L'épreuve du feu

Par Dukefleed

« Ne pas juger le sac à l’étiquette »

Hugo, 19 ans, revient sur l’île atlantique où il a passé de nombreux étés pour les vacances. 5 ans qu’il n’est pas revenu, à force de sport, il a modifié son corps, et celui qui faisait l’objet de moquerie du fait de son surpoids, est vu comme le beau gosse par la bande dans laquelle il était à l’époque. On comprend vite qu’il n’était qu’un faire-valoir de ces jeunes parisiens habitant les grandes demeures en bord de plage, lui d’origine plus modeste habitant dans la petite maison familiale dans les terres. Queen, sa petite amie, débarque sur l’île. Elle a tout d’une cagole, elle l’esthéticienne peu cultivée de milieu populaire et aux tenues clinquantes. Hugo incarne cette jeunesse actuelle obsédée par les apparences et l’envie de plaire surtout qu’il est encore rongé par l’exclusion sociale des années lycées. Cette jeunesse huppée parisienne l’a toujours attiré, et sa nouvelle conquête lui permet de prendre une revanche inespérée ; car un enjeu majeur du film est de montrer comment le groupe à une influence sur l’individu surtout à ces âges où le besoin de normalité prime. Le besoin de faire partie des leaders quitte à s’oublier. Mais la jeune femme affiche en fait une grande douceur, une impressionnante intelligence émotionnelle et une bienveillance à tout épreuve. Bien plus profonde que les apparences, plus sincère et s’acceptant telle qu’elle est ; elle se protège peu et croit en l’autre ; elle est touchante de maturité dans un monde de grands ados pas tendre du tout. Le véritable ami de Hugo est en fait le jeune Kamil, implicitement « l’arabe du coin », pour la jeunesse dorée. Ce dernier est le seul à travailler l’été, la différence de milieu se traduit aussi de cette manière ; mais il est lui clairvoyant sur sa relation avec les bourgeois parisiens ; il sait ne pas faire partie de leur monde et n’a lui pas de revanche à prendre.

Dans ce premier film qui pourrait de prime abord ressembler à un simple badinage estival ; Aurélien Peyre réussit un film bien plus profond et cruel qu’il n’y parait sur le regard que l’on porte sur soi et sur les autres durant l’adolescence. La finesse d’écriture, traçant les contours d’un personnage féminin pas limitée à une simple bimbo, aborde les enjeux sociaux au sein d’une relation amoureuse et l’influence extérieure sur cette dernière. Il mêle donc avec beaucoup de grâce et de cruauté les émois du premier amour à la violence de la lutte des classes qui en dit long sur notre époque. Circoncire aussi l’action du film à une île est très malin ; tout ce beau monde enfermé en un même lieu réduit, quoi de mieux pour représenter les enjeux sociétaux majeurs au travers d’une micro société. On pourra bien entendu voir une démonstration sociologique et quelques facilités narratives ; mais le film est fort aussi car porté par deux magnifiques jeunes comédiens.

On avait vu par le passé dans des films estivaux (« L’année des méduses », « L’été meurtrier », « L’été en pente douce »,…) des personnages féminins fulgurants, solaires et énigmatiques ; Anja Verderosa rejoint ces dernières. Dès son apparition à l’écran, même si le personnage parait chargé dans les premières minutes, elle finira par nous emporter par un jeu tout en nuance, capable de passer du sourire communicatif à un regard mélancolique en une seconde. Son partenaire de jeu commence à se faire un nom ; Félix Lefebvre est ici encore subtil et incarne bien l’ambivalence, les tiraillements, les contradictions d’un jeune homme en devenir ; pris entre ce qu’il désire et ce que l’on attend de lui.

Marianne Leroux : « Le film d'Aurélien Peyre est une ode à rester soi-même, à aimer les gens qu'on aime malgré le regard lourd de la société, à garder ses positions, quitte à ne pas être intégré à des bandes, souvent toxiques. »

A voir pour le propos ET surtout pour deux jeunes comédiens à la prestation irréprochable rendant cette histoire parfois facile très émouvante.

Sorti en 2025

Ma note: 15/20