12ème long métrage de fiction après "Des Hommes" (2020) pour Lucas Belvaux qui revient avec un projet aussi singulier que personnel puisqu'il adapte son propre roman éponyme (2022) qu'il a écrit justement pour s'éloigner de l'écriture de scénario qu'il pratique depuis plus de trois décennies. Paradoxalement pourtant, après la sortie du livre le réalisateur-scénariste n'a pu faire autrement que d'envisager d'en faire un film. Mais son exercice de style pour le roman a compliqué le travail d'adaptation car le roman est structuré en monologues intérieurs successifs avec chacun un point de vue différent vis à vis des personnages ce qui est particulièrement ardu à transposer en scénario de cinéma. Un peu l'auteur pris à son propre piège narratif. Le cinéaste a ainsi avoué que ce projet a été son travail d'adaptation la plus difficile qu'il ait réalisée. D'abord pensé comme un film noir centré sur une chasse à l'homme à la manière du fameux "Les Chasses du Comte Zaroff" (1932) de Richard Connell maintes fois porté à l'écran, le projet a finalement évolué vers un "récit initiatique inversé" comme il l'explique : "L'intérêt du genre, quel qu'il soit, c'est qu'il offre un cadre et qu'à l'intérieur de ce cadre, tout est permis. C'est comme l'improvisation en jazz, où les variations autour d'un thème dans n'importe quel art. Zaroff en est une, Les Tourmentés un autre... Ce qui m'apparaissait de plus en plus passionnant, c'est pourquoi et comment ils en étaient arrivés là. On vit une époque brutale, violente, où "le bruit et la fureur" deviennent le seul horizon, je n'avais pas envie d'en rajouter. C'est comme ça que, de film noir, Les Tourmentés est devenu un film d'apprentissage."...
Madame, une veuve fortunée et passionnée de chasse s'ennuie. Elle demande alors à son majordome de lui trouver le candidat idéal pour une chasse à l'homme, moyennant évidemment un juteux salaire. Le majordome trouve le gibier bipède idéal en la personne de Skender, ancien légionnaire... Madame est incarnée par Linh-Dan Pham vue récemment dans "Dans la Cuisine des Nguyen" (2024) de Stephane Ly-Cuong, et retrouve après la série TV "Or de Lui" (2021) et le film "Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu" (2023) de et avec Guillaume Canet son partenaire Majordome Ramzy Bedia vu dans "Sentinelle" (2023) de Hugo Benamozig et David Caviglioli et "Balle Perdue 3" (2025) de Guillaume Pierret et retrouve aussi après la série TV "D'Argent et de Sang" (2023) son partenaire Niels Schneider vu dans "Apaches" (2023) de Romain Quirot, "Coup de Chance" (2023) de Woody Allen ou "Badh" (2025) de Guillaume de Fontenay, puis n'oublions pas Deborah François qui semble de retour après plusieurs années d'absence et son retour avec "Fanon" (2025) de Jean-Claude Barny... Le début du film impose un style sobre, calme, mais déjà énigmatique et anxiogène qui confirme qu'on plonge dans un thriller mais qui va s'avérer plus psychologique que musclé. La rencontre entre Skender/Schneider et Madame/Pham interroge toutefois car on ne comprend pas bien l'enjeu puisque quoi qu'il arrive le gibier Skender est gagnant... ATTENTION SPOILERS !... il accepte car il "est prêt à mourir pour ses enfants", et le prix est de trois millions, s'il s'en sort vivant la somme est pour lui, s'il meurt la somme ira à son ex et ses enfants, étant donné qu'il le fait pour eux il est donc forcément gagnant ; notons également la réplique "guerrier façon dieu grec" qui qualifierais Skender qui s'annule aussitôt avec un premier flash-back où il paraît plutôt en panique et fragile. Puis on ne comprend pas non pluspourquoi la chasse devrait attendre six mois... FIN SPOILERS !... tandis que vu la fortune et la soif d'adrénaline de Madame on ne voit pas où est réellement l'enjeu.
Si les premières minutes sont prometteuses on comprend que la chasse à l'homme tant promise se fait attendre encore et encore. Le récit s'attarde sur les trois protagonistes, s'en suit des flash-backs surtout et des flash-forwards qui nous permettent d'en savoir plus sur les motivations des uns et des autres, d'en savoir plus sur eux tout simplement. Skender/Schneider est un ex-légionnaire qui tente d'être à nouveau présent pour ses enfants, Madame/Pham est une ex-pauvre devenue riche veuve, tandis que Max/Bedia est un ex-légionnaire qui à fini par apprécier sa nouvelle vie cossue et tranquille. La première heure est donc toute dédiée à en apprendre plus sur eux mais on est un peu frustré car la chasse à l'homme promise tarde trop alors qu'on devine que les flash-forwards semblent surtout des leurres. Le film est assez envoûtant, le scénario impose donc un certain suspense (alors finalement qui va s'en sortir vivant ?!), dans une histoire qui reste constamment engoncée dans une sorte de fatalité funeste. Les plus gros défauts restent sans doute un rythme trop monocorde sans montée en tension, et une partie des dialogues, surtout entre les deux ex-légionnaires dont le langage trop soutenu, sans une once d'argot d'hommes de terrain n'est pas très crédible. Finalement le film ne pose qu'une question : combien vaut une vie ?! Lucas Belvaux ne signe pas réellement un thriller, mais plus un drame psychologique, sombre et pessimiste malgré les relents d'espérance.
Note :