Retour du réalisateur-scénariste Vincent Maël Cardona après un premier film très remarqué avec "Les Magnétiques" (2021). Le projet est né en 2012 après des échanges entre le Directeur Photo Brice Pancot l'ingénieur du son Samuel Aïchoun et le cinéaste avec comme idée de base un prétexte à une mise en scène et donc le huis clos s'est assez vite imposé, le PMU est devenu un second paramètre central : "C'est quoi, quelqu'un qui joue au loto, dans un bar aujourd'hui ? Avec l'idée qu'il y a quelque chose d'assez décisif dans le fait de jouer, de gratter, d'imaginer gagner. C'est un geste qui se passe dans la rue, le matin, le soir, dans des cafés et qui concerne tout le monde. C'est à la fois socialement totalement accepté, anodin, courant, et en même temps, légèrement dévalorisé, un peu douteux. On se dit que c'est un peu idiot de jouer parce qu'on sait très bien qu'on a aucune chance de gagner. Et en même temps, ce n'est pas vrai, in a bien une chance de gagner, une infime chance. Mais il est évidemment déraisonnable de se raccrocher à cette idée. Enfin il y a quand même une notion de croyance. Ceux qui y croient et ceux qui y croient pas. Et puis je tombe sur un livre, déroutant, de Christophe Tarkos : "L'Argent", un long poème de quarante pages qui ressasse de manière magnifique comment "l'argent est la valeur sublime", comment l'argent conditionne intégralement notre rapport aux autres et au monde, comment nous ne pouvons pas nous dégager de son prisme. Alors je repense à la loterie et je ne la vois plus comme un phénomène isolé mais comme un symptôme d'une condition commune, peut-être le symptôme le plus évident, le plus transparent de notre rapport "englué" à l'argent ou à la fortune comme ultime recours pour se sauver dans un monde réduit à sa dimension matérielle." Le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario avec Olivier Demangel auquel on doit les scénarios de film comme "Atlantique" (2019) de Mati Diop, "Novembre" (2022) de Cédric Jimenez ou "Mercato" (2025) de Tristan Séguéla...
Au PMU "Le Roi Soleil", deux collègues policiers prennent leur verre de fin de service quand un vieil homme gagne 200 millions d'euros. Une somme qui fait tourner les têtes jusqu'au drame. Les clients se mettent à imaginer un plan pour se partager la fortune, mais s'ils comprennent qu'il faut s'arranger avec la réalité et sa conscience ils oublient que le destin a son mot à dire... Les deux flics sont incarnés par Pio Marmaï vu récemment dans "A toute Allure" (2024) de Lucas Bernard et "L'Attachement" (2024) de Carine Tardieu, puis Sofiane Zermani vu dans "Reine Mère" (2025) de Manele Labidi et "Les Règles de l'Art" (2025) de Dominique Baumard. Citons ensuite la jolie Lucie Zhang révélation de "Les Olympiades" (2021) de Jacques Audiard et vue depuis dans "Un Métier Sérieux" (2023) de Thomas Lilti et "Captives" (2023) de Arnaud des Pallières, Panayotis Pascot vu dans "Nouveaux Riches" (2023) de Julien Royal et "Banger" (2025) de So Me, Joseph Olivennes (fils de Kristin Scott Thomas) qui retrouve son réalisateur après "Les Magnétiques" (2021) et vu depuis dans "La Vallée des Fous" (2024) de Xavier Beauvois et "La Femme la plus Riche du Monde" (2025) de Thierry Klifa, Nemo Schiffman apparu dans "L'Empereur de Paris" (2018) de Jean-François Richet et la catastrophe "Toutes pour Unes" (2025) de Houda Benyamina, Maria De Medeiros vue dernièrement dans "Une Affaire de Principe" (2024) de Antoine Raimbault, "Ange" (2025) de Tony Gatlif et "Reflet dans un Diamant Mort" (2025) de Hélène Cattet et Bruno Forzani, puis enfin l'"heureux gagnant" incarné par Claude Aufaure aperçu dans des films comme "Chouans !" (1988) de Philippe De Broca, "La Fille sur le Pont" (1999) de Patrice Leconte, "Laissez-Passer" (2002) de Bertrand Tavernier ou "La Belle Epoque" (2019) de Nicolas Bedos... Le film débute avec un prologue historique un peu lourd, et s on comprend l'ironie de l'Histoire il ne sert pas grand chose au vu de l'intrigue. Un premier concept poussif donc avant de nous emmener dans ce petit troquet PMU qui ne donne certainement pas envie d'aller y boire un petit verre. Néanmoins on y est, et aussitôt se met en place l'autre concept, à savoir un montage chronologique aléatoire sur deux niveaux et c'est là que le bât blesse. En effet, le scénario avance d'abord avec le récit réel des faits mais avec déjà différents points de vue, mais ce système permet souvent de déceler un soucis, un angle différent qui sera utile plus tard alors qu'ici les faits avérés le sont d'emblée et le système des différents points de vue ne sert à rien. A contrario on comprend ce jeu des versions différentes quand se met en place les alternatives, les champs du possible afin que les protagonistes s'en sortent indemnes et surtout millionnaires. Le premier soucis est donc ce choix de jouer avec la chronologie de façon trop systématique, de façon gratuite et superflue dans sa première demi-heure, plus efficacement ensuite. L'autre soucis reste le temps, le timing, où comment deux flics se laissent bêtement aveugler par ce qui est pourtant essentiel à savoir le temps. L'histoire prend l'eau à cet instant, soit la décision se prend en 5mn et on se lance soit pris par le temps la crédibilité s'estompe d'autant ensuite.
Pourtant le temps est long, trop long pour qu'un quelconque plan puisse fonctionner ensuite et donc trop long pour le spectateur qui sait alors que ça ne peut fonctionner. Forcément il y aura un couac, déjà légèrement attendu, il devient obligatoire dès le milieu du film qui devient un peu long. Le pire est quand arrive le personnage de la propriétaire, un personnage superflu et inutile qui rallonge un récit déjà bien alambiqué et donc difficilement tenable dans sa vraisemblance. Dommage, car les autres personnages forment un panel intéressant, le duo de flics fonctionnent à merveille avec une évolution des deux à laquelle on ne s'attend pas forcément. Mais le plus réussi reste les décors, le bar en lui-même est un PMU dégueulasse dans sa version troquet de piliers de bar, mais les arrières-salles renvoient à d'autres genres, la cuisine s'inscrit bien dans les vieux polars asiatiques, la grande salle renvoie à des films de genre plus baroque et donc à un côté moins réaliste, tandis que les caves renvoient au film d'horreur des seventies. Le potentiel est là, l'idée est excellente, les personnages magnifiquement croqués et interprétés, mise en scène qui use parfaitement de son espace et de ses décors, mais il manque l'enjeu du timing qui n'aurait jamais dû être autant occulter, et un personnage de proprio clairement de trop. Ca reste un film intéressant et prenant loin d'être déplaisant.
Note :