Quatrième long métrage du couple franco-turc Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti après le road-movie "Noor" (2012), le fantastique "Ningen" (2013) et le néo-western "Sibel" (2019). Cette fois le couple de producteurs-réalisateurs-scénaristes aborde le thriller psychologique en huis clos en mettant en avant une fois encore le portrait d'une jeune femme. Le contexte s'inspire que la Turquie a connu durant les années 90 une explosion des call centers érotiques comme l'explique Cagla Zencirci... 1999 à Ankara, Arzu enchaîne les appels tarifés dans un call center érotique. Quand un séïsme secoue le pays Arzu reçoit un appel d'un homme qui affirme qu'il est en fait une victime ensevelit sous les décombres et supplie Arzu de le secourir. Finalement Arzu saurait à qui faire appel mais ce serait aussi à ses risques et périls...
Arzu alias Sabiha est incarnée par Saadet Isil Aksoy remarquée dans "Yumurta" (2008) et "Milk" (2010) tous deux de Semih Kaplanoglu puis vue dans "Eastern Plays" (2010) de Kamen Kalev ou"Venir au Monde" (2013) de et avec Sergio Castellitto. Citons ensuite Erkan Kolçak Köstendil vu dans "Kara Bela" (2015) de Burak Aksak, "Müslüm" (2017) de Ketche et Can Ulkay ou "The Things You Kill" (2025) de Alireza Khatami et retrouve ses réalisateurs après "Sibel" (2019), Muhammet Uzuner vu dans "Home" (2011) de Muzaffer Özdemir, "Il était une Fois en Anatolie" (2011) de Nuri Bulgi Ceylan ou "Mold" (2012) de Ali Aydin, Nilgün Türksever essentiellement connu pour la série TV "Yargi" (2021-2024), Osman Alkas vu dans "Halam Geldi" (2013) de Erhan Kozan, "Baba Parasi" (2019) de Selçuk Aydemir, "Commitment" (2019) de Semih Kaplanoglu ou "La Vie" (2024) de Zeki Demirkubuz, Elit Andaç Cam vue dans "Les Herbes Sèches" (2023) de Nuri Bilge Ceylan, puis Ilber Uygar Kaboglu surtout apparu à la télévision outre le film "Locman" (2018) de Sukru Alacam, à l'instar de son partenaire Kivanç Kilinç vu surtout à la télévision exception faite du film "Karaoglan" (2013) de Kudret Sabanci... Le film se situe dans un sous-genre qui a déjà montré ses limites, le très bon avec "Phone Game" (2003) de Joel Schumacher, le plus commercial avec "The Call" (2013) de Brad Anderson, le plus singulier avec l'intéressant "Locke" (2014) de Steven Knight et son remake français inutile "Le Choix" (2024) de Gilles Bourdos, à l'instar du très efficace "The Guilty" (2018) de Gustav Möller et son remake ricain (2021) de Antoine Fuqua, et plus récemment pourquoi pas "Quitter la Nuit" (2024) de Delphine Girard. Avec ce nouveau film il y a des paramètres qui peuvent séduire et/ou faire penser à une dimension plus "turque" via l'actualité ou le contexte éco-politico-social ou autre. Ainsi ici il ne s'agit pas d'une opératrice urgentiste ou une flic, on est dans un pays ou la fracture entre la hotline sexuelle et l'Islam paraît insoluble, et enfin le tremblement de terre ne doit pas être accessoire. Le film débute dans le vif du sujet, la hotline érotique peut se faire SM ou porno même si on saupoudre de quelques éléments façon "S.O.S. Amitié". C'est donc très cru, et si ce n'est pas forcément très présent l'importance de ces passages s'avère pourtant imposante quand il s'agit d'un film de seulement 1h15.
Puis arrive deux événements importants, le séïsme d'abord, et le coup de fil "de trop" et ces deux faits cumulés créent ou plutôt occultent ce qui paraît d'une évidence pourtant flagrante... ATTENTION SPOILERS !... pourquoi Arzu/Sabiha se bloque autant, semble amorphe, tergiverse et fait tout sauf la logique même : appelez les secours habituels pompiers ou autres ?! Un patron à sa botte, un soupçon d'explications et de bon sens suffisait. Apparemment les juges trucs sont facilement bernés, où comment cacher son travail en mentant tout simplement ?! Quid de la fiche de salaire etc... Ensuite les femmes de la hotline semblent plutôt s'apprécier au début et avoir une entente a priori au moins cordiale et en une dizaine de secondes on se retrouve dans une jalousie de cours de récré ?!... FIN SPOILERS !... Avec un tel récit le duo de réalisateurs-scénaristes frappent fort contre la misogynie accentuée par l'hypocrisie religieuse, mais aussi contre les élites et la corruption et dans sa première partie le tout est aussi cohérent que plein d'acuité. Mais au fil du récit on sent que les cinéastes veulent se faire plus directs, le ton de fait moins subtil, plus didactique pour finir dans une sorte d'apothéose convenue et moralisatrice, surtout amenée avec de gros sabots. La réalisatrice se sent obliger de préciser que ce passage est tiré d'un discours dont elle a été témoin en 1992 alors qu'elle était étudiante. Oui ce discours est juste et si beau car si logique et tant actuel mais est amené un peu aux forceps jusqu'à ces dernières secondes trop invraisemblables. Le film surnage surtout par la performance de l'actrice Saadet Isil Aksoy, épatante, bien servie par une réalisation qui se focalise essentiellement sur elle.
Note :