[Venise 2025] “A Loose End” de Daniel Hendler

A loose end affpro[Venice Spotlight]

De quoi ça parle ?

D’un policier argentin en cavale dans l’Uruguay voisin.
Alors qu’il était en patrouille, Santiago (Sergio Prina) a subitement traversé le pont Libertador General San Martín, qui sépare les deux pays. Toujours en uniforme, il tente de semer les deux collègues à ses trousses afin de pouvoir refaire sa vie.
A Fray Bentos, il rencontre Rocio (Pilar Gamboa), une sympathique caissière de station-service, un fromager ambulant (Alberto Wolf), un avocat (Néstor Guzzini)…

Pourquoi on en fait tout un fromage ?

Clairement, on n’est pas dans un thriller conventionnel. Ni même dans une comédie américaine classique, pleine de gags plus ou moins drôles. Le ton est plus intimiste, le rythme relâché. Mais cette petite comédie uruguayenne possède un certain charme, toute en rondeur, comme une meule d’emmental, en apparence lisse, mais présentant quelques aspérités, à y regarder de plus près. De façon surprenante, elle exhale des arômes subtils qui se développent au coeur d’un récit à trous, qui commence par la fin – ou presque – et progresse par ellipses, avant que l’on n’en comprenne les tenants et aboutissants.
Pourquoi tous ces jeux de mots lait-gèrement absurdes, me demanderez-vous ? Eh bien parce que le fromage, dans ce film, est un élément important, presque un personnage à part entière. Dès la deuxième séquence, on voit Santiago s’arrêter près de la camionnette du fromager itinérant, installé au milieu de nulle part, apparemment pour contrôler son étal. Plus tard, il achètera un morceau de gruyère à Rocio, puis rencontrera un producteur à qui il proposera ses services. Car oui, Santiago a beau porter l’uniforme de policier, il rêve de mener la même vie que Totone dans Vingt Dieux. Arrêter d’être un “cabo” (un flic) pour fabriquer du “queso” (du fromage). Il faut dire que le bonhomme est clairement fait pour cela. Il sait comment contrebalancer les cristaux de calcium, ajuster l’acidité, voire même maîtriser le nombre et le diamètre des trous dans l’emmental (même s’il nous semble l’entendre l’appeler « gruyère ». Faute!). S’il mettait la même intégrité dans son travail de policier, nul doute qu’il a dû assez mal vivre la corruption de ses collègues et en avoir marre de leurs méthodes brutales.

On se prend vite de sympathie pour le bonhomme, mi-Serpico, mi-Auguste Le Petit, grand nom du camembert. Et on le soutient dans ses velléités de changer de vie, de quitter cet univers poisseux pour vivre d’Epoisses, ranger l’uniforme bleu pour façonner du bleu de Bresse (ou de Montevideo, ce n’est pas si loin). Bon, arrêtons-là les jeux de mots avant de vous rendre chèvres ! Parlons plutôt d’amour. Car oui, A Loose End est aussi une histoire d’amour, à sa façon, entre Rocio, la caissière de la station-service et Santiago. Là encore, pas une comédie romantique classique. Rocio n’a rien d’une jeune première. Santiago est d’ailleurs initialement plus fasciné par les meules de fromage que par cette quadra fatiguée, mais encore séduisante. Il finit par apprécier sa personnalité calme, qui l’apaise durant sa cavale trépidante, et son humour subtil. Et surtout, elle semble le trouver assez séduisant puisqu’il lui fait penser à… non, pas Ben Affleck, mais cet autre acteur américain, là, son copain… Matt quelque chose. D’accord, elle doit avoir des problèmes de vue, mais après tout, l’amour est aveugle et Santiago a bien besoin de rencontrer une personne locale qui pourrait lui permettre de démarrer une nouvelle vie.
On se prend donc à espérer qu’ils puissent fondre l’un pour l’autre comme un fromage à raclette… Mince, désolé, ça me reprend.

Bref, avant que ma tête soit mise à “brie”, résumons : A Loose End est un petit film tout simple, dont l’humilité fait tout le sel ou plutôt, merci de nous corriger, cher Santiago, la tyrosine, cet acide aminé qui se développe lors de l’affinage du gruyère.
Vous en prendrez bien une portion ?

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