[Venise 2025] “The Smashing Machine” de Benny Safdie

Par Boustoune

[Compétition Officielle]

De quoi ça parle ? :

De la carrière de Mark Kerr (Dwayne Johnson), l’un des pionniers des combats d’arts martiaux mixtes (MMA). De ses combats violents dans l’octogone, mais aussi de ses crises de couple récurrentes avec Dawn (Emily Blunt) et de sa lutte contre ses démons intérieurs, entre dépression et addiction aux opiacés.

Pourquoi on jette l’éponge ?

Tout est dit plus haut. The Smashing Machine est juste un film à la gloire de Mark Kerr. Si vous êtes un amateur de sports de combats et de MMA, vous saurez peut-être qui il est. Sinon, c’est probablement un illustre inconnu pour vous. Pour nous aussi, à vrai dire. Pourtant, son histoire, on a l’impression de la connaître par coeur. L’histoire du champion invincible qui finit par chuter et tomber dans la déprime, c’est du déjà-vu. Celle du sportif qui, pour supporter les coups violents qu’il se prend dans le buffet et dans le visage à chaque combat, commence à ingurgiter des substances un peu plus fortes que du paracétamol et devenir dépendant, c’est itou! Et le sportif maudit qui perd des combats parce que sa compagne lui fait des scènes juste avant la montée sur le ring, c’est du remâché.
On a vu le Raging Bull de Scorsese, The Fighter de David O’Russell, Warrior de Gavin O’Connor, l’intégrale des Rocky, et tout un tas de films sportifs du même acabit… Rien de bien nouveau ici, ni de franchement passionnant.

Certes, Dwayne Johnson, tout aussi massif que de coutume, mais un plus chevelu, s’est beaucoup investi dans ce rôle – physiquement et artistiquement. Il est tout à fait crédible dans l’octogone ou la salle de musculation, avec sa carrure impressionnante et son passé de catcheur. Mais il est aussi impeccable dans les scènes plus intimistes, où il laisse entrevoir un jeu d’acteur beaucoup plus fin que les films auxquels le cantonnent les producteurs hollywoodiens. C’est lui qui a soufflé l’idée du sujet à Benny Safdie et l’a convaincu de travailler ensemble. Pour autant, on ne parvient pas à s’attacher au personnage et à ses problèmes, à cause d’un scénario qui semble rester en surface et d’une mise en scène sans relief, sans grande imagination et sans intensité.
Scorsese avait su magnifier le parcours de Jack LaMotta dans son Raging Bull en nous immergeant dans les combats avec des prises de vue audacieuses et en utilisant un montage précis et nerveux, d’une grande intensité, pour accompagner la performance magistrale de Robert De Niro. Benny Safdie est un réalisateur correct, mais ne possède pas ce talent. The Smashing Machine correspond plus à un Rocky sous Xanax, limitant les scènes de combat pour privilégier les scènes de ménage. Pourquoi pas, mais celles-ci sont souvent assez absurdes, à l’image du premier accrochage – rendez-vous compte, Dawn fait l’erreur de mettre une demie banane au lieu d’une et demie dans le smoothie de son champion… Oh la la ! – ou mal ficelées. Le personnage de Dawn met du temps à trouver sa place dans le récit, malgré tous les efforts d’Emily Blunt pour la faire exister. Pourtant, ce n’est pas la place qui manquait, puisque les combats sont réduits à de brefs extraits et que toute la partie sur la dépendance du héros aux antidouleurs est juste effleurée. Mais Safdie semble plus intéressé par un troisième larron, Mark Coleman (Ryan Bader). Ami et rival de Kerr, c’est lui le vrai champion. Il a une vie de famille apaisée, les pieds sur terre, accepte l’idée de la défaite mais n’en demeure pas moins impressionnant sur l’octogone, où il pilonne de coups ses adversaires. Il est beaucoup à l’écran, mais étrangement, le cinéaste ne le développe pas plus que cela non plus. Il sert juste de contrepoint au personnage principal. Mais cela ne sert qu’à diluer un peu plus le récit.

La seule scène où on parvient à éprouver un peu d’empathie pour le personnage principal est celle où après sa première défaite, Kerr regagne les vestiaires. Il est remonté contre l’arbitre, qui n’a pas sanctionné son adversaire après le coup dangereux qui l’a sonné et mené à la perte du combat, furieux contre les organisateurs du combat, indifférent aux gestes de soutien de son entraîneur et des soigneurs. Il n’a pas l’air d’un perdant. Juste d’un animal blessé, qui essaie de contenir sa rage. Ce n’est que lorsque la tension retombe un peu et qu’il se retrouve seul dans le vestiaire qu’il laisse échapper ses larmes. Voir cette montagne de muscles, sûre de sa force et de son endurance, se recroqueviller et pleurer comme un enfant, a quelque chose de très émouvant et assez rassurant, d’une certaine façon. Cela lui redonne soudain un peu d’humanité. Et au film un peu d’intensité, flamme trop vite éteinte, hélas.

Bref, The Smashing Machine n’est en rien l’uppercut attendu (ou pas) par les festivaliers. Juste un banal film sportif de plus.

Crédits photos : A24 – Images fournies par La Biennale Cinema