciselés, rappelle les meilleurs films de Woody Allen. La crudité des échanges évoque aussi des oeuvres fameuses comme Clerks. Leur cruauté pointe, elle, vers des titres comme Le Déclin de l’Empire Américain. Et il y a aussi un côté Judd Apatow dans la fausse bêtise de l’ensemble.
C’est aussi une oeuvre qui offre un peu d’action, avec notamment une bagarre d’anthologie, au crescendo comique destructeur, et beaucoup de folie douce, quand la maison d’Ashley et Carey se transforme en Arche de Noé pour partenaires sexuels déclassés. Pour couronner le tout, le film est mis en scène avec brio, avec des plans séquences, des trouvailles visuelles  et une rythmique burlesque épatante, digne des meilleurs Blake Edwards.

– Ah oui, là, je n’ai plus d’arguments… Je vais aller escroquer quelqu’un d’autre alors.

– Fais donc ça avant que j’échange un coup de pied aux fesses contre ton départ précipité ! Ah, c’est pas vrai, ça !


Libre échange
Splitsville

Réalisateur : Michael Angelo Covino
Avec : Michael Angelo Covino, Kyle Marvin, Adria Arjona, Dakota Johnson, Nicholas Braun, David Castañeda, O.T.Fagbenle, Charlie Gillepsie
Genre : Comédie irrésistible
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h40
Date de sortie France : 10/09/2025

Contrepoints critiques :

”S’appuyant sur un scénario à l’efficacité redoutable, « Libre échange » brille aussi au niveau de la mise en scène, avec plusieurs moments mémorables, dont une bagarre que nous ne sommes pas près d’oublier.”
(Christophe Brangé – Abus de ciné)

”L’ambition est de travailler le genre sous le signe de l’absurde, le résultat, plus laborieux, n’arrive pas à la cheville des grands classiques qui, de Hawks à Cukor, l’ont partagée.”
(Jacques Mandlebaum – Le Monde)

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