Connemara (2025) de Alex Lutz

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Acteur vu récemment dans "Fils de" (2025) Alex Lutz revient derrière la caméra pour son quatrième long métrage en tant que réalisateur après "Le Talent de mes Amis" (2015), "Guy" (2018) et "Une Nuit" (2023). Le cinéaste avait d'abord voulu porté à l'écran un roman de Nicolas Mathieu mais a échoué à obtenir les droits qui sera donc réalisé par les frères Boukherma pour "Leurs Enfants après Eux" (2024), alors  quand le romancier a publié son nouveau roman en 2022 il a sauté sur l'occasion pour obtenir les droits d'un film dont le titre est inspiré d'une célèbre chanson de Michel Sardou. Le cinéaste explique : "... il parle de la France, d'une certaine France, sans que ce soit un texte politique : il trace une subtile cartographie sociologique, mais aussi sensorielle, des êtres, sans une once de pédagogie de comptoir. J'aime que ses personnages soient systématiquement paradoxaux, sans certitudes, et il nous trimballe ainsi dans leurs têtes et leurs sens, sans les justifier ni les juger." Le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario avec Hadrien Bichet, ex-Premier assistant réalisateur qui a commencé à écrire justement sur "Guy" (2018), puis avec Amélia Guyader qui a une longue carrière de marketing manager dans la production cinéma... Issue d'un milieu modeste, Hélène a quitté depuis longtemps les Vosges pour vivre à Paris. Désormais à la quarantaine, un burn-out brutal l'oblige à quitter la capitale pour revenir vivre là où elle a grandi entre Nancy et Epinal. Elle s'installe en famille, retrouve un travail, retrouve une qualité de vie qu'elle ne pensait pas retrouver. Mais un soir, sur un parking elle retrouve un visage connu, Christophe Marchal, le bel hockeyeur de ses années lycées... 

Hélène est incarnée par Mélanie Thierry vue dernièrement dans "Soudain Seuls" (2023) de Thomas Bidegain et "Captives" (2024) de Arnaud des Pallières et "La Chambre de Mariana" (2025) de Emmanuel Finkiel. Son conjoint est interprété par Jacques Gamblin vu récemment dans "Le Tigre et le Président" (2022) de Jean-Marc Peyrefitte et "L'Homme Debout" (2023) de Florence Vignon, tandis que le bel hockeyeur est joué par Bastien Bouillon vu dans "Le Comte de Monte Cristo" (2024) de Martin Bourboulon ou "Monsieur Aznavour" (2024) de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, et retrouve après "Un Homme en Fuite" (2024) de Baptiste Debraux son partenaire Alexandre Auvergne remarqué dans la série TV "Ca c'est Paris" (2024). Citons ensuite Bruno Sanches qui retrouve son réalisateur après "Guy" (2018) et vu depuis dans "Gueules Noires" (2023) de Mathieu Turi ou "Opération Portugal 2: la Vie de Château" (2024) de Frank Cimière, Marco Lurashi abonné aux chevaux après les films "Jappeloup" (2013) de Christian Duguay, "La Dernière Partie" (2021) de Ludovic Colbeau-Justin et "Lads" (2025) de Julien Menanteau, Julia Vivoni aperçue dans "Borgo" (2024) de Stephane Demoustier, Lilas-Rose Gilberti apparue dans "Le Consentement" (2023) de Vanessa Filho ou "L'Eté Dernier" (2024) de Catherine Breillat, Grégory Montel vu dans "The Killer" (2024) de John Woo ou "Les Musiciens" (2025) de Grégory Magne, Clémentine Célarié vue dans "L'Amour c'est Mieux que la Vie" (2021) et "Finalement" (2024) tous deux de Claude Lelouch, Anne Charrier vue dans "Heureux Gagnants" (2024) de Maxime Govare et Romain Choay et "Natacha (presque) Hôtesse de l'Air" (2025) de Noémie Saglio, puis n'oublions pas le premier rôle de trois jeunes actrices, Zoé Picard, Johanna Lauraire et Elisa Beauchamp... Le roman s'avère dense et complexe et raconte plsu qu'une simple histoire d'adultère, plus qu'une histoire d'amour, il y a aussi une importance non négligeable d'une relation mère-fille, homme-père, intra-familiale et professionnelle... etc... Et le réalisateur-scénariste explique pourtant qu'il a dû "simplifier" le récit comme une "tresse à trois mèches" : "J'ai dépouillé le roman comme un jeu de mikado : si je retire ça, est-ce que l'édifice se casse la gueule ? C'était fastidieux, mais utile. Et puis, donc, j'ai lâché cette obsession de rester toujours avec mes deux personnages. Il faut toujours choisir une énergie, une destiné, et ce fut celles d'Hélène. D'autant plus que le roman commence sur une phrase d'elle : "la colère venait dès le matin." C'est avec elle qu'on entrait dans l'histoire, donc il fallait en sortir par la même porte, la sienne. C'est sou mouvement qui compte, dans son trajet de Paris à Epinal, dans son choix très volontaire d'une liaison, et dans l'issue de l'histoire." Et pourtant, si Hélène/Thierry reste la ligne directrice le scénario de Alex Lutz n'occulte pas du tout les autres aspects de l'histoire, de ces histoires et on peut même y voir une thématique centrale : la perte de repères.

La perte de repère avec une femme quadra en burn-out, une ex idole des jeunes du hockey tombeur de ses dames qui est devenu l'ombre de lui-même, un vieil homme pas si vieux mais qui perd déjà la tête, une mère qui n'a plus l'écoute de sa fille, des destins croisés qui se résument à une chose que la mère de Hélène résume bien : l'écoute. Le vrai fil directeur reste la mémoire, le souvenir qui symbolise les rêves d'une jeunesse qu'on a peut-être pas su transformer. Les personnages sont bien croqués, mais il sont surtout magnifiquement incarné par des acteurs inspirés et inspirants, Mélanie Thierry évidemment déchirante et désirable, Bastien Bouillon est éternel ado mais bon père et bon fils, et en  prime une Clémentine Célarié qui aura rarement été aussi juste et touchante, et une Jacques Gamblin dans une détresse qui touche au coeur. Le cinéaste montre aussi les failles sociales qui sont parfois inéluctables malgré nous. La mise en scène alterne constamment entre naturalisme (sexe doux et maladroit, quotidien et routine...) et onirisme (bribes du passé comme des visions subjectives), c'est souvent judicieux et beau mais souvent aussi trop facile et redondant (séquences ou plans réitérés) surtout vers la fin. Alex Lutz signe une chronique émouvante,   joliment filmé et magnifiquement interprété mais d'un fatalisme qui frôle aussi la grande déprime d'une grisaille nordiste.

Note :                 

14/20