Un grand merci à Tamasa Distribution pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La traite des blanches » de Luigi Comencini.
« J’en ai marre d’être fauché. L’honnêteté ne paie pas. »
Dans l’Italie d’après-guerre, nombreux sont ceux qui se retrouvent démunis et des petits voyous vont profiter de cette détresse. L’un d’eux, Manfredi, propose à des femmes de participer à des marathons de danse aux Etats-Unis. Il s’agit d’un traquenard visant à les embrigader dans un réseau de prostitution…
« Moi je coute cher : tu m’as prise par appât du gain, pas pour claquer »
Architecte de formation, Luigi Comencini vient au septième art par le biais de la cinéphilie et de la conservation (il participe à la fondation de la Cineteca italiana), avant de devenir successivement critique, scénariste, puis enfin réalisateur à partir de la fin des années 40. Il a alors une petite trentaine d’années. S’il s’impose rapidement comme l’un des grands noms de la comédie italienne (« Pain, amour et fantaisie » et sa suite « Pain, amour et jalousie », « Maris en liberté », « Don Camillo en Russie »), sa filmographie particulièrement riche couvre en réalité un spectre beaucoup plus large, qui fait aussi la part belle à des œuvres beaucoup plus dramatiques (voire sombres) dans lesquelles il laisse poindre une certaine tendresse pour les plus humbles (« La grande pagaille »), un rejet des injustices sociales (« L’argent de la vieille »), une fascination pour les blessures intimes et le monde de l’enfance (« L’incompris », « Les aventures de Pinocchio »).
« Au quartier, on vit de pain et d’espoir. Et souvent d’espoirs sans pain. »
Tourné en 1952, avant ses premiers grands succès populaires, « La traite des blanches » est un drame social très ancré dans la réalité italienne de l’immédiat après-guerre. On y suit plusieurs jeunes femmes issues des bidonvilles génois venues participer à un marathon de danse – alors très prisés – dans l’espoir d’y décrocher un prix qui le sortirait (momentanément du moins) de leur extrême précarité. Sans savoir qu’il s’agit là d’un piège organisé par la pègre locale, en quête de jeunes femmes vulnérables à envoyer en Amérique pour y alimenter les réseaux de prostitution. Loin du registre de la comédie auquel on aura tendance – de façon réductrice – à l’associer, Comencini signe là un film très sombre à la croisée du film noir américain et du drame social néoréaliste, qui alterne des séquences quasi documentaires sur la vie dans les bidonvilles et des séquences de danse effrénées et éprouvantes, par lesquelles il filme le tragique de cette jeunesse qui se démène jusqu’à l’épuisement de façon totalement vaine. Un peu à la manière d’une version moderne des jeux du cirque où l’exploitation de la misère humaine se ferait sous forme de spectacle populaire. Mais dans tous les cas, le cinéaste ne juge jamais ces femmes, qui se compromettent par nécessité, au risque de devenir les victimes d’une société sans pitié qui cherche toujours à exploiter les plus faibles. Au contraire, il se range même du côté des opprimés, le temps d’une séquence finale qui n’est pas sans rappeler celle de « M le maudit ». Comencini signe là un film âpre et puissant, qui servira à l’évidence d’inspiration à des films tels que « Des femmes disparaissent » (1958) d’Edouard Molinaro ou encore « On achève bien les chevaux » (1969) de Sydney Pollack.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version intégrale restaurée dans un Master Haute-Définition et proposé en version originale italienne (1.0). Des sous-titres français sont également proposés.
Côté bonus, le film est accompagné de « La Traite des Blanches par Aurore Renaut », retour sur le film, son contexte, sa place dans la filmographie de Comencini (24 min.) ainsi que d’une Bande-annonce.
Édité par Tamasa Distribution, « La traite des blanches » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 22 octobre 2024.
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