Troisième long métrage après "Namo" (2020) et "No end" (2022) pour Nader Seivar qui retrouve une nouvelle fois son ami et confrère Jafar Panahi, après leur écriture sur "Namo", rappelons aussi que les deux hommes ont remporté le Prix du Scenario au Festival de Cannes 2018 (ex-aequo avec "Heureux comme Lazzaro" de Alice Rohrwacher) avec "Trois Visages" (2018) de Panahi avant une nouvelle collaboration sur "Aucun Ours" (2022) toujours de Panahi. Précisons que ce dernier est également le monteur du film. Le cinéaste s'est inspiré du mouvement "Femme, Vie, Liberté" par lequel les femmes se sont rebellées contre le pouvoir islamiste iranien à travers le chant, la danse et surtout le retrait du hijab. Notons que l'actrice principale du film qui a 72 ans, est justement un symbole du mouvement, elle fut en effet une des premières à avoir retiré son voile ! Le film a été présenté au Festival de Venise où il a remporté le Prix du Public. Mais le film aborde un sujet hautement politique et comme souvent en Iran, le cinéaste a dû tourner dans la clandestinité avant de fuir son pays pour vivre désormais à Berlin...
En Iran, Tarlan, professeure de danse à la retraite est témoin d'un meurtre commis par une personnalité influente du gouvernement. Elle le signale à la police qui refuse d'enquêter soit disant par manque de preuves. Elle doit alors choisir entre céder aux pressions politiques ou risquer sa réputation comme ce qu'elle possède pour obtenir justice... Tarlan est incarnée par Maryam Boubani vue entre autre dans "Les Murmures du Vent" (2010) de Shahram Alid, "Une Femme Iranienne" (2015) de Negar Azarbayjani, "Entre Deux Feux" (2022) de Daphne Charizani ou "Heart of Darkness" (2023) de Masoud Ahmadi. Citons ensuite Nader Naderpour apparu dans "Cold Breath" (2017) de Abbas Raziji ou "Avalin Emza Baraie Ra'Na" (2018) de Ali Zhekan, Abbas Imani vu dans "Sorkhpoost" (2019) de Nami Javidi et retrouve après "Alafzar" (2022) de Kazem Daneshi son partenaire Farid Eshaghi vu aussi dans "Orman" (2022) de Mohsen Rabiei, Ghazal Shojaei vu dans "Sayarak" (2021) de Mehdi Hosseinivand ou "Juste une Nuit" (2022) de Ali Asgari, Naser Hashemi qui retrouve les cinéastes après "Aucun Ours" (2022) à l'instar de son camarade Vahid Mobasseri qui était également dans "No End" (2022)... Le titre en V.F. accentue le genre thriller ou Film Noir en renvoyant forcément à un certain Alfred Hitchcock, le titre en V.O. "The Witness" ("le témoin") semble plus générique mais ça reste un titre qui envoie un mauvais message car le film n'est pas un thriller ou un polar à suspense mais un drame psycho-sociétal comme le cinéma iranien en offre très régulièrement souvent sous les noms prestigieux de Jafar Panahi ou Asghar Farhadi.
La danse n'est donc pas interdite formellement en Iran, mais la pression islamiste et/ou sociale impose une mise à l'écart et une marginalité de cette discipline et surtout des femmes qui la pratiquent. Via cette thématique le réalisateur-scénariste suit la mouvance féministe qui lutte en Iran essentiellement depuis 3-4 ans, la danse devenant un étendard, le symbole de la liberté des femmes face à un régime misogyne et dictatorial. Par contre l'intrigue autour du meurtre n'est pas très probant... ATTENTION SPOILERS !... Tarlan/Boubani n'est en fait témoin de rien, c'est son gendre qui lui explique ce qu'elle a pu ou cru voir, ensuite il est difficile de croire qu'elle n'a pas reconnue sa propre fille dans sa propre chambre... FIN SPOILERS !... Finalement, l'intrigue principale devient ainsi peu intéressante, seul compte alors ce combat perdu d'avance entre une vieille femme et une machine judiciaire trop patriarcale, soit la sempiternelle lutte du pot de terre contre le pot de fer. Outre cette histoire de témoin, l'autre vraie soucis reste la mise en scène, trop saccadée, sans fluidité qui ne peut mettre en place aucune tension dont aurait eu besoin justement un tel récit. Par contre on est une fois de plus happé par cette immersion dans une société viciée, où même les femmes se surveillent les uns les autres, avec en prime l'actrice Maryam Boubani qui porte littéralement le film sur ses épaules, comme un poids ou une croix, souffrant de ce qu'elle sait.
Note :
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