82ème Mostra Internazionale d’Arte Cinematografica – Biennale Cinema – Venise (Italie)
– du 27 août au 6 septembre 2025 –
Paolo Sorrentino fera l’ouverture avec La Grazia. Après avoir rendu un vibrant hommage à sa ville natale dans La Main de Dieu et Parthenope, le cinéaste revient avec un nouveau film dont on ne sait pas grand chose, sinon qu’il est revendiqué comme une “oeuvre romantique” et sera interprété par Toni Servillo et Anna Ferzetti. On peut aussi présumer sans trop de suspense que ce nouveau long-métrage sera à la hauteur des attentes en termes de mise en scène et de création d’une ambiance envoûtante, pour permettre à Sorrentino de décrocher, peut-être, la prestigieuse statuette dorée, quatre ans après avoir gagné le Grand Prix du Jury et dix-sept ans après le Prix du Jury gagné à Cannes pour Il Divo.
Le cinéaste napolitain devra toutefois composer avec une sérieuse concurrence. Notamment celle de ses talentueux compatriotes.
Déjà, Leonardo di Costanzo, qui nous avait enchantés avec Ariaferma, film carcéral atypique, contemplatif, sans violence ni haine. Le cinéaste reste dans l’univers de la prison avec Elisa puisqu’il filme la rencontre d’un criminologue (Roschdy Zem) avec une détenue (Barbara Ronchi), condamnée pour le meurtre horrible de sa soeur.
Puis Pietro Marcello, réalisateur de Martin Eden et de L’Envol, qui revient sur le Lido avec Duse, portrait d’Eleonora Duse (jouée par Valeria Bruni Tedeschi), comédienne rivale de Sarah Bernhardt à la fin du XIXe siècle.
Franco Maresco, lui, présentera son “documentaire” Un film fatto per Bene, à la fois portrait de l’acteur Carmello Bene, icône de la scène avant-gardiste italienne, et du cinéaste lui-même, mais surtout plongée dans les coulisses de la création d’un film,avec ses soubresauts, ses interruptions et son parcours semé d’embûches.
Enfin, Francesco Rosi, déjà lauréat d’un Lion d’Or en 2013 pour Sacro GRA mais aussi d’un Ours d’Or pour Fuocoamare, tentera d’obtenir une nouvelle récompense pour Sotto le nuvole, qui fait se confronter drames antiques (la catastrophe de Pompéi) et problématiques contemporaines, à l’aide de considérations philosophiques et politiques dont le cinéaste a le secret.
D’autres précédents lauréats du Lion d’Or seront aussi en compétition cette année, à commencer par Guillermo Del Toro. Primé en 2017 pour La Forme de l’eau, le cinéaste mexicain signe cette fois une adaptation de Frankenstein, avec Oscar Isaac en savant fou et Jacob Elordi dans le rôle de la créature, plus Christoph Waltz, Mia Goth, Charles Dance, et Lars Mikkelsen au casting.
Lauréat du Lion d’Or 2003 pour Pauvres créatures, Yorgos Lanthimos est de retour avec Bugonia, un thriller horrifique loufoque dans lequel deux complotistes (Jesse Plemmons et Aidan Delbis) kidnappent la dirigeante d’un grand groupe pharmaceutique (Emma Stone), persuadés qu’elle est en réalité une extraterrestre voulant détruire la Terre. Il s’agit du remake d’un film sud-coréen bien énervé, Save the green planet. Entre les mains du cinéaste grec, cela devrait donner quelque chose de détonnant.
Puisqu’on parle de cinéma coréen, celui-ci sera représenté par Park Chan-wook. Eojjeol suga eopda (No Other Choice), son nouveau long-métrage, est aussi un remake, celui du Couperet de Costa Gavras, lui même adapté d’un romand de Donald Westlake. A la sauce sud-coréenne, cela devrait valoir le détour.
Comme d’habitude, la délégation française est bien fournie. Olivier Assayas donnera à Jude Law l’occasion d’incarner Vladimir Poutine dans le thriller politique The Wizard of the Kremlin, aux côtés de Paul Dano, Alicia Vikander, Tom Sturridge et Jeffrey Wright.
Valérie Donzelli mettra Bastien Bouillon À pied d’œuvre dans une adaptation du roman autobiographique de Franck Courtès. François Ozon, lui, s’attaque à l’adaptation de L’étranger d’Albert Camus, retrouvant pour l’occasion Benjamin Voisin, entouré de Rebecca Marder, Pierre Lottin, Denis Lavant et Swann Arlaud.
La délégation américaine est elle aussi très attendue, puisque la compétition vénitienne constitue souvent un beau tremplin pour les Oscars.
Cette année, on retrouvera Noah Baumbach avec Jay Kelly et un impressionnant casting (George Clooney, Adam Sandler, Laura Dern, Billy Crudup, Riley Keough, Grace Edwards, Stacy Keach, Jim Broadbent, Patrick Wilson, Eve Hewson, Greta Gerwig, Alba Rohrwacher, Josh Hamilton, …), qui nous entraînera dans un périple au coeur de l’Europe et de la relation amicale entre un acteur et son manager.
Katryn Bigelow nous plongera, elle, dans une ambiance plus tendue avec A House of Dynamite, qui met des dirigeants américains face à l’imminence d’une attaque de missiles sur leur territoire.
Benny Safdie, pour une fois sans son frère Josh, nous proposera le biopic d’un catcheur et combattant de MMA, Mark Kerr (Dwayne Johnson) avec The Smashing machine.
Jim Jarmusch présentera de son côté Father Mother Sister Brother un film à sketchs qui associe Tom Waits, Adam Driver, Mayim Bialik, Charlotte Rampling, Cate Blanchett, Vicky Krieps, et promet des moments drôles et émouvants.
L’émotion devrait aussi être au rendez-vous dans The voice of Hind Rajab de Kaouther ben Hania, puisque la réalisatrice tunisienne traite du meurtre d’une fillette palestinienne par l’armée israélienne, alors qu’elle tentait de fuir son quartier de la bande de Gaza, durant les bombardements, début 2024. Le film devrait susciter quelques remous dans le contexte actuel et le refus des autorités israéliennes de cesser leurs opérations militaires, mais on peut faire confiance à la cinéaste pour traiter le sujet avec délicatesse et finesse.
On attend aussi avec curiosité The Testament of Ann Lee de Mona Fastvold, qui nous entraîne au XVIIIe siècle dans le sillage d’Ann Lee (Amanda Seyfried) , fondatrice de la secte des “Shakers”, un groupe de croyants dérivé du protestantisme et du mouvement des Quakers. Le scénario est cosigné par Mona Fastvold et son compagnon Brady Corbet, c’est-à-dire le duo déjà à l’oeuvre dans Vox Lux et The Brutalist.
Dans ce dernier, présenté l’an passé sur la lagune, suivait le périple d’un architecte d’origine hongroise tentant sa chance aux Etats-Unis avant de se voir honoré par la Biennale de Venise, on s’amusera du parallèle avec les deux cinéaste hongrois, en lice cette année pour des prix prestigieux. Laszlo Nemes présentera son troisième long-métrage, Orphan, sept ans après Sunset. Le film se déroule en 1957, après la tentative de révolte du peuple hongrois contre le régime communiste en place, et suit un jeune garçon qui découvre le destin de sa mère durant la Seconde Guerre Mondiale. Ildikó Enyedi, de son côté, viendra montrer Silent Friend, dont le synopsis, qui parle de la rencontre de deux rythmes de vie, celui des humains et celui des arbres, attise autant la curiosité que son casting, où se croisent Tony Leung Chiu-wai, Luna Wedler, Enzo Brumm, et Léa Seydoux.
Deux films chinois complètent la sélection de films en compétition : Ri gua zhong tian (The sun rises on us all) de Cai Shangjun, dont on n’avait plus trop de nouvelles depuis People Mountain People Sea. Et Nühai (Girl), premier film de Shu Qi en tant que cinéaste. Si elle s’est inspirée de certains des metteurs en scène qui l’ont sublimée à l’écran (Hou Hsiao-hsien et Bi Gan, notamment), on devrait se régaler.
Voilà en tout cas de quoi donner envie aux cinéphiles qui assisteront à la 82ème édition du plus ancien des festivals de cinéma de la planète.
Si cela ne suffisait pas, les autres sections devraient apporter leur lot de plaisirs supplémentaires.
Hors compétition, cette année, il y a de sérieux clients.
Là encore, honneur aux cinéastes locaux : Luca Guadagnino, un an après Queer, revient déjà sur le Lido avec After the Hunt, un thriller avec Julia Roberts, Ayo Edebiri, Andrew Garfield, Michael Stuhlbarg et Chloë Sevigny.
Antonio Capuano racontera, avec L’isola di Andrea une crise de couple, à travers un regard d’enfant. Andrea Di Stefano retrouve Pierfrancesco Favino pour Il Maestro, axé autour de la relation entre un ancien champion de tennis, aujourd’hui entraîneur, et son jeune protégé.
Paolo Strippoli, lui, entraîne la bellissima Romana Maggiora Vergano dans une histoire fantastico-horrifique étrange, La valle dei sorrisi, où il est question d’un jeune homme étrange qui absorbe la douleur des autres et des perturbations occasionnées par l’arrivée d’un professeur un peu trop curieux. Avec Orfeo, Virgilio Villoresi semble adapter le roman graphique de Dino Buzzati, “Poema a fumetti”, et transposer le mythe d’Orphée dans l’Italie des années 1960.
C’est un autre auteur italien qui est au coeur de In the Hand of Dante, mais c’est Julian Schnabel qui est aux commandes de ce film qui associe, Oscar Isaac, Gal Gadot, Gerard Butler, Al Pacino, John Malkovich, Martin Scorsese, Jason Momoa, et Franco Nero.
L’artiste américain n’avait plus signé de film depuis At Eternity’s Gate, il y a sept ans.
Autre “revenant”, Gus Van Sant, qui signe Dead Man’s Wire, histoire d’une prise d’otages ayant défrayé la chronique dans les années 1970. Il embarque dans l’aventure Bill Skarsgård et Dacre Montgomery.
Anders Thomas Jensen vogue vers d’autres contrées et d’autres temps avec Den Sidste Viking (The Last Viking), qui réunit Nikolaj Lie Kaas, Mads Mikkelsen et Sofie Gråbøl.
On attend aussi beaucoup du retour d’Hilal Baydarov sur le Lido. Le cinéaste azerbaïdjanais, auteur du très beau In between dying, revient avec Boşluğa xütbə (Sermon to the Void) pour confirmer les belles promesses entrevues avec ses précédents films.
Mais nul doute que les cinéphiles vénitiens auront davantage les yeux tournés vers Hateshinaki Scarlet, le nouveau film d’animation de Mamoro Hosoda, l’un des auteurs les plus adulés par le public et les critiques. Ou vers Chien 51, le nouveau film de Cédric Jimenez, avec Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Louis Garrel, Romain Duris, et Valeria Bruni Tedeschi. Ce thriller de SF semble porté par la même énergie que les précédents opus du cinéaste et devrait réveiller les spectateurs si les oeuvres présentées s’avéraient un peu trop sages.
Dans la section parallèle Orizzonti, les festivaliers pourront aussi découvrir près d’une vingtaine de longs-métrages, dont Divine comédie d’Ali Asghari, Rose of Nevada de Mark Jenkins, Late fame, de Kent Jones, avec Willem Dafoe, l’un des chouchous du public de la Mostra, qui joue également dans The Souffleur de Gastón Solnicki.
Si ça ne suffit pas à combler les appétits des cinéphiles les plus insatiables, la section Giornate degli autori propose aussi sa sélection de dix films en compétition, avec beaucoup de premiers longs-métrages, ainsi que quelques belles projections spéciales, dont le nouveau film de Claire Simon (Ecrire la vie, Annie Ernaux racontée par des lycéennes et des lycéens), celui de Gianni Di Gregorio (Come ti muovi sbagli) ou de Sharuna Bartas (Laguna).
La section Settimana Internazionale della critica permet aussi de découvrir une dizaine de films signés par des talents émergents.
Venezia spotlight, inspirée de la section Cannes Première, présente aussi quelques longs-métrages, dont les nouveaux films de Maryam Touzani, Daniele Vicari et Potsy Poncirolli.
Et la section Biennale College ajoute encore 4 films à une sélection déjà bien fournie ! Il n’y avait vraiment pas de quoi s’inquiéter quant à la quantité de films disponibles pour composer une très belle sélection. Après, il faudra juger du niveau des oeuvres, mais sur le papier, il y a de quoi séduire nos pupilles !
Enfin, pour être complet, le festival propose aussi sa sélection de film classiques restaurés et de documentaires sur le cinéma, quelques séries en avant-première et une section Venice Immersive, en réalité virtuelle, qui présentera entre autres Asteroid de Doug Liman.
Plus d’informations : La Biennale