De quoi ça parle ?
D’Elisa (Barbara Ronchi), une femme emprisonnée pour avoir assassiné brutalement sa soeur, une dizaine d’années auparavant, sans raison apparente.
Elle ne se souvient plus des faits et, après avoir passé les premières années de sa détention en service psychiatrique, elle essaie désormais de purger sa peine sans faire de vagues. Elle ne demande aucune clémence, refuse de solliciter une libération anticipée, alors qu’elle pourrait le faire. Elle se contente de sa routine quotidienne, loin du monde extérieur. Son seul contact, c’est son père, qui vient lui rendre visite chaque semaine. Sa mère et son frère, de leur côté, ont définitivement coupé les ponts avec elle.
Quand Alaoui (Roschdy Zem), un professeur en criminologie, met en place un programme de recherche en partenariat avec le centre pénitentiaire suisse où elle est incarcérée, Elisa accepte d’y participer. Le criminologue entend mener des entretiens avec des détenues, en vue d’écrire un livre sur les raisons qui poussent des femmes à commettre des meurtres. Petit à petit, ces discussions permettent à la jeune femme de se remémorer des détails de son crime, ce qui la bouleverse, tandis que des flashbacks nous permettent de découvrir son histoire.
Pourquoi on ne lui saute pas au cou ?
On attendait beaucoup de ce nouveau long-métrage de Leonardo Di Costanzo. On avait aimé ses deux premiers films de fiction, L’Intervallo et L’Intrusa, qui parlaient de l’emprise de la mafia à travers des histoires différentes des classiques films de gangsters italiens et privilégiaient un regard plus tendre, plus humain. Son dernier opus, Ariaferma, film “de prison” totalement zen, nous avait complètement enthousiasmés. Aussi, on se réjouissait de découvrir Elisa, qui a lui aussi pour cadre un univers carcéral singulier, le centre pénitentiaire pour femmes – fictif – de Moncaldo, en Suisse, semi-ouvert et favorisant la réinsertion des détenues. On pensait que ce nouveau film prolongerait la réflexion sur la détention et l’importance d’un accompagnement vers la réinsertion.
Le film nous alléchait d’autant plus qu’on retrouve dans le rôle principal l’excellente Barbara Ronchi, l’une des meilleures actrices transalpines. Un visage d’une expressivité rare, capable de faire éprouver chaque nuance du trouble intérieur des personnages qu’elle incarne.
Elle est effectivement impeccable dans ce rôle complexe, mi-ange mi-démon. En apparence, Elisa est une femme discrète, assez paisible, sans histoires. Difficile de croire qu’elle ait pu préméditer son crime, assassiner froidement sa soeur aînée puis brûler son cadavre, avant de dissimuler ses actes. Pourtant, les indices étaient accablants. Au fil du récit, on assiste à un double changement de comportement du personnage. Dans les flashbacks, une Elisa discrète et peu sûre d’elle, âgée d’une vingtaine d’années, se mue peu à peu en un monstre froid et déterminé. Les échanges avec Alaoui, à l’inverse, tentent de sortir la jeune femme de sa zone de confort et de l’obliger à se confronter à ses actes, pour finalement faire tomber les masques, avancer et trouver un début de rédemption. Cet interlocuteur, c’est Roschdy Zem, également excellent en criminologue qui cherche à faire éclore la vérité en douceur, avec psychologie. Son rôle rappelle celui du policier qu’il tenait dans Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, autre thriller psychologique très simple, très épuré, refusant le sensationnalisme et les effets mélodramatiques, une belle référence.
On peut mettre au crédit de Leonardo Di Costanzo la même démarche éthique, le même attachement à l’humain, qui évite au film de tomber dans les travers de nombreux films italiens englués dans le mélo.
Ici, cela ne fonctionne pas tout à fait. Le problème est que le fait divers au coeur du récit, inspiré d’une histoire vraie sordide, prend beaucoup de place, tout comme le choix d’user des flashbacks pour dévoiler la vérité. Cela rend le film un peu trop fabriqué, trop écrit. Pour l’auteur, il fallait peut-être en passer par là pour que le spectateur puisse à la fois s’attacher à Elisa et la maintenir à bonne distance, révolté par son crime, pour faire en sorte que le “monstre” et la femme timide coexistent. Mais on peut aussi supposer que d’autres options étaient possibles, plus subtiles.
Surtout, le personnage et son parcours ne nous touchent pas plus que cela. Un peu d’émotion passe bien lors de l’ultime échange entre Elisa et Alaoui, mais c’est bien trop tard. Et comme le récit s’interrompt au moment où l’on aurait aimé qu’il commence, c’est finalement la frustration qui domine.
Crédits photos : Oliver Oppitz – Images fournies par La Biennale Cinema