[Venise 2025] “The Last Viking” d’Anders Thomas Jensen

Par Boustoune

[Hors Compétition]

De quoi ça parle ?

Des relations fraternelles, parfois heurtées mais pleines de tendresse, entre un bad boy plein de colère et son frère “différent”, atteint de troubles psychiques.
Et des rencontres qu’ils font sur leur parcours, avec des personnages excentriques ou des fous furieux.
En bref, de la difficulté à laisser sa personnalité s’exprimer dans un monde où la norme est de mise.

Pourquoi on est au Valhalla?

Au début, on pense assister à un thriller violent. Un braquage a été commis, durant lequel un garde a été tué, et la police traque les membres du gang. Anker (Nikolaj Lie Kaas) est arrêté et condamné à quinze ans de prison. Mais le magot, plus de 40 millions de couronnes, n’est pas retrouvé.
A sa sortie, Anker est approché par un ancien complice, du genre grizzly patibulaire, qui lui laisse trois jours pour lui donner le magot. Mais encore faut-il pouvoir le récupérer… Avant d’être appréhendé, Anker a confié à son frère Manfred (Mads Mikkelsen), le soin de planquer son butin à la campagne, près du chalet où ils vivaient enfants. Le problème, c’est que Manfred est atteint depuis toujours de troubles mentaux. Il a bien enterré l’argent, mais refuse de dire où il se trouve. Il a d’autres préoccupations.
Entre les chiens du voisinage, qu’il kidnappe régulièrement, et son obsession pour les petits pains, il a de quoi faire. De toute façon, il ne s’appelle plus Manfred, mais John, puisqu’il se prend pour l’ex-chanteur des Beatles. Quand quelqu’un l’appelle autrement, il a aussi la fâcheuse tendance à essayer de se suicider.

Le film prend alors la forme d’une comédie loufoque, dans l’esprit des films de Francis Veber, comme La Chèvre ou Les Compères – on y pense d’autant plus que Mads Mikkelsen, dans ce film, a des cheveux blonds bouclés, comme Pierre Richard – ou dans la lignée de Rain Man. Non sans mal, Anker réussit à entraîner son turbulent frangin jusqu’au chalet de leur enfance, désormais transformé en gîte tenu par Margrethe (Sofie Gråbøl) et son époux Werner (Søren Malling), espérant que le voyage lui rafraîchira la mémoire. Mais il se heurte toujours à la personnalité de John, qui, lui, ne comprend rien à cette histoire d’argent caché. Le déclic viendra peut être de Lothar (Lars Brygmann), un psychiatre aussi siphonné que ses patients, obsédé par Ikea et la reformation des Beatles, qui a suivi la trace des deux frères et est venu lui aussi séjourner au gîte avec ses protégés.

Là, on pense que le film s’est stabilisé, que le ton de comédie va perdurer jusqu’au bout. Mais là encore, on se trompe. Le film change encore de tonalité, prend un tour plus dramatique. En revenant sur les lieux de leur enfance, les deux frères sont assaillis de souvenirs de famille, pas forcément heureux et on comprend que celui des deux frères qui a le plus occulté le passé n’est pas celui qu’on pense.

The Last Viking est donc un film qui réserve de multiples surprises, mélange les genres avec frénésie et propose assez de moments de bravoure pour que l’on ait envie de suivre sa troupe d’acteurs jusqu’au bout, avec délice.

On ne sait pas si le réalisateur, Anders Thomas Jensen, a plusieurs personnalités. Mais on n’a aucun problème à ce qu’il passe de l’une à l’autre, tant que ses films sont aussi réjouissants, que ce soit en tant que scénariste ou réalisateur. Après The Green Butchers, Adam’s apples et Men & chicken, il nous emmène vraiment au Valhalla avec cette comédie noire irrésistible. On ne voit pas si souvent des films où cohabitent les Beatles, Abba, Ikéa, Heinrich Himmler, des gangsters, une ex top model et un type défiguré par les airbags défectueux ! Sans parler des vikings !
Par Odin ! Que cela fait du bien de voir une oeuvre aussi folle !

Crédits photos : Rolf Konow – Images fournies par La Biennale Cinema