Troisième long métrage pour notre française Julia Ducournau devenue un palier incontournable du cinéma de genre après son très remarqué "Grave" (2016) et sa Palme d'Or "Titane" (2021). Cette idée a germé depuis des années dans la tête de la réalisatrice-scénariste, en puisant aussi dans ses souvenirs d'enfance avec d'abord les souvenirs traumatiques autour du SIDA, puis en y ajoutant des souvenirs plus personnels notamment en lien avec ses origines kabyles, tandis que la cinéaste continue à explorer les questions autour des mutations physiques comme psychologiques qui semblent l'obséder depuis son court métrage "Junior" (2011). La cinéaste retrouve une bonne partie de son équipe technique habituelle comme le Chef opérateur Ruben Impens, le compositeur Jim Williams ou le monteur Jean-Christophe Bouzy. Le film est interdit au moins de 12 ans... Au Havre dans les années 80, Alpha a 13 ans et est harcelée à l'école où une rumeur raconte qu'elle serait atteinte d'une nouvelle maladie. Une rumeur sans doute due au travail de sa mère, médecin dans un hôpital en zone fermée pour des malades atteintes d'un virus mystérieux. Quand Alpha rentre à la maison avec un tatouage sur le bras sa mère voit son monde s'écrouler, alors qu'elle panique en espérant que le tatoueur a su protéger sa fille d'une éventuelle infection, elle doit aussi s'occuper de son frère Amin qui débarque alors qu'il est un toxicomane séropositif...
Le rôle titre de l'ado est tenu par Melissa Boros révélée dans "Le Silence de Sibel" (2021) de Aly Yeganeh, tandis que son personnage à 5 ans est incarné par la toute jeune Ambrine Trigo Ouaked déjà aperçu dans quelques épisodes télé mais qu'on va bientôt revoir dans plusieurs films dans les moins prochains. Sa mère est jouée par Golshifteh Farahani vue récemment dans "Roqya" (2023) de Saïd Belktibia et "Lire Lolita à Téhéran" (2024) de Eran Riklis, et l'oncle Amin est joué par Tahar Rahim vu dans "Napoléon" (2023) de Ridley Scott, "Madame Web" (2024) de S.J. Clarkson et "Monsieur Aznavour" (2024) de Grand Corps Malade et Mehdi Idir. Citons ensuite l'infirmière Emma Mackey vue dans "Emily" (2022) de Frances O'Connor, "Barbie" (2023) de Greta Gerwig et "Hot Milk" (2025) de Rebecca Lenkiewicz, le prof d'anglais Finnegan Oldfield vu dernièrement dans "Vermines" (2023) de Sébastien Vanicek ou "Brûle le Sang" (2024) de Akaki Popkhadze, puis citons Louai El Amrousy apparu dans la série TV "SKAM France" (2021-2022), Christophe Perez aperçu dans "Revanche" (2017) de Stephane Roquet ou "Voyoucratie" (2018) de FGKO, et enfin Jean-Charles Clichet apparu dans "Les Barbares" (2024) de et avec Julie Delpy ou "En Tongs au Pied de l'Himalaya" (2024) de John Wax... Années 80, années SIDA, l'histoire le nomme jamais mais on y pense constamment tandis que la réalisatrice-scénariste impose une époque plus floue et indéterminée surtout quand on comprend que le récit est en flash-backs entre deux époques mais dans une sorte de monde apocalyptique, pré- il y a 10 ans et quasiment post- au moment présent du film. Ainsi quoi de plus normal qu'un médecin prenne peur quand sa fille se retrouve avec un tatouage amateur alors qu'un virus agressif et inédit décime une partie de la population. Pourtant, dans le même temps il y a un gros bémol, incompréhensible... ATTENTION SPOILERS !... Quelle femme, une médecin de surcroît, digne et responsable, et donc comment peut-elle laisser sa fillette, puis son ado, sous la surveillance d'un gros junkie suicidaire ?!... FIN SPOILERS !... D'autant plus déplorable que cette décision emmène tout le reste. Dommage ce point est fatal et ne permet pas au film d'être meilleur que "Grave" (2016) et "Titane" (2021).
Pourtant on est happé par la présence mortifère et squelettique du frère, un Tahar Rahim impressionnant en junkie avec ses plus de 20kg en moins et un jeu plus immersif que jamais. Les deux rôles féminins ne sont pas en reste, certe moins spectaculaire mais pas moins difficile émotionnellement. On a bien du mal à comprendre où la réalisatrice veut aller avec ce "A" tatoué sur le bras de Alpha, le film est dans sa première partie surtout focalisé sur Alpha comme dans un teen movie qu'on devine bientôt dramatique avec ses luttes intestines à l'école notamment. Mais les flash backs vont prendre de l'importance, le scénario va se montrer sous tous ses prismes avant qu'on décèle ce qui va en fait arriver... ATTENTION SPOILERS !... le tatouage s'avère en fait un prétexte, révélateur d'un trauma passé profond il y a dix ans, le fond de l'histoire est donc surtout l'amour entre un frère et une soeur et surtout les dommages tragiques autour de la dépendance... FIN SPOILERS !... Ainsi, le concept du film est le "gisant" comme déclaré par JUlia Ducournau en amont du film, théorie psychanalytique où le traumatisme d'une mort brutale se transmet à un descendant. L'idée est juste passionnante et la réalisatrice-scénariste construit un scénario malin qui laisse le spectateur dans sa quête de compréhension avec ses métaphores ou allégories jusqu'au dénouement final métaphysique. Magnifique idée en prime sur les conséquences du virus, et des effets visuels une fois de plus soignés et justes. Julia Ducournau est sans conteste la plus grande réalisatrice française, elle confirme encore toute sa créativité et toute son audace, cette fois on chipotera tout de même sur une mère médecin aux réactions trop incohérentes au niveau instinct maternel. Ca reste un excellent film à voir et à conseiller.
Note :