[Compétition Officielle]
De qui ça parle ?
D’Eleonora Duse (Valeria Bruni-Tedeschi), considérée comme l’une des plus grandes comédiennes du théâtre italien.
Le récit se déroule au début du XXe siècle, à la fin de la Première Guerre Mondiale. Eleonora Duse revient au pays avec son assistante Désirée (Fanni Wrochna). Elle a quitté la scène depuis plusieurs années, contrairement à son amie et rivale Sarah Bernhardt (Noémie Lvovsky), qui continue à jouer sur scène malgré sa jambe amputée. Fatiguée, malade, Duse pense que sa carrière est derrière elle, et qu’il est temps de s’occuper un peu de sa famille, passer du temps avec sa fille Enrichetta (Noémie Merlant) et son petit-fils. Mais lorsqu’elle apprend qu’elle est ruinée, à la suite de la faillite de sa banque, elle fait un malaise et est alitée plusieurs jours. Dans son sommeil, elle a une révélation. Elle doit remonter sur scène, renouer avec le succès et faire construire un temple somptueux à la gloire du théâtre.
Mais la comédienne doit faire face à de nombreuses difficultés. Il y a déjà la tuberculose qui la ronge et l’empêche de répéter autant qu’elle le voudrait; ses relations tumultueuses avec Gabriele d’Annunzio (Fausto Russo Alesi); ses envies de théâtre révolutionnaires, trop avant-gardistes pour l’époque et pour Mussolini. Le fascisme vient d’arriver au pouvoir et, si les artistes peuvent encore travailler, ils sont soumis à la censure et doivent pouvoir bénéficier au pouvoir en place.
Pourquoi on trouve le film poussiéreux ?
Dans leur note d’intention, Pietro Marcello et ses coscénaristes, Letizia Russo et Guido Silei, affirment avoir voulu montrer le côté révolutionnaire d’Eleonora Duse, sa conception moderne de l’art dramatique et sa grande liberté, en opposition au fascisme, progressant dans le pays comme la tuberculose dans les poumons de la comédienne. Belle idée sur le papier, mais à l’écran, on ne ressent absolument pas cela. Le film est tout sauf moderne et libre. Il est poussiéreux et corseté, d’un classicisme plombant. Il n’y a aucune folie, aucune étincelle créative qui viendrait soutenir l’image d’une artiste en avance sur son temps. On avait déjà ressenti le même ennui devant Martin Eden, l’un des précédents longs métrages du cinéaste, mais au moins Pietro Marcello essayait de rendre son histoire plus moderne, avec, par exemple, l’emploi de chansons anachroniques. Certes, on avait détesté l’effet, mais c’était une prise de risque, un parti-pris assumé. Ici, on est dans un biopic ultra-classique, avec des enjeux ultra-classiques et des effets mélodramatiques ultra-classiques.
Tout est très bien exécuté : décors, costumes, musique… Plus une belle direction de la photographie de Marco Graziaplena, qui restitue bien la grisaille de l’après–guerre et l’oppose à la chaleur feutrée des scènes de théâtre, et une mise en scène très sobre. En revanche, que c’est ennuyeux !
Heureusement, Valeria Bruni-Tedeschi réussit instantanément à rendre le personnage attachant, grâce à son charisme et son jeu nuancé. C’est elle seule qui porte le film et qui parvient à lui apporter un peu d’âme, un peu de chaleur. La comédienne peut s’appuyer sur une grande expérience, sur scène et au cinéma, pour restituer ce que pouvait être le talent d’Eleonora Duse, la passion qui l’animait, plus forte que tout.
Il y a une scène très réussie, que l’on retiendra de ce film par ailleurs trop monocorde : Alors que la troupe se prépare à jouer une pièce d’Ibsen, une jeune comédienne s’insurge contre le fait qu’Eleonora ne répète pas avec ses partenaires. Elle pense que cela va nuire à leur interprétation. Duse vient la rejoindre sur scène et lui donne une véritable leçon d’art dramatique. Pendant quelques minutes, le film de Pietro Marcello flamboie, trouve l’intensité qui aurait dû le parcourir de bout en bout. Hélas, ce n’est qu’un feu de paille.
Peut-être Valeria Bruni-Tedeschi pourra-t-elle prétendre à un prix d’interprétation au palmarès de cette 82e Mostra de Venise. C’est tout ce qu’on lui souhaite. Pour le moment, les films présentés ont proposé davantage de performances masculines remarquables que de performances féminines. Duse a au moins le mérite d’offrir à son actrice principal une occasion de briller, qu’elle saisit pleinement.
On se contentera de cela. Il est quand même dommage qu’en honorant la mémoire d’une femme en avance sur son temps, Pietro Marcello oublie parfois de marcher dans ses pas.
Crédits photos : Erika Kuenka – Images fournies par La Biennale Cinema