De quoi ça parle ?
D’un ex-champion de tennis dépressif, Raul Gatti (Pierfrancesco Favino) qui tente de trouver un second souffle en entraînant un adolescent prometteur, Felice (Tiziano Menichelli) et en l’emmenant participer à une série de tournois nationaux, le temps d’un été à la fin des années 1980.
Felice est un champion régional. Il le doit au programme d’entraînement millimétré mis au point par son père, Pietro (Giovanni Ludeno), qui analyse chacun de ses points faibles avec minutie et les corrige avec les exercices adéquats. Cet ingénieur en télécommunication étudie toutes les trajectoires de balles, tous les mouvements permettant d’être bien placé sur le terrain et d’user l’adversaire à petit feu, et met au point de savants calculs pour que le gamin soit au top le jour des matchs. Son modèle ? Ivan Lendl et son jeu défensif, en fond de court. Il pousse Felice à jouer de la même façon, faisant de son endurance et sa puissance des atouts essentiels. Lors des matchs, c’est aussi lui qui donne les consignes, toujours axées sur la défense.
Pour le reste, le gamin doit suivre à la lettre le plan paternel en termes d’exercices et de diététique. Pas le temps de s’amuser ou de voir des amis. La discipline est la clé du succès.
Mais Felice doit désormais se confronter à des adversaires plus coriaces, à l’échelle nationale, dernière marche avant le circuit professionnel international. Alors, il décide d’offrir au gamin un circuit estival composé de différents tournois nationaux, pour qu’il puisse jauger son niveau. Et pour l’aider à progresser, il loue les services d’un entraîneur ayant l’expérience du haut niveau et capable de lui faire passer un palier. L’heureux élu se nomme Raul Gatti, un joueur ayant eu une carrière professionnelle respectable, atteignant notamment les 1/8e de finale au Master de Rome. Très vite, Felice constate que les méthodes de ce mentor sont très différentes de celles de son père. Il ne maîtrise pas les exercices et le planning, ne communique que rarement avec lui durant les matchs. Ses recommandations ne collent pas du tout au profil de “Lendl”, froid et méthodique, plus à celui d’un Guillermo Villas, endurant, puissant mais imprévisible, jouant avec panache. Ceci perturbe le jeune joueur, qui n’a pas connu autre chose que les schémas paternels. Surtout, il est déstabilisé par le mode de vie de Gatti, fêtard, dragueur et bon vivant. Le “maestro” bouscule son hygiène de vie et sa routine de champion. Cela ne tarde pas à se répercuter sur ses performances. A chaque match, Felice est sèchement battu par ses adversaires.
Le duo va devoir apprendre à se connaître et se faire confiance pour aller au bout de la tournée, malgré les difficultés rencontrées.
Pourquoi on est “out !” ?
Sur le papier, le film avait de quoi séduire. Andrea Di Stefano, revendiquait l’envie de s’écarter des récits sportifs classiques centrés sur des vainqueurs, des champions à l’ascension irrésistible. Pour ce faire, il s’est inspiré de sa propre expérience de jeunesse, quand il jouait au tennis à un bon niveau, et de ses relations avec son ancien entraîneur. C’est évoqué dès l’étrange intertitre du début, où l’auteur assure que toute ressemblance avec des personnes réelles serait fortuite… avant d’ajouter un ironique « compris, Papa ? ». On se dit qu’il y a matière à composer une jolie histoire initiatique, autour de la transmission et de l’importance des rencontres pour pouvoir faire les bons choix, pour apprendre à s’émanciper et trouver sa propre voie.
C’est un peu le cas. Le film est assez plaisant, grâce à l’opposition de caractères entre le timide et (trop) sérieux Felice et son mentor, charmeur mais inconséquent. On sent une vraie complicité entre le jeune Tiziano Menichelli et un Pierfrancesco Favino plus charismatique que jamais. Mais le scénario, lui, peine à décoller. Tout se déroule de manière trop prévisible : l’ancien champion qui reprend goût à la vie, mais reste psychologiquement fragile, l’élève trop discipliné qui craque sous la pression paternelle et les doutes qui commencent à le gagner, à force de défaites sèches et d’humiliations… Pour rester dans l’analogie tennistique, on a l’impression que la mise en scène se contente de rester sagement en fond de court, renvoyant la balle de façon mécanique, sans surprise, sans variation de jeu. C’est ennuyeux comme la finale de Roland Garros 2004 entre Gaudio et Coria. Certes, on en a pour son argent, mais on ne vibre pas vraiment, on se désole de voir aussi peu de coups inventifs et on finit par trouver le temps long. C’est d’autant plus frustrant que le propos du film invite justement à l’audace, à la montée au filet pour marquer des points. Il y avait le potentiel à des séquences comiques irrésistibles, des moments de folie douce, des lobs inattendus. Mais Andrea Di Stefano, un peu mou du genou, n’ose pas aller dans cette direction. Il est plus habitué à la noirceur, au polar, au drame. Même si ce nouveau film est plus léger que ses précédentes réalisations, il reste quand même plus attaché au drame qu’à la comédie. Ainsi, Il Maestro tire un peu trop sur le muscle du mélo, constamment à la limite du claquage. Heureusement, il arrive au bout du match, sans panache, mais sans déshonneur non plus.
Le nouveau film d’Andrea Di Stefano ne fera certainement pas partie de nos souvenirs les plus mémorables de la 82e Mostra de Venise, qui propose une compétition de très bonne facture. Mais c’est une comédie dramatique sympathique, sincère dans sa démarche, tout à fait regardable grâce à la bonne alchimie entre ses acteurs, et bien moins embarrassant que bien des productions du même registre. On se contentera de cela.
Crédits photos : Andrea Miconi – Images fournies par La Biennale Cinema