Déjà réalisateur de plusieurs longs métrages avec entre autre "No Smoking" (2007) ou "Return of Hanuman" (2007) Anurag Kashyap revient juste après avoir fait l'acteur dans "Trishna" (2011) de Michael Winterbottom. Le cinéaste a eu l'idée en discutant avec son ami Syed Zeshan Qadri, originaire du Wasseypur, qui lui a raconté comme les guerre des gangs a gangréné sa région jusqu'à son délitement malgré ou à cause de sa richesse en charbon. Producteur-réalisateur-scénariste Anurag Kashyap co-signe le scénario avec son ami qui passera à la réalisation juste après avec "Meeruthiya Gangsters" (2015), ils sont rejoint par un autre ami Sachin K. Ladia dont ce sera l'unique expérience au cinéma, puis ensuite par Akilesh Jaiswal qui passera lui aussi derrière la caméra avec "Mastram" (2013). Les auteurs vont vite étoffer leur histoire pour en faire une fresque mafieuse sur plus de six décennies qu'ils imaginent comme l'équivalent chez eux de la trilogie "Le Parrain" (1972-1991) de Francis Ford Coppola. Anurag Kashyap parvient à réunir pas moins de 45 millions de dollars pour financer un long métrage de 5h20 ! Soit à l'époque le plus gros budget d'un film indien de cette ampleur sans grande star en tête d'affiche. Vu la longueur, le film est finalement scindé en deux parties pour la majorité des pays comme en France où la partie 1 est le premier film de Bollywood à être présenté au Festival de Cannes section de la Quinzaine des Réalisateurs où il rencontre un vif succès, le film sort ensuite en deux parties comme prévu, en juillet puis en décembre 2012. Malheureusement, si le film est un succès critique, le premier opus ne fait que 12000 entrées France, la suite faisant pire avec seulement 4300 entrées. Le film reste néanmoins un succès chez lui en Inde... Wasseypur, la région est le grenier au charbon de l'Inde mais dès les années 50 deux clans se font face, celui de Shahid Khan qui fut un pionnier dans le pillage des trains britanniques, puis Ramadhir Singh qui a choisi la voie politique pour prospérer en marge des lois. Mais finalement Shahid Khan est tué et Ramadhir devient le maître incontesté. Des années plus tard, le jeune Sardar Khan a l'ambition de venger son père et de devenir le plus redouté des Parrain du Wasseypur. Ambitieux et audacieux mais les femmes sont son talon d'Achille. La lutte fait rage, mais bientôt les enfants de Sardar vont devoir prendre la relève...
Le patriarche de la dynastie Khan est incarné par Jaideep Ahlawat vu auparavant dans "Aakrosh" (2010) de Priyadarshan ou "Rockstar" (2011) de Imitiaz Ali, son fils est joué par Manoj Bajpai vu dans "La Reine des Bandits" (1994) de Shekhar Kapur, "Satya" (1998) de Ram Gopal Varma ou "Vedam" (2010) de Radha Krishna Jagarlamudi, tandis que son fils leader de la 3ème génération est joué par Nawazuddin Siddiqui vu notamment dans "Black Friday" (2004) de Arthur Lubin et "Dev.D" (2009) après lequel il retrouve son réalisateur Anurag Kashyap et vu plus tard dans "The Lunchbox" (2013) de Ritesh Batra ou "Lion" (2016) de Garth Davis. Parmi les Khan citons aussi Jameel Khan vu dans "Cheeni Kum" (2007) de R Balki ou "Rock On !!" (2008) de Abhishek Kapoor, Vineet Kumar Singh vu dans "Pitaah" (2002) de Mahesh Manjrekar et "Crook : It's Good to be Bad" (20&à) de Mohit Suri, Aditya Kumar vu dans "Kerry on Kutton" (2016) de Ashok Yadav et retrouvera son réalisateur pour "Sombre Fortune" (2020) de Anurag Kashyap. Parmi les femmes Khan citons encore Huma Qureshi qui retrouve son réalisateur-partenaire après "Trishna" (2012) et vue plus tard à l'international dans "Le Dernier Vice-Roi des Indes" (2017) de Gurinder Chabha et "Army of the Dead" (2021) de Zack Snyder, Reema Sen vue dans "Chitram" (2000) de Teja ou "Aayirathil Oruvan" (2010) de K. Selvaraghavan, Anurita Jha vue dans "Mithila Makhaan" (2019) de Nitin Chandra ou "Helmet" (2021) de Satram Ramani, puis Richa Chadda vue dans "Oye Lucky ! Lucky Oye !"(2008) de Dibakar Banerjee, "Benny and Babloo" (2010) de Yunus Sajawal et surtout "Masaan" (2015) de Neeraj Ghaywan dans lequel elle retrouvera son partenaire Pankaj Tripathi vu auparavant dans "Run" (2004) de Jeeva, "Chillar Party" (2011) de Vikas Bahl et Nitesh Tiwari, ou plus tard dans le film américain "Tyler Rake" (2020) de Sam Hargrave. Le patriarche Singh est interprété par Tigmanshu Dhuliavu comme acteur par exemple dans "Electric Moon" (1992) de Pradip Krishen mais surtout lui-même réalisateur notamment de "Haasil" (2003) ou "Shagird" (2011), puis enfin citons Pivush Mishra vu dans "De Tout Coeur" (1998) de Mani Ratnam ou "Maqbool, le Parrain de Bombay" (2003) de Vishal Bhardwaj, puis Vipin Sharma vu dans "Krishna" (1996) de S. Deepak, "Florida Road" (2010) de Brad Glass et plus tard dans "Monkey Man" (2024) de et avec Dev Patel... Précisons que le film compte pas moins de 340 rôles parlants mais réellement qu'une dizaine de rôles principaux. Si le film est au moment du tournage sans stars de grands calibres, la musique est signée du star célèbre en Inde, Sneda Khanwalkar, une des rares femmes compositrice de musique de films... Le film débute avec une sorte de virée punitive en mode carnage aveugle sans qu'on n'y comprenne quoi que ce soit. Le début du film est une sorte de capharnaüm narratif où il suffit de comprendre qu'il y a deux clans, deux caïds, et que le charbon est un minerai considéré comme l'or noir de la région et qui, logiquement, emporte toutes les convoitises. Les castes les plus pauvres subissent, les plus riches se nourrissent de corruption avec à leur tête le clan Singh et au milieu le clan Khan leur fait face. Si le réalisateur signe un film qui n'est pas dénué d'une critique politico-sociale elle reste en surface, le film reste une fresque empreint de sang et de fureur. En fait si on nous vend 60 ans d'histoire sur trois générations on constate que les origines durant les années 50 sont aussi vite expédiées que peu intéressantes car trop survolées. Un prologue en quelque sorte pour un film qui est en vérité en deux parties, la première centrée sur le fils Sardar Khan, la seconde sur le petit-fils Faizal Khan. Le film a dû en désarçonner plus d'un en 2012 tant la promo et la bande-annonce ont vendu du rêve, promettant un film entre "Le Parrain" (dont la scène de césure entre les deux parties est clairement issue) et "Gangs of New-York" (2002) de Martin Scorcese dans un style qui renverrai plutôt à du Tarantino, avec une B.A. qui montre une effervescence entre morceaux musicaux bollywoodien non surprenant et des séquences de mariages.
Mais en vérité on s'aperçoit vite que le scénario est une simple accumulation de meurtres (dont l'ultime face à face Khan vs Singh d'un grotesque sans nom) et de massacres programmés comme du papier à musique, entrecoupés un peu de parties musicales mais étonnamment éloignées du kitsh bollywoodien ou de séquences de conflits conjugaux. C'est donc redondant, sans idées franches ni grand chose à raconter autre que deux clans s'entretuent dans une guerilla dont on ne peut comprendre réellement les tenants et aboutissants qui semblent si éloignés du charbon. Ajoutons à ça une position de la femme qui est celle d'épouse te de mère avec aucun rôle fort, une voix Off surexplicative, et une société qui ne semble pas avoir évolué en 60 ans outre qu'on passe des armes blanches aux armes de gros calibres sans omettre des armes artisanales grotesques alors qu'a priori l'argent coule à flot (?!). Les tentatives d'humour ne fonctionne pas, reposant sur le fait que les truands seraient en fait des pieds nickelés, ainsi courir en scooter ou tenter de défoncer une porte alors qu'elle s'ouvre en tirant vers soi n'a rien de drôle, c'est juste pathétique tant cela retire toute crédibilité à un film qui se prend pourtant au sérieux dans sa dramaturgie et sa volonté claire de s'ancrer dans un certain réalisme. En conclusion, le film surnage grâce à une dynastie composée de personnages intéressants, de quelques séquences efficaces malgré tout, et un rythme assez soutenu pour créer l'illusion mais on a bien du mal à y voir un budget de 45 millions...
Note :